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Toutes les tribus zoghbiennes se rallièrent bientôt au sultan Abou-Hammou, ayant reconnu qu'elles n'auraient aucun avantage à espérer des Mérinides tant que la discorde régnerait au sein de cette nation. Abou-Hammou obtint ainsi les services des Soueid, des Beni-Yacoub, des Dialem et des Attaf, et leur octroya les impôts et les droits coutumiers dont ils avaient autrefois joui; mais, lors de la révolte d'Abou-Zian, fils du sultan Abou-Said et cousin d'Abou-Hammou, l'esprit de sédition fermenta de nouveau dans les cours des Zoghba et les porta à méconnaître les faveurs dont on les avait comblés. Abou-Hammou fit alors arrêter Mohammed-Ibn-Arîf, leurémir, qu'il soupçonnait d'être d'intelligence avec le prétendant. A l'instant mème Abou-Bekr, frère du prisonnier, partit avec sa tribu et se mit au service d'Abd-el-Azîz, fils d'Abou-'l-Hacen et sultan du Maghreb. Ceci eut lieu en 770 (1368-9). [Lors de l'expédition d'Abdel-Azîz contre Tlemcen,] Abou-Bekr rentra dans le Maghreb central avec l'avant-garde de ce monarque et reprit possession de son ancien territoire. Les Beni-Amer emmenèrent AbouHammou dans le désert, et pendant assez longtemps ils continuèrent à parcourir cette région.

Plus tard, Abou-Hammou prêta l'oreille à Abd-Allah-IbnAsker-Ibn-Moarref, qui essayait de l'indisposer contre Khaled [-Ibn-Amer]. Cet Abd-Allah était parent de Khaled et servait le sultan en qualité de confident et espion. Son aïeul Moarref était frère d'Ibrahîm-Ibn-Yacoub. Khaled se voyant en butte aux soupçons du sultan, en fut tellement indigné qu'il rompit ouvertement avec lui et alla trouver le sultan Abd-el-Aziz. Ayant alors obtenu l'appui d'une armée mérinide, il revint attaquer son ancien maître et les Arabes qui lui étaient restés fidèles.

Le sultan Abd-el-Azîz étant mort en 774 (1372-3), Khaled se mit encore en route pour le Maghreb avec son neveu Abd-AllahIbn-Sogheir, et il y fit la rencontre de Saci-Ibn-Soleim-Ibn-Dawoud. Ce chef s'y était rendu aussi avec sa tribu, les BeniYacoub, la mort d'un fils de Mohammed-Ibn-Arif, tué par ceuxci, ayant amené une rupture entre les deux familles. Saci s'était done dirigé vers le Maghreb, où il unit ses bandes à celles de

Khaled, dans l'espoir de pouvoir ainsi triompher de ses ennemis. Comme l'empire mérinide était déchiré par la guerre civile, ces chefs reconnurent bientôt qu'ils n'y trouveraient aucun appui; aussi, en l'an 777, ils rentrèrent dans leurs territoires respectifs, et comptant sur leurs propres forces, ils y allumèrent le feu de la révolte. Le sultan Abou-Hammou plaça son fils, Abou-Tachefin, à la tête d'une armée et l'envoya contre les insurgés. Ce jeune prince, secondé par les Soueid, les Dïalem et les Attaf, tomba sur eux, auprès de la rivière Mina, au sud-est d'El-Calâ, et tua Abd-Allah-Ibn-Sogheir, Molouk-Ibn-Sogheir et plusieurs autres membres de cette famille. Les fuyards se dispersèrent dans le Désert, mais quelque temps après ils s'unirent aux Dialem et aux Attaf pour aller trouver Salem-Ibn-Ibrahîm, chef de la tribu des Thâleba.

Salem était le seigneur de la Metidja, et comme il avait de bonnes raisons pour craindre Abou-Hammou, il prit avec ces tribus l'engagement de lever le drapeau de la révolte et de faire venir Abou-Zian de chez les Riah, où il s'était retiré. Aussitôt que ce prince fut arrivé au camp des coalisés, tout le monde lui prêta le serment de fidélité, et Salem le mit en possession de la ville d'Alger. Quelques jours plus tard, la mort de Khaled vint semer la désunion parmi les tribus confédérées. Les Beni-Amer prirent pour chef El-Masoud, fils de Sogheir, et cela au moment où Abou-Hammou marchait contre eux à la tête des Soueid et d'une fraction des Beni-Amer qui lui était restée fidèle. SalemIbn-Ibrahîm lui-même se mit aux ordres du souverain abd-elouadite et renvoya Abou-Zian chez les Riah.

El-Masoud-Ibn [-Sogheir-Ibn-Amer entra dans le Désert avec ses gens pendant que Saci-Ibn-Soleim alla se réfugier auprès de Yacoub-Ibn-Ali, chef des Douaouida. Quelque temps après, ils se rendirent tous auprès du sultan [Abou-Hammou] et obtinrent leur grâce. Ce prince les reprit à son service, mais tout en témoignant une bienveillance extrême à El-Masoud et à Saci, il ne faisait que dissimuler ses véritables sentiments; car bientôt après, il se concerta avec ses affidés d'entre les Beni-Amer et les Soueid, afin de perdre ces deux chefs. Pour effectuer ce projet, il donna

à son fils Abou-Tachefîn la commission d'aller percevoir les impôts dus par leurs tribus, de sorte que ce prince, ayant réuni autant de troupes qu'il jugea nécessaire, se trouva assez fort pour arrêter El-Masoud et dix autres personnes de la famille d'Amer-Ibn-Ibrahîm. Après avoir frappé ce coup, Abou-Tachefin se dirigea vers Cîrat avec ses Arabes afin de surprendre les tribus des Beni-Yacoub qui avaient pris leurs cantonnements dans ce pays. Pour mieux y réussir, il avait posté les Soueid dans la vallée du Mîna, d'où ils pouvaient facilement attaquer l'ennemi à l'improviste. Vers la pointe du jour la portion des Beni-Amer qui l'accompagnait atteignit les Beni-Yacoub dans l'endroit où ils étaient campés, et à la suite d'une charge à fond, elle leur enleva tout, troupeaux, tentes et bagages. Les fuyards tâchèrent de gagner le Désert, mais parvenus à Beni-Rached, ils rencontrèrent Abou-Tachefîn et périrent presque tous. Un très petit nombre d'entre eux réussit à se jeter dans le Désert, et Saci-Ibn-Soleim, qui les y avait accompagnés, alla se mettre sous la protection des Nadr-Ibn-Oroua.

Le commandement des Beni-Amer passa alors à Soleiman-IbnIbrahim-Ibn-Yacoub et à son lieutenant, Abd-Allah-Ibn-AskerIbn-Moarref-Ibn-Yacoub, chef qui possédait l'amitié du sultan. Telle était la position de ces tribus quand le sultan Abou-'l-AbbasAhmed, fils d'Abou-Salem, employa l'intervention de Ouenzemmar-Ibn-Arif en faveur des parents d'El-Masoud et de ce chef lui-même, bien qu'il eût déjà poussé Abou-Hammou et ses frères à les perdre. Le souverain abd-el-ouadite s'empressa de relâcher les prisonniers; mais à peine eurent-ils recouvré la liberté qu'ils levèrent de nouveau l'étendard de la révolte, et étant passés dans le Désert, ils rallièrent autour d'eux presque tous les membres de la famille d'Ibrahim-Ibn-Yacoub. En même temps les débris des Beni-Yacoub quittèrent les lieux où ils vivaient dispersés, et ayant rejoint leur ancien chef, Saci-Ibn-Soleim, ils se fixèrent tous au milieu de la tribu d'Oroua. Saci chargea alors ses frères d'aller solliciter l'appui du sultan [hafside] Abou-lAbbas, le même qui est encore souverain de l'Ifrîkïa. Ce prince accueillit les envoyés arabes avec une bienveillance parfaite; il

les combla de dons, et, au désir qu'ils exprimèrent d'obtenir du secours, il répondit par les promesses les plus encourageantes. Abou-Hammou, ayant appris cette nouvelle démarche de Saci, dépêcha contre lui un de ses sicaires, et le chef arabe mourut assassiné dans sa tente.

Quelque temps après ces événements, le sultan Abou-'l-Abbas reçut la visite de Soleiman-Ibn-Choeib-Ibn-Amer, qui vint accompagné d'Ali-Ibn-Omar-Ibn-Ibrahim, cousin de Khaled-IbnAmer et chef de la fraction des Beni-Amer qui s'était révoltée contre Abou-Hammou. Ils arrivèrent à Tunis pour demander du secours contre leur ennemi le sultan abd-el-ouadite, et Abou-'lAbbas ayant répondu favorablement à leur prière, ils s'en retournèrent dans leur tribu, comblés de marques de sa bonté. Plus tard, Ali-Ibn-Omar fit sa soumission à Abou-Hammou et obtint de lui le commandement des Beni-Amer en remplacement de Soleiman-Ibn-Ibrahîm-Ibn-Amer. Soleiman passa alors dans le Désert pour y rejoindre sa famille, les Aulad-Amer-Ibn-Ibrahîm, et il s'établit avec elle et les Beni-Yacoub au milieu des tribus gouvernées par Abou-Bekr-Ibn-Arif. Telle est encore leur position aujourd'hui.

Latribu d'Oroua-Ibn-Zoghba forme deux branches, dont l'une se compose des descendants d'En-Nadr-Ibn-Oroua et l'autre de ceux de Homeis-Ibn-Oroua. Les Homeis se partagent en trois grandes familles : les Obeid-Allah, les Feragh et les Yacdan. Les Beni-Naïl, branche des Feragh, se sont confédérés avec les Aulad-Mihya, branche des Amour établie dans le Djebel-Rached. Les Yacdan et les Obeid-Allah vivent en confédération avec les Soueid, les accompagnant dans leurs courses nomades, et s'arrêtant avec eux aux mêmes stations. Le droit de leur commander appartient aux Aulad-Aaïd 1, de la tribu de Yacdan.

Les Nadr-Ibn-Oroua ont l'habitude de pénétrer bien avant dans le Désert afin de visiter certains pâturages qui se trouvent au milieu des sables; ensuite ils montent sur le Tell et en parcourent les bords avec la permission des Dïalem, des Attaf et des

1. Variante: Abed.

Hosein. Ils ne possèdent aucun bien en propre, ni aucune concession du gouvernement, parce que leur faiblesse numérique les empêche de s'avancer dans le Tell, d'où les autres branches. de la tribu de Zoghba ne manqueraient pas de les expulser. Leur seule propriété consiste en un petit territoire dont ils se sont emparés dans le Mechentel, montagne située à côté du pays occupé par les Rîah, et habitée par quelques fractions des Ghomra et des Zenata. Ces dernières peuplades ont subi la domination arabe depuis bien des années et paient tribut aux Nadr, leurs vainqueurs. De temps à autre, quelques familles des Nadr, trop faibles pour se livrer plus longtemps à la vie nomade, viennent s'établir à demeure fixe chez ces Berbères.

Plusieurs branches de la tribu d'En-Nadr ont acquis une certaine réputation: telles sont les Aulad-Khalifa, les Hamacna, les Cherîfa, les Sahari, les Doui-Zîan, et les Aulad-Soleiman [Sliman. Elles reconnaissent l'autorité de la famille de Khalifa-Ibnen-Nadr-Ibn-Oroua. Le commandement appartient aujourd'hui à Mohammed-Ibn-Zian-Ibn-Asker-Ibn-Khalifa, chef qui a pour lieutenant Semaoun-ben-bou-Yahya-Ibn-Khalifa-Ibn- Asker. La plupart des Sahari habitent le mont Mechentel et vivent sous le commandement de la famille de... . . 1.

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Les familles de la tribu d'En-Nadr qui s'adonnent à la vie nomade ont toujours vécu en confédération avec les Zoghba. Dans quelques occasions elles se sont alliées avec leurs voisins, les Harb et les Hosein; d'autres fois elles ont assisté les Beni-Amer dans leurs querelles avec les Soueid. Bien qu'elles prétendent se rattacher aux Beni-Amer, dans la personne de Cohafa, j'ai entendu dire à leurs vieillards que Cohafa n'est pas le nom de leur ancêtre, mais celui d'un vallon où ces deux tribus s'étaient juré fidélité dans les temps anciens. Il leur est arrivé quelquefois, mais bien rarement, de soutenir les Soueid contre les BeniAmer; mais, comme nous venons de le dire, elles sont toujours plus disposées à donner leur appui à ceux-ci, par suite de la confédération qu'elles ont formée avec eux. Dans des rares oc

1 Il y a ici un blanc dans tous les manuscrits.

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