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Tous ces personnages furent emprisonnés à El-Mehdïa par l'ordre d'El-Moëzz, mais les cadis et légistes qui étaient venus avec eux reçurent un accueil très-honorable et obtinrent l'autorisation de s'en retourner chez eux. Djouher commença alors la construction de la nouvelle ville du Caire (El-Cahera), et, dans ses dépêches, il invita El-Moëzz, de la manière la plus pressante, à se rendre en Egypte.

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Lors de la conquête de l'Egypte, tous les descendants de Tordj [l'ikhchîdite] furent arrêtés, mais un de ces prisonniers, El-Hacen, fils d'Abd-Allah et petit-fils de Tordj, parvint à s'évader et à se jeter dans Ramla [en Palestine] où il obtint l'appui de plusieurs chefs militaires. Djouher eut à peine établi son autorité en Egypte qu'il dut expédier contre lui un corps d'armée sous la conduite de Djâfer-Ibn-Felah le ketamien1. Ce général livra plusieurs combats au prince ikhchîdite et, l'ayant enfin fait prisonnier avec les principaux chefs de l'insurrection, il les envoya tous à Djouher qui les fit conduire en Ifrîkïa pour être présentés à El-Moëzz. Djâfer prit ensuite d'assaut et dévasta la ville de Ramla, mais il amnistia ceux des habitants qui avaient échappé au massacre. S'en étant fait payer l'impôt 2, il marcha sur Tiberias, et, trouvant qu'Ibn-Melhem [le gouverneur de cette ville], y avait fait proclamer la souveraineté d'ElMoëzz, il passa outre et alla prendre d'assaut la ville de Damas. Dans le mois de Moharrem 359 (nov.-déc. 969), il y fit prononcer la khotba au nom d'El-Moëzz; mais, le vendredi suivant, un

Traduction d'Ibn-Khallikan, vol. 1, p. 327.

Ici l'auteur emploie le mot kharadj et avec raison. La Syrie et tous les autres pays enlevés aux chrétiens par les musulmans étaient soamis au kharadj, impôt bien autrement lourd que l'achor ou dime.

cherîf nommé Abou-'l-Cacem-Ibn-Abi-Yala-el-Hachemi, qui jouissait d'une grande influence dans la ville, souleva la populace, se revêtit de la livrée noire [des Abbacides] et prononça la khotba au nom d'El-Motiâ, khalife de Baghdad. Plusieurs rencontres eurent lieu entre les deux parties, et les troupes fatemides avaient déjà fait essuyer de grandes pertes à leurs adversaires, quand le cherîf abandonna ses partisans et s'enfuit à la faveur des ténèbres. Les habitants de Damas, se voyant abandonnés par leur chef, ne surent plus que faire, quand le chérîf El-Djâferi, qu'ils avaient déjà envoyé pour traiter avec IbnFelah, revint chez eux et rassura les esprits. Il fit valoir surtout les bonnes dispositions du général fatemide qui se disait prêt à leur accorder la paix s'ils lui permettaient de parcourir les divers quartiers de la ville. Comme il leur donna l'assurance qu'aussitôt après cette promenade, il rentrerait dans son camp, on lui ouvrit les portes. Les troupes maghrebines commencèrent aussitôt l'œuvre de la dévastation, mais les habitants indignés coururent aux armes, leur tuèrent beaucoup de monde et dressèrent des barricades. Le cherîf parvint enfin à désarmer la colère d'Ibn-Felah et à obtenir la paix. Vers le milieu du mois de Dou'l-Hiddja 359 (oct. 970), le chef des soldats de la police au service d'Ibn-Felah entra dans la ville et y rétablit la tranquillité. Plusieurs jeunes gens [qui avaient pris part à l'insurrection] subirent la peine de mort et d'autres furent mis en prison. Dans le mois de Moharrem 360 (nov. 970), le cherîf Abou-'l-CacemIbn-Abi-Yala fut fait prisonnier et conduit en Egypte. DjâferIbn-Felah obtint ainsi possession de la ville de Damas.

Quelque temps auparavant, c'est-à-dire en l'an 358, AbouDjâfer le zenatien leva, en Ifrîkïa, l'étendard de la revolte et rassembla autour de lui une foule de Berbères et de Nekkarites. El-Moëzz marche en personne contre le rebelle, qui, se voyant abandonné par ses troupes, chercha une retraite dans les montagnes. Le prince fatemide, qui venait d'arriver à Baghaïa, reprit alors le chemin de sa capitale après avoir expédié Bologguîn, fils de Zîri, à la poursuite du fuyard. Pendant quelques mois, on n'entendit plus parler de cet aventurier, mais, l'année suivante,

il se présenta devant El-Moëzz et obtint sa grâce ainsi qu'une pension pour son entretien.

Ce fut à la suite de cette affaire qu'El-Moëzz reçut les dépêches par lesquelles Djouher l'invitait à passer en Egypte, pays qui venait de reconnaître l'autorité des Fatemides, ainsi que la Syrie. Cette nouvelle lui causa un si vif plaisir qu'il laissa éclater sa satisfaction aux yeux du public. Les poètes s'empressèrent alors à célébrer la gloire d'un prince aussi fortuné.

Vers cette époque les Carmats, sous la conduite de leur roi El-Asem, marchèrent contre Damas, mais Djâfer-Ibn-Felah leur fit éprouver une défaite sanglante. En l'an 364 (971-2), El-Asem revint encore et s'empara de la ville, après avoir mis en déroute les troupes fatemides et tué leur chef Djâfer. De là il se dirigea sur l'Egypte, et Djouher se hâta d'en écrire à El-Moëzz.

§ XV.

EL-MOEZZ PASSE EN EGYPTE ET S'ÉTABLIT DANS
LE CAIRE.

Alarmé par les progrès des Carmats, El-Moëzz se décida à partir pour l'Egypte, mais, avant de se mettre en route, il s'oc cupa du Maghreb, pays dont la tranquillité venait d'être sérieusement menacée': Mohammed-Ibn-el-Hacen-Ibn-Khazer le maghraouien, soutenu par une foule de Zenata et d'autres Berbères, y ayant acquis une influence qui pouvait devenir dangereuse pour l'Ifrîkïa. D'après ses ordres, Bologguîn, fils de Zîri-IbnMenad, pénétra dans le territoire occupé par le chef rebelle, et, à la suite d'un combat acharné, il parvint à disperser les insurgés. Dix-sept émirs de la tribu de Zenata restèrent sur le champ de bataille; le nombre des prisonniers fut immense, et MohammedIbn-Khazer se taa de sa propre épée. Cette rencontre ent lieu en l'an 360 (970-4), El-Moëzz apprit avec une joie extrême la nouvelle de cette victoire et, ayant donné audience à tous ses sujets afin de recevoir leurs félicitations, il appela Bologguîn à Cairouan et l'y établit comme lieutenant-gouverneur de l'Ifrîkïa

et du Maghreb. A cette occasion il lui donna le nom de Youçof et le surnom d'Abou-'l-Fotouh (père des victoires). Il ne voulut cependant pas lui accorder aucune autorité sur la Sicile et il confia le gouvernement de Tripoli à Abd-Allah-Ibn-Yakhlof le ketamien. La perception de l'impôt des biens meubles (djebaïat-el-amoual) fut donnée à Zîadet-Allah-Ibn-el-Cadîm', et celle de l'impôt territorial (kharadj), à Abd-el-Djébbar-el-Khoraçani et à Hocein-Ibn-Khalef-el-Marsedi. Ceux-ci furent placés sous le contrôle de Bologguîn. Vers la fin de Choual 364 (août 972), ElMoëzz établit son camp en dehors d'El-Mansourïa, et, s'étant porté à Sardènïa, il y passa quatre mois afin de réunir ses troupes et d'organiser l'administration de l'empire. Ayant appelé auprès de lui les membres de sa famille et les gouverneurs des provinces, il partit pour l'Egypte, emportant les trésors de l'empire et le mobilier du palais. Bologguîn, qui l'accompagna jusqu'à une petite distance, reçut alors son congé et revint au siége du gouvernement.

Pendant qu'El-Moëzz marchait sur Tripoli, une partie des populations se retira dans les montagnes de Nefouça, pour se mettre hors d'atteinte. Arrivé à Barca, en Redjeb 362 (avrilmai 973), il perdit son poète favori, Mohammed-Ibn-Hani-elAndeloci, qui fut trouvé assassiné au bord de la mer. Dans le mois de Châban (mai-juin), il fit son entrée à Alexandrie et reçut de la manière la plus grâcieuse les notables du Vieux-Caire (Misr).

« El-Moëzz, ayant confié à Youçof-Bologguîn le gouvernement de » l'Ifrikïa, nomma Abou-Moder-Ziadet-Allah-Ibn-Obeid-Allah-Ibn-el» Cadîm directeur général de tous les bureaux établis dans les pro» vinces de l'empire (pour la perception de l'impôt). (En-Noweiri; man. n° 702, fol. 29, recto.) Ibn-Haucal avait connu ce Ziadet-Allah; voy., dans le Journal asiatique de 1842, sa description de l'Afrique,

D° CXLI.

2 La vie de ce poète audalousien, que ces sontemporains plaçaient au niveau d'El-Moténebbi, le plus illustre des poètes de l'Orient, se trouve dans ma traduction d'Ibn-Khallikan, vol. ш, p. 125.

Le 5 du mois de Ramadan (10 juin), il entra au Nouveau-Caire (El-Cahera), ville qui devint le lieu de sa demeure et qui fut habitée par ses successeurs jusqu'à la chute de sa dynastie '.

1 Pour d'autres détails, voy. la Vie d'El-Moëzz, par M. Quatremère. La dynastie fatemide fut renversée par Saladin.

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