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assigna pour demeure un de ses ses plus beaux palais ; il lui accorda même le premier rang à la cour et la préséance sur tous les autres descendants de Zîri. A l'approche de Zaoui, il envoya audevant de lui toutes les princesses de la famille royale, et l'on raconte qu'il se trouvait parmi elles mille individus tellement rapprochés de Zaoui par les liens du sang qu'il n'aurait pas pu en prendre une pour femme. Ce fut alors qu'il enterra la tête de son père dans le tombeau qui en renfermait le corps.

En quittant ses états espagnols, il y avait laissé son fils en qualité de lieutenant. Ce prince se rendit tellement impopulaire que les habitants de Grenade se révoltèrent contre lui, et faisant alors venir son cousin Habbous, fils de Makcen-Ibn-Zîri, qui habitait un château aux environs de la ville, ils fondèrent une nouvelle dynastie en lui prêtant le serment de fidélité. Habbous devint un des plus puissants d'entre les petits souverains qui s'étaient partagé l'Espagne. Il mourut en 429 (1037-8).

Badis, fils et successeur de Habbous, prit, en montant sur le trône, le titre d'El-Modaffer (le victorieux); mais tant qu'il exerça l'autorité suprême, il reconnut la souveraineté des Hammoudites. Les princes de cette famille venaient d'abandonner Cordoue et de se fixer à Malaga où ils régnaient sous le titre d'émirs. L'année même de l'avènement de Badîs, le chef amerite qui gouvernait Almeria, marcha contre lui; mais, dans une bataille qui se livra aux environs de Grenade, il essuya une défaite et perdit la vie. Après cette victoire, Badîs jouit d'un long règne et vit son amitié et son appui recherchés avec un extrême empressement par les autres rois des états espagnols.

En l'an 431 (1039-40), il réunit ses troupes à celles d'IbnBacanna, général au service d'Idris-Ibn-Hammoud, seigneur de

Il s'agit de Zoheir l'esclavon. Voy. History of the Mohammedan dynasties in Spain de M. de Gayangos, vol. 1, pp. 248, 257, 506. Cet ouvrage offre une foule de renseignements sur l'histoire politique, biographique et littéraire de l'Espagne musulmane. L'histoire des rois d'Alméria, qui se trouve dans la continuation de l'Art de vérifier les dates, ayant été empruntée à l'ouvrage de Conde, renferme de graves

erreurs.

Malaga, et marcha au secours de Mohammed-Ibn-Abd-Allah-elBerzali qu'Ismail, fils d'El-Cadi-Ibn-Abbad', tenait assiégé [dans la ville de Carmona]. Avant d'atteindre leur destination, ils rebroussèrent chemin et encouragèrent ainsi leur adversaire à les poursuivre. Un combat eut alors lieu qui amena la défaite d'Ismaîl, et ce malheureux, abandonné par les siens, tomba sous les coups des Sanhadja. Sa tète fut envoyée à Ibn-Hammoud.

El-Cader-Ibn-Di-'n-Noun, seigneur de Tolède, reçut aussi de Badîs un appui qui le mit en état de résister avec succès aux entreprises ambitieuses et aux tentatives hostiles d'Ibn-Abbad.

Ce fut Badîs qui, le premier, érigea Grenade en ville capitale ; il en fonda la citadelle, y bâtit des palais et l'entoura de fortifications. Encore aujourd'hui, on remarque les traces de sa puissance dans les constructions et bâtiments élevés par ses soins.

En l'an 449 (1057-8), lors de la chute des Hammoudites, il occupa la ville de Malaga et l'incorpora dans ses états. Sa mort eut lieu en 467 (1074–5).

A cette époque, les Almoravides venaient d'étendre leur domination sur le Maghreb, et leur souverain, Youçof-Ibn-Tachefîn, y avait fondé un puissant empire.

Abd-Allah, fils de Bologguin et petit-fils de Badîs, succéda à son aïeul et prit le surnom d'El-Modaffer. Il donna à son frère Temim le gouvernement de Malaga. La puissance de cette maison se maintint jusqu'à ce que Youçof-Ibn-Tachefîn fit, en Espagne, la célèbre expédition dont nous aurons à parler dans l'histoire de ce monarque. En l'an 483 (1090), Youçof occupa Grenade, et ayant fait arrêter Abd-Allah-Ibn-Bologguîn, il lui enleva ses trésors et l'envoya prisonnier en Afrique avec Temîm, gouverneur de Malaga. Abd-Allah fut conduit à Aghmat, et son frère Temîm à Sous-el-Acsa. Ils restèrent, jusqu'à leur mort, au pouvoir de Youçof-Ibn-Tachefîn qui, du reste, leur avait assigné à

On peut voir, dans la continuation de l'Art de vérifier les dates et dans l'ouvrage de M. de Gayangos, l'histoire des Abbadites. Consultez aussi l'article Motamed-Ibn-Abbad dans le troisième volume de la traduction anglaise d'Ibn-Khallikan.

chacun un apanage pour son entretien. Les Beni-'n-Namci, une des premières familles de Tanger, se donnent pour descendants de ces princes.

Voila comment disparurent les empires fondés en Ifrîkïa et en Espagne par les Sanhadja de la branche de Telkata.

NOTICE DES MOLETTHEMÎN, PEUPLE QUI FORMA LA SECONDE RACE DES

SANHADJA.

HISTOIRE DE LEUR DOMINATION EN MAGHREB.

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Les Moletthemîn1, peuple de race sanhadjienne, habitaient la région stérile qui s'étend au midi du Désert sablonneux. De temps immémorial, depuis bien des siècles avant l'islamisme, ils avaient continué à parcourir cette région où ils trouvaient tout ce qui suffisait à leurs besoins. Se tenant ainsi éloignés du Tell et du pays cultivé, ils en remplaçaient les produits par le lait et la chair de leurs chameaux; évitant les contrées civilisées, ils s'étaient habitués à l'isolement, et, aussi braves que farouches, ils n'avaient jamais plié sous le joug d'une domination étrangère. Ils occupèrent les lieux voisins du rîf de l'Abyssinie et la région qui sépare le pays des Berbères de celui des Noirs. Ils se voilaient la figure avec le litham, objet d'habillement qui les distinguait des autres nations 3. S'étant multipliés dans ces vastes plaines, ils formèrent plusieurs tribus telles que les Guedala, les Lemtouna, les Messoufa, les Outzîla, les Targa 5, les Zegaoua et les Lamta.

Ce mot signifie les porteurs du litham ou voile. note 3.

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Pour la signification du mot rif, voy. l'index géographique dans le tome 1.

3 Le litham ou voile est une espèce de bandeau qui sert à couvrir la figure au point de n'en rien laisser paraître excepté les yeux. Dans les voyages du capitaine Lyon et dans ceux du major Denham et du capitaine Clapperton, on peut en voir le dessein et la description.

4 Ailleurs, ce nom est ponctué de manière à se faire prononcer Outriga.

Le pluriel du mot Targa est Touareg, nom d'un peuple qui vit encore dans le Désert et qui porte le litham.

Ces peuples sont tous frères des Sanhadja et demeurent entre l'Océan environnant (l'Atlantique), du côté de l'occident, `et Ghadams, endroit situé au midi de Tripoli et Barca [du côté de l'orient].

Les Lemtouna se partageaient en un grand nombre de branches dont nous pouvons nommer les Beni-Ourtentac1, les BeniNial, les Beni-Moulan et les Beni- Nasdja. Ils habitaient tous cette partie du Désert qu'on nomme Kakdem et, à l'instar des Berbères du Maghreb, ils professaient le magisme (l'idolatrie). Ils ne cessèrent de se tenir dans ce pays et de le parcourir avec leurs troupeaux jusqu'à ce qu'ils embrassèrent l'islamisme, quelque temps après la conquête de l'Espagne par les Arabes.

Le droit de leur commander appartenait aux Lemtouna. Déjà, à l'époque où la dynastie fondée par le prince oméïade, Abd-erRahman-Ibn-Moaoufa-ed-Dakhel, régnait en Espagne, ils formaient une nation puissante qui obéissait à des rois héréditaires, princes dont le souvenir s'est conservé jusqu'à nos jours. L'un de ces rois, Telagaguîn, fils d'Ourekkout ou Araken, fils d'Ourtentac, était aïeul d'Abou-Bekr-Ibn-Omar, celui qui commandait les Lemtouna lors du premier établissement de l'empire almoravide [en Maghreb].

Dans le pays habité par ce peuple, on vivait ordinairement jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans. Quand les Lemtouna eurent soumis les régions du Désert, ils portèrent la guerre chez les nations nègres pour les contraindre à devenir musulmans. Une grande partie des Noirs adopta alors l'islamisme, mais le reste s'en dispensa en payant la capitation.

Telagaguin eut pour successeur Tiloutan. « Le premier des >> Lemtouna, dit Ibn-Abi-Zerà 3, qui régna dans le Désert fut

1 Le nom de cette tribu se retrouve encore dans Portendic, localité à quarante lieues N. de l'embouchure du Sénégal.

2 Voy. l'index géographique du tome 1.

3 Ibn-Abi-Zerâ est l'auteur de l'histoire de Fez et du Maghreb qui porte le titre de Cartas. Cet ouvrage a été traduit en portugais par le père Moura, en allemand par Dombay, et une nouvelle édition, en latin, avec le texte arabe, a été publiée par M. Tornberg, à Upsal. Le passage 5

T.II.

>> Tiloutan. Il soumit les contrées de cette région et obligea les » Noirs à payer tribut. Il marchait entouré de cent mille cava>>liers montés sur des chameaux de belle race. Sa mort eut lieu » en 222 (837). Son successeur, llettan, mourut en 287 (900). » Temîm, fils et successeur de celui-ci, régna jusqu'à l'an 306 >> (918-9), quand il fut tué par les Sanhadja. Alors la division se >> mit parmi les Lemtouna. >>

Selon un autre historien, un des plus illustres de leurs rois fut Tînezwa, fils de Ouachenic, fils de Bezar. Ce personnage, nommé aussi Berouïan, fils de Oachenec, fils d'lzar, régna sur tout le Désert, et cela dans le quatrième siècle de l'hégire, à l'époque où les souverains oméïades, Abd-er-Rahman-en-Nacer et, ensuite, son fils El-Hakem-el-Mostancer, gouvernaient l'Espagne, et où les khalifes fatemides, Obeid-Allah et son fils Abou'l-Cacem, commandaient en Ifrîkïa. Il marchait à la tête de cent mille guerriers portés sur des chameaux de race. Sa domination s'étendait sur une région longue de deux mois de marche et large d'autant. Vingt rois nègres reconnaissaient son autorité et lui payaient la capitation. Ses fils régnèrent après lui, et, ensuite, l'unité de la nation se brisa, de sorte que chaque fraction et chaque tribu eut un roi.

« Après Temim, dit Ibn-Abi-Zerà, la division se mit dans la >> nation et cet état de choses dura cent vingt ans. Abou-Abd» Allah, fils de Tifaout et généralement connu sous le nom de >> Narecht, monta alors sur le trône et rallia tous les partis. Ce >> fut un homme plein de religion et de vertu ; il fit le pelèrinage » de la Mecque et, après un règne de trois ans, il perdit la vie » dans une expédition militaire. Son gendre, Yahya, fils d'I>> brahim-el-Guedali, prit alors le commandement et eut pour >> successeur Yahya, fils d'Omar et petit-fils de Telagaguîn.

cité ici d'une manière abrégée, par Ibn-Khaldoun, se trouve à la page 76 de l'édition arabe. On peut remarquer que les deux textes ne s'accordent nullement en ce qui regarde l'orthographe des noms propres. Ces différences proviennent évidemment de l'incurie et de l'ignorance des copistes, qui, dans le Cartas surtout, ont commis une foule d'erreurs. Variante: Izar.

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