acharné sur les pays musulmans d'outre-mer, profita des divisions qui régnaient entre les souverains de ces contrées pour mettre le siège devant Tolède. El-Cader-Yahya-Ibn-Di-'n-Noun, le prince qui s'y était enfermé, capitula, en l'an 478, après que la famine et la misère en eussent décimé la population. Comme il s'était rendu à la condition que le roi lui fournirait les moyens de s'emparer de Valence, il obtint de ce monarque un corps d'armée composé de chrétiens, et, avec leur aide, il accomplit son projet. Cette conquète lui avait été d'autant plus facile que lo gouverneur, Abou-Bekr-Ibn-Abd-el-Aziz, était mort peu de temps avant le siège de Tolède. Le roi chrétien pénétra ensuite dans l'Andalousie et ne s'arrêta qu'à Tarisa, port où l'on s'embarque pour traverser le Détroit. Ayant soumis à la capilation les musulmans de l'Espagne, peuple qui n'avait plus aucun moyen de lui résister, il partit pour assiéger Ibn-Houd, dans Saragosse. Cette ville allait succomber à la suite d'un long blocus, quand ElMotamed-Ibn-Abbad invita l'émir des musulmans, Youçof-IbnTachefin, à remplir sa promesse en venant au secours de l'isla à misme. Les docteurs de la loi et tous les personnages éminents de l'Espagne (musulmane] lui envoyèrent aussi une adresse dans laquelle ils le prièrent de les protéger contre le roi chrétien. Avant de commencer une guerre aussi sainte et aussi conforme à ses væux, Youçof s'occupa de réduire la ville de Ceuta. Pendant qu'une armée, sous les ordres de son fils El-Moëzz, attaquait cette place du côté de la campagne, la flotte d'Ibn-Abbad la tenait bloquée du côté de la mer. Dans le mois de Rebià second de l'an 476 (août-sept. 1083), les assiégeants emportèrent Ceuta d'assaut et en firent prisonnier le gouverneur, Diâ-ed-Dola. El-Moëzz, auquel on présenta cet officier, le fit mourir dans les tourments et écrivit à son père Youçof pour lui annoncer ce pouveau triomphe. A la suite de cette conquête, Ibn-Abbad lui-même traversa le Détroit afin d'implorer l'assistance de Youçof-Ibn-Tachefîn et On a déjà vu (page 28 de ce volome) que le roi Roger II soumit les musulmans de l'Ifrikïa à la capitation, taxe imposée par ce peuple sur les chrétiens et les juifs. 1 des Almoravides. Il trouva ce prince à Fez où il s'occupait à lever des troupes pour la guerre sainte, et, voulant lui fournir un point d'appui pour les opérations militaires qui devaient avoir lieu en Espagne, il ôta à son propre fils, Er-Radi, le commandement d'Alyeciras et remit cette forteresse au chef africain. En l'an 479 (10SC) Youçof y débarqua avec ses troupes almoravides et les contingents fournis par les tribus du Maghreb. ElMotamed-Ibn-Abbad, accompagné d'Ibn-el-Astas, souverain de Badajos, allèrent le recevoir , pendant que le fils d'Alphonse, roi des Galiciens, rassemblait en Castille les populations de la chrétienté. En l'an 479 (1086) », les musulmans rencontrèrent l'armée d'Alphonse à Ez-Zellaca, près de Badajos, et remportèrent sur elle une victoire à jamais célèbre. Youçof s'en retourna à Maroc après avoir laissé une garnison dans Séville sous les ordres de Mohammed-Ou-Meddjoun, fils de Semouïn-Ibn-Mohammed-IbnOureggout. Cet officier , appelé aussi Ibn-el-Haddj, parce que son père avait porté le titre d'El-Haddj (le pèlerin), était parent de Youçof-Ibn-Tachefin et un de ses généraux les plus distingués. Le roi chrétien se jeta alors sur l'Espagne orientale sans éprou non 1 Ibn-Khaldoun avait assez de renseignements sur l’Espagne chrétienne pour savoir que ce prioce s'appelait Alphonse ; qu'il était fils, pas d'Alphonse mais de Ferdinand et roi, non-seulement de Galice, mais de Léon et de Castille. Ici il a soivi l'usage des historieos arabes qui désignent presque toujours les rois de Castille par le titre de fils d'Alphonse.— Nous prendrons cette occasion pour faire observer qu'en arabe le nom d'Alphonse s'écrit Adefouns ou Adfounch, avec un d ponctué, lettre qui représente le ih doux des Anglais. Cette orthographe peut se justifier : dans le trésor de l'église de Saint-Jacques, à Compostelle, se voit encore un crucifix portant l'inscription suivaole: Hoc opus perfectum est in era ixoo et duodecima. Boc signo vincitur inimicus, hoc signo tuetur pius, hoc offerunt famuli Dei Adefoozus, princeps et coniux. L'an 912 de l'ère d'Espagne répoud à l'an 874 de J.-C. et à l'an 261-2 de l'hégire. Alphonse III, le graud, élait alors roi des Asturies et de Léon. . Le lexle imprimé et les manuscrils portent la dale de 481. Plus loin, ils offreot 486 à la place de 481. ver aucune résistance de la part des émirs indépendants qui s'élaient partagé ce pays. Ibn-el-Haddj marcha contre lui, la même année, à la tête des troupes almoravides, et mit les chrétiens dans une déroule vraiment honteuse. Ayant alors déposé IbnRechic, seigneur de Murcie, il se dirigea sur Denia, et en força le seigneur, Ali-Ibn-Modjahed, à partir pour Bougie. En-NacerIbn-Alennas, souverain de cette ville, accueillit le fugitif avec une haute distinction. Le même général almoravide plaça alors un corps de troupes à la disposition d'Ibn-Hadjaf, cadi de Valence, qui était venu le pousser à faire une expédition contre El-Cader-Ibn-di-'n-Noun. Ce détachement occupa Valence, en l'an 485 (1092), et Ibn-di'n-Noun y perdit la vie. A la réception de cette nouvelle, le roi chrétien alla camper sous les murs de la ville conquise et s'en empara, l'an 487. Plus tard, les Almoravides s'en rendirent maitres, et Youçof-Ibn-Tachefio en donoa le commandement à l'émir Mezdeli. En 484 (1088) Youçof passa en Espagne pour la seconde fois et remarqua que les émirs indépendants mirent très-peu d'empressement à venir le recevoir. Ces chefs s'étaient souvenus du mécontentement qu'il avait déjà éprouvé en les voyant accabler leurs sujets d'impôts, de corvées et de vexations de toute espèce. Sommés par lui, à cette époque, de faire cesser ces abus et de rentrer dans la légalité, ils évitèrent de se rencontrer avec lui. Ibn-Abbad fut le seul qui alla le rejoindre, et il profita même du peu d'empressement qde montraient ses voisins pour tourner contre eux la colère du monarque africain. Il se fit même livrer Ibn-Rechîc contre lequel il nourrissait une haine violente. Youcof envoya alors un corps d'armée contre Almeria, et il en mit le , seigneur , Ibn-Somadeh, dans la nécessité de se réfugier auprès d'El-Mansour-Ibn-en-Nacer, souverain de Bougie. Comme les chefs indépendants qui régnaient en Espagne s'étaient engagés, d'un accord unanime, à ne fournir ni troupes ni approvisionnements aux Almoravides, Youçof conçut d'eux une opinion très-défavorable, et soumit leur conduite au jugement des légistes et des hommes d'Espagne et de Maghreb les plus ca pables. Tous furent d'avis qu'il avait le droit de déposer les chefs réfractaires; opinion que les docteurs les plus distingués de l'Irac, tels qu'El-Ghazzali et Tortouchi - confirmerent par la leur. Fort d'une décision aussi favorable, Youçof se rendit à Grenade et en détrôna le souverain, Abd-Allah-Ibn-Bologguin-Ibn-Badis (483: 1090-1) il traita de la même manière Temim, frère du précédent et souverain de Malaga ; puis, ayant découvert que ces princes avaient été en négociation avec le roi chrétien dans un but hostile aux Almoravides, il les déporta lous les deux en Maghreb. Ce procédé inspira une telle frayeur à Ibn-Abbad qu'il évita de se rendre auprès de Youcof; aussi leur mésintelligence ne tarda pas à éclater. à Youçof s'étant alors transporté à Ceuta, où il avait l'intention de rester quelque temps, confia le gouvernement de l'Espagne à l'émir Sîr-Ibn-Abi-Bekr-Ibn-Mohammed-Ibn-Oureggoul, et lui ordonna de partir pour ce pays. Ibn-Abbad s'étant abstenu d'aller au-devant de ce chef pour lui faire sa cour, reçut bientôt de lui la sommation formelle de reconnaitre l'autorité de l'émir Youçof-Ibn-Tachefin et d'abdiquer le trône. Il en résulta une guerre dans laquelle le général almoravide occupa les états de son adversaire, enleva Cordoue à El-Mamoun, fils d'Ibn-Abbad, et força Yezid-er-Radi, autre fils du même, à abandonner le commandement de Ronda et de Carmona. Après avoir mis à mort tous ces princes, il assiégea El-Motamed-lbn-Abbad dans Séville et le mit dans la nécessité d'invoquer le secours du roi chrétien. Ce monarque accourut pour le dégager et pour empêcher la chute de la ville ; mais les Lemtouna le repoussèrent de manière à lui ôter tout espoir du succès, et en l'an 484 (1094), ils emportèrent Séville d'assaut. El-Motamed fut fait prisonnier et conduit à Maroc. រ 1 4 Abou-Hamed-el-Ghazzali, célèbre philosophe et législe chafite, était professeur de jurisprudence à Baghdad et mourut en 503 (4409). Abou-Bekr-el-Tortouchi, docteur du rite malekile, controversiste et ascėle, paquit à Tortosa, en Espagne, voyagea en Orient et mourut à Alexandrie ea l'an 520 (1126). Dans le second volume de la traduction du dictionnaire biographique d'Iba-Khallikan se trouvent deux notices consacrées à ces docteurs. Il passa le reste de ses jours dans une captivité étroite et mourut à Aghmat en l'an 494 (1100-1), dans la prison où Youçof l'avait fait enfermer Sîr marcha ensuite sur Badajos, mit aux arrêts Omar-Ibn-elAftas, souverain de cette ville ; puis, s'étant acquis la certitude que son prisonnier et ses fils avaient négocié secrètement avec le roi chrétien dans le but de lui livrer Badajos, il les fit tous mettre à mort. Cette exécution eut lieu le 10 de Dou-'l-Hiddja, 489 (décembre 1096). L'année suivante Youçof passa en Espagne pour la troisième fois, et sachant que le roi chrétien venait à sa rencontre, il le fit attaquer par une armée almoravide sous les ordres de Mohammed-Ibn-el-Haddj. Daos cette bataille les musulmans remportèrent la victoire et mirent l'ennemi en pleine déroute. En l'an 493 (1099-1100), Yahya-Ibn-Abi-Bekr, petit-fils de Youçof-Ibn-Tachelin, arriva en Espagne et opéra sa jonction avec Mohammed-Ibn-el-Haddj et Sir-Ibn-Abi-Bekr. Il enleva alors aux roitelets musulmans toutes leurs places fortes, à l'exception de Saragosse, ville où El-Mostaïn-Ibn-Houd se tenait sous la protection des chrétiens. L'émir Mezdeli, gouverneur de Valence, envahit le territoire de Barcelone, y répandit la dévastation, et, après avoir pénétré plus loin dans cette contrée qu'aucun de ses devanciers, il rebroussa chemin. L'Espagne [musulmane) passa ainsi sous la domination de Youçof-Ibn-Tachefin, et l'autorité des rois provinciaux disparut comme si elle n'avait jamais existé. Devenu maître de l'Espagne et du Maghreb, Youçof-IbnTachefin défit les chrétiens à plusieurs reprises, et ayant adopté · Pour l'histoire d'El-Motamed, on peut consulter l'Historia Abbadidarum de M. Dozy, Lugd. Bat. 1846, et le troisième volume de la tra. duction d'Iba-Khallikan. * Ea 1839, feu M. Hoogvliet publia, à Leyde, une histoire très-détaillée de la famille Aftas, sous le titre de Prolegomena ad edit. IbniAbduni poematis, dans laquelle il a réuni de uombreux extraits des auleurs arabes. — M. Dozy vient de publier le texte arabe du poème d'Ibo-Abdoun avec le commentaire d'Ibo-Bedroun. 6 T. II, |