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tout-à-fait,comme dans Soleiman, Doreid, Cosour, qui deviennent Sliman, Drid, Csour; mais ceux des indigènes qui ont reçu un certain degré d'éducation les font très bien sentir quand ils parlent. En Algérie et dans les contrées voisines, on fait de l'imala un abus énorme: au fetha on substitue volontiers le kesra comme Blida, titkillim, pour Boleida, tetekellem, et à l'alif de prolongation on donne assez souvent le son d'è. Ceci est trèssensible dans les mots Auras, Abbas, Mirdas, etc., que l'on prononce ordinairement Aurès, Abbès, Mirdès. Les Européens accueillent trop facilement cette manière de prononcer, de sorte qu'ils altèrent jusqu'aux mots que les indigènes énoncent correctement. C'est à eux que nous devons les mots Fez, Téza, Médéa, Mequinez, Maroc ou Morocco, tandis que les natifs de ces endroits disent Fas, Taza, El-Mediya, Miknaça, Merrakech.

Le traducteur s'était proposé de consacrer quelques pages de cette introduction à un court examen des origines berbères. Son travail sur ce sujet était presque terminé, quand de nouveaux renseignements vinrent modifier une partie de ses conclusions. Il se voit donc obligé de suspendre la publication de cette notice. qu'il espère toutefois pouvoir placer en tête du troisième volume, et, en attendant, il reprendra ses recherches, afin d'obtenir, si cela se peut, la solution d'un problème dont il apprécie mieux qu'auparavant la difficulté et l'importance.

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DES ARABES DE LA QUATRIÈME RACE, OU ARABES MOSTADJEM 1, PEUPLE CONTEMPORAIN DONT LES ANCÈTRES FONDÈRENT L'EMPIRE DE L'ISLAMISME.

Lorsque la tribu des Coreich et les autres grandes familles descendues de Moder? eurent établi l'empire de l'Islamisme avec l'aide des Ansar, peuple originaire du Yémen, auxquels s'étaient joints leurs frères et coreligionnaires de la tribu de Rebiâ et les autres peuplades sorties de la même souche, lorsqu'elles eurent subjugué les nations voisines, dompté les autres

1. Ce mot signifie parlant un arabe corrompu, un dialecte barbare; quelques pages plus loin, l'auteur lui-même en donne cette explication. Dans l'introduction, nous avons fait observer qu'Ibn-Khaldoun regarde le peuple arabe comme ayant formé successivement quatre grandes races, savoir les Aréba, les Mostaréba, les Tabéâ-lil-Arab, et les Mostadjem.

2. Les généalogistes arabes distinguent les tribus de leur nation en deux classes l'une de race pure et composée des descendants de Cahtan; l'autre de race mêlée et renfermant toutes les familles descendues d'Ismaïl, fils d'Abraham. Moder et Rebià-Ibn-Nizar appartiennent à la seconde classe ; Kehlan et Himyer à la première. Ceux-ci sont les aïeux de toutes les tribus yéménites. Pour tout ce qui regarde les origines

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peuples et conquis leurs villes, elles échangèrent la rudesse de la vie nomade et la simplicité de mœurs qui les distinguait aux premiers temps du khalifat, contre les grandeurs de la domination et la mollesse de la vie sédentaire; et s'étant empressées d'abandonner les localités du Désert qu'elles avaient jusqu'alors fréquentées, elles se répandirent dans les régions éloignées et jusqu'aux dernières limites de l'empire musulman. Arrivés là, les membres de ces tribus s'établirent, soit par bandes, soit isolément; formant ainsi des garnisons et des postes avancés sur la frontière ennemie, pendant que l'empire fondé par leurs armes passait de race en race et de famille en famille 1.

Portés au faîte de la puissance en Irac, sous la dynastie des Oméïades, redoutables encore sous celles des Abbacides, parvenus à la plus haute fortune en Espagne sous la seconde dynastie oméïade, les, Arabes se virent en possession d'une gloire et d'un bien-être qui n'avaient jamais été le partage d'aucun autre peuple. Entourés des biens du monde et livrés aux plaisirs, ils s'étendirent sur la couche de la mollesse et, savourant les délices de la vie, ils tombèrent dans un long sommeil à l'ombre de la gloire et de la paix.

S'étant ainsi accoutumé aux demeures fixes, le peuple arabe oublia la vie du Désert et perdit les facultés qui l'avaient aidé à conquérir le pouvoir et à subjuguer les nations; il ne lui resta plus ni la simplicité des premiers temps de la religion, ni les mœurs agrestes auxquelles il s'était formé dans le Désert : tout chez lui s'émoussa, jusqu'au tranchant de son épée.

Alors le guerrier ne se distingua plus de l'artisan que par son inaptitude au travail, et l'individu de race nomade ne différa du citadin que par l'habillement. Le souverain ne souffrit plus la présence de chefs capables de rivaliser avec lui par la gloire

arabes, il faut consulter l'ouvrage de M. Caussin de Perceval, intitulé Essai sur l'histoire des Arabes avant l'Islamisme et pendant l'époque de Mahomet, etc., en trois vol. in-8°. On ne saurait assez louer ce travail qui décèle, à chaque page, le profond savoir, les recherches consciencieuses et le jugement éclairé de l'auteur.

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1. Nous suivons la leçon indiquée dans la note du texte arabe.

et par la naissance; il abaissa l'ambition de leurs princes et de leurs grandes familles ; et, pour dompter leur esprit turbulent, il appuya son autorité sur des troupes domestiques, corps formé d'esclaves tirés de l'étranger et de créatures attachées à la fortune du maître. Avec ces bandes, il accabla les Arabes, fondateurs de l'empire, champions de la foi et soutiens du khalifat; il leur fit goûter l'amertume de la servitude; il détruisit chez eux le souvenir de leur ancienne gloire et des douceurs de la domination; il leur enleva cet esprit de corps qui faisait leur plus ferme appui; de sorte que ce peuple, trop morcelé pour se défendre, devint le serviteur de tout homme puissant qui voulut l'employer; ou bien accablé et brisé par le malheur, il se dispersa parmi les autres nations.

L'autorité passa alors entre les mains d'esclaves et d'affranchis qui, séduits enfin par l'exercice du pouvoir, osèrent aspirer à l'empire; et, devenus maîtres de la personne du khalife, ils s'assirent eux-mêmes sur le trône et commandèrent en souverains.

Pendant ce temps, les Arabes chargés de la garde des provinces étaient tombés dans la dégradation la plus grande : ils ne purent ressaisir les bonnes qualités qu'ils devaient à la vie nomade, — elles étaient perdues depuis trop longtemps; ils ne purent se rappeler leur origine, - les noms de leurs aïeux s'étaient effacés de leur mémoire; ils disparurent enfin du monde, à l'exemple des peuples qui les avaient précédés et comme disparaîtront leurs successeurs.

Telles sont, en effet, les voies de Dieu envers ses créatures; et qui pourra changer les voies de Dieu ?

Dans les premiers temps de l'Islamisme, de nombreuses tribus arabes avaient contribué à poser les fondements et à construire l'édifice de l'empire, en faisant triompher la vraie foi, en raffermissant le khalifat et en soumettant les villes et les provinces occupées par les autres peuples. On y remarqua les tribus descendues de Moder, telles que les Coreich, les Kinana, les Khozâa,

1. Coran, sourate 48, verset 23.

les Beni-Aced, les Hodeil, les Temîm, les Ghatafan et les Soleim, ainsi que les Houazen et leurs frères, les Thakîf, les Sad-IbnBekr, et les Amer-Ibn-Sâsâ. Toutes ces peuplades s'y trouvaient avec leurs subdivisions, familles, parents, confédérés et amis.

Les tribus descendues de Rebiâ concoururent aussi à cette bonne œuvre on y vit les Taghleb-Ibn-Ouaïl, les Bekr-IbnQuaïl et toutes leurs ramifications, telles que les Yechkor, les Hanîfa, les Idjl, les Dohl, les Cheiban et les Teim-Allah ; puis les tribus de Nimr-Ibn-Cacet et d'Abd-Caïs avec leurs alliés.

Parmi les tribus originaires du Yémen et descendues de Kehlan, fils de Seba, on remarqua les Ansar, dont les aïeux, Aous et Khazredj, eurent pour mère Caïla, femme appartenant à une famille de la tribu de Ghassan; on compta aussi les Azd, les Hemdan, les Khathâm, les Bedjîla, les Medhedj avec leurs subdivisions: Ans, Morad, Zobeid, Nekhâa, les Achâri, les Beni'l-Hareth-Ibn-Kâb, puis la tribu de Taï et celle de Lakhm avec leurs diverses branches, et enfin celle de Kinda avec ses rois 1.

Un autre peuple yémenite qui prêta son appui à l'Islamisme fut celui formé par les tribus descendues de Codâa, chef qui eut pour aïeul Himyer, fils de Seba. Les différentes branches et familles de toutes ces tribus ainsi que de leurs confédérés, y participèrent également.

Mais, en s'appuyant sur le peuple arabe, l'empire musulman consuma les forces de toutes ces tribus : les unes périrent aux postes avancés, sur la frontière ennemie, et les autres succombèrent dans des pays éloignés, ou dans ces grandes batailles dont on garde encore le souvenir. On ne trouve plus dans le Désert un seul de leurs campements hospitaliers; pas une de leurs familles ne stationne maintenant dans les pâturages; il n'en existe plus une qui soit connue et dont on puisse citer le nom. Il est disparu ce noble esprit qui obligeait le patron à répondre des forfaits commis par ses clients; il est disparu aussi cet esprit de corps qui portait tous les membres de la nation à se soutenir entre eux. De ces anciennes tribus il ne reste plus que les noms,

1. Les chefs de la tribu de Kinda portaient le titre de roi.

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