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[l'an 407-1046], lors de la chute des Omérades espagnols, appartenaient aussi à la famille d'Idris. Messala tourna ensuite ses armes contre Sidjilmessa et installa son cousin dans cette ville, après en avoir tué le prince midraride qui y exerçaît la souveraineté et qui avait repoussé la domination des Fatemides 1. Il so mit à la poursuite des Zenata et leur livra plusieurs combats dans diverses parties du Maghreb, mais il tomba enfin sur le champ de bataille, frappé à mort par Mohammed-Ibn-Khazer, de la tribu des Maghraoua 2.

La perte de cet habile capitaine irrita vivement le souverain. fatemide et le décida à envoyer contre les Maghraoua une nouvelle armée de Ketamiens. Mohammed-Ibn-Khazer mit ce corps. en déroute, et, par l'éclat de sa victoire, il ébranla le Maghreb entier. Aussi, en l'an 345 (927-8), le Mehdi dut-il y dépêcher son fils Abou-'l-Cacem à la tête d'une colonne à laquelle les Ketama et les autres tribus partisans des Fatemides avaient envoyé leurs contingents. Ce prince refoula Ibn-Khazer dans le Désert, envahit les territoires des Mezata, des Matmata, des Hoouara et des autres peuples qui professaient les doctrines des Eibadites et des Sofrites. Passant ensuite auprès de Tèhert, capitale du Maghreb central, il s'avança toujours, pénétra dans le Rif et s'empara de Nekour, ville maritime de cette région. Ensuite, il marcha sur Djeraoua, où il assiégea le prince idricide, El-Hacen-Ibn-Abi-'l-Arch. Après avoir soumis les provinces du Maghreb, il effectua sa retraite sans opposition. En passant par l'endroit où s'élève maintenant la ville d'El-Mecîla, il y trouva les Beni-Kemlan, tribu hoouaride, et, comme il les croyait mal disposés pour le gouvernement de l'Ifrîkïa, il les transporta dans la plaine de Cairouan. Bientôt après, Dieu permit que cette tribu embrassât la cause d'Abou-Yezid, l'homme à l'âne. Au moment

1 Voy. t. 1, p. 264.

2 En l'an 313 (925-6), une flotte musalmane, sous les ordres de Salem-Ibn-Rached, quitta la Sicile, d'après les instructions du Mehdi, et fit une descente sur la côte de la Lombardie. Ensuite, elle alla débarquer des troupes dans la Calabre où elles portèrent la dévastation.

d'éloigner les Beni-Kemlan de leur pays, il y posa les fondations d'une ville qu'il nomma El-Mohammedïa et que l'on appelle maintenant El-Mecîla.

Ali-Ibn-Hamdoun-el-Andeloci, l'un des protégés de la cour des Fatemides, eut l'ordre de terminer la construction de cette place, et, quand il l'eut fortifiée et approvisionnée, il en reçut le commandement avec le titre de gouverneur du Zab. On verra plus loin qu'El-Mecîla fut très-utile au souverain fatemide, ElMansour, par la résistance qu'elle offrit à Abou-Yezîd.

Ces événements furent suivis par la révolte de Mouça-Ibn-Abi'l-Afia, gouverneur de Fez et du Maghreb, qui abandonna le parti des Fatemides pour celui des Oméïades d'Espagne. Le Mehdi envoya contre lui Ahmed-Ibn-Isliten le Miknacien, un de ses principaux généraux. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine de Messoun, et la défaite des Miknaça força leur chef, Ibn-Abi-'l-Afia, à sortir du Maghreb et à se réfugier dans le Désert. Ibn-Isliten s'en retourna aussitôt qu'il eut rétabli l'ordre dans le pays insurgé.

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MORT DU MEHDI, OBEID-ALLAH, ET AVÉNEMENT DE SON
FILS ABOU-'L-CACEM.

Obeid-Allah le Mehdi mourut dans le mois de Rebiâ premier 322 (février-mars 934) et dans la vingt-quatrième année de son khalifat. Il eut pour successeur son fils, Abou-'l-CacemMohammed, surnommé El-Caïm biamr Illah (qui maintient l'ordre de Dieu), et appelé par quelques personnes AbouNizar. Le nouveau khalife ressentit un si vif chagrin de la mort de son père que, depuis cet événement, il ne monta plus à cheval, dit-on, excepté à deux occasions. Sous son règne eurent lieu plusieurs révoltes, dont celle d'Ibn-Talout le Coreichide. Cet aventurier souleva la province de Tripoli en se donnant pour le fils du Mehdi; il se présenta même devant Tripoli pour en faire le siége, mais, ayant laissé découvrir son imposture, il fut tué par les Berbères,

Mouça-Ibn-Abi-'l-Afia, encouragé par la mort du Mehdi, rentra dans le territoire du Maghreb, s'empara de toute cette région et donna le gouvernement de Fez à Ahmed-Ibn-BekrIbn-Sehl-el-Djodami. Il s'occupait à assiéger les Idrîcides, princes du Rif et de Ghomara, quand Meiçour l'eunuque arriva de Cairouan, à la tête d'une armée, enleva Fez à El-Djodami, se mit à la poursuite d'Ibn-Abi-'l-Afia, lequel lui livra plusieurs combats dans un desquels il perdit son fils El-Bouri. Les Idrîcides du Rîf réunirent leurs forces à celles de Meiçour et l'aidèrent à à chasser du pays leur ennemi commun.

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En l'an 324 (935-6), Meiçour reprit la route de Cairouan, après avoir accordé les états d'Ibn-Abi-'l-Afia et les contrées voisines à El-Cacem-Ibn-Mohammed-Ibn-Idris, surnommé Kennoun, qui était alors chef de la famille des Idricides. Ce prince devint ainsi seigneur de tout le Maghreb, excepté Fez, et fit reconnaître la souveraineté des Fatemides. Une flotte nombreuse, commandée par Yacoub-Ibn-Ishac, fut alors expédiée par Abou-'l-Cacem contre les côtes du pays des Francs. Cette armée répandit la dévastation dans ces contrées, enleva beaucoup de prisonniers, assiégea la ville de Gênes et s'en empara par une faveur spéciale de Dieu. Elle passa ensuite auprès de Sardaigne, île appartenant aux Francs, et y tua beaucoup de monde ; puis elle se dirigea vers les côtes de la Syrie et brûla les navires qui se trouvaient dans le port de Cæsarée 2.

Voici en quels termes Ibn-el-Atbîr rend compte de cette expédition: « En l'an 323, El-Caïm fit partir une flotte de l'Afrique pour attaquer le pays des Francs. Ses troupes s'emparèrent de la ville de Gênes et opérèrent ensuite une descente en Sardaigne où elles atta quèrent les habitants et brûlèrent un grand nombre de navires. Ensuite, la flotte alla incendier les navires qui se trouvaient dans les parages de la Calabre, et elle en revint saine et sauve. »

2 Cette ville, située sur la côte de la Syrie, à douze lieues S. S. O. de St-Jean-d'Acre, appartenait alors à Ikhchîd-Ibn-Tordj, souverain de l'Egypte. A la place de Cæsarée (Caisarïa), le manuscrit porte Carkicia, nom d'une ville située sur l'Euphrate.

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T. H.

Abou-'l-Cacem envoya ensuite son affranchi Zeidan contre l'Egypte. Cet officier se rendit maître d'Alexandrie; mais il dut s'en éloigner et rentrer en Maghreb pour éviter une rencontre avec les troupes qu'El-Ikhchîd [souverain de ce pays] expédia contre lui du Vieux-Caire.

§ VIII. HISTOIRE D'ABOU-YEZID LE KHARROJITE.

Abou-Yezîd-Makhled était fils de Keidad, natif de Castilia. Il naquit dans le Soudan, où son père avait l'habitude de se rendre pour faire le commerce, et il passa sa jeunesse à Touzer, où il apprit le Coran et fréquenta les Nekkarïa, secte kharedjite que l'on désigne aussi par le nom de Sofrite. Séduit par leurs doctrines, il en devint le prosélyte; puis, il alla tenir une école d'enfants à Tèhert. Quand le Chiïte marcha sur Sidjilmessa pour délivrer le Mehdi, Abou-Yezîd se retira à Takîous et y passa son temps à enseigner. Entraîné par le fanatisme, il déclara infidèles les personnes qui professaient la religion [orthodoxe]; décidant que, par ce fait même, elles avaient encouru la peine de mort et la confiscation de leurs biens. Il posa aussi en principe l'obligation de se révolter contre le sultan.

En l'an 316 (928-9), il se mit à faire la police des mœurs et travailla à supprimer les abus qui portaient scandale à la religion. De cette manière il gagna tant de partisans qu'à la mort du Mehdi, il se vit assez fort pour lever l'étendard de la révolte. Ayant pris un âne pour monture et adopté le titre de Cheikh des vrais croyants, il se montra aux environs de l'Auras dont il somma les populations d'embrasser la cause d'En-Nacer, le prince oméïade qui régnait en Espagne. Secondé par une foule de Berbères appartenant à diverses tribus, il défit le gouverneur de Baghaïa qui était sorti pour l'attaquer, et alla de suite mettre le siége devant cette ville. N'ayant pu réussir dans cette tentative, il décampa et fit passer un écrit aux Beni-Ouacìn, tribu berbère de la province de Castilïa, leur ordonnant de faire le siége de Touzer. On obéit à cette injonction, de sorte qu'en l'an

333 (944-5), Touzer fut complètement bloquée. Il reçut ensuite à composition les villes de Tebessa et de Mermadjenna. Ayant pris pour monture un âne gris dont un homme de Mermadjenna lui avait fait cadeau, il fut dès-lors appelé l'Homme à l'âne. Son habillement consistait en une chemise de laine, assez courte et à manches étroites. Ayant dispersé l'armée ketamienne établie près de Laribus, il pilla cette ville, la livra aux flammes et massacra toutes les personnes qui s'étaient réfugiées dans la grande mosquée. Un détachement de ses troupes s'empara de Shiba et en tua le gouverneur.

Quand El-Caïm eut connaissance de cette révolte, il se borna à dire «< Sans aucun doute, cet homme s'avancera jusqu'au mosalla d'El-Mehdïa. » Il expédia alors des troupes à Cairouan et à Raccada; il chargea Meiçour, l'eunuque, d'aller combattre le rebelle et dépêcha vers Bédja un corps d'armée sous les ordres de son affranchi Bochra. Abou-Yézîd attaqua celui-ci, l'obligea à se jeter dans Tunis, et mit le feu à Bédja après l'avoir livré au pillage. Les hommes et les enfants furent massacrés par son ordre, et les femmes réduites en esclavage. Se voyant soutenu par de nombreuses tribus berbères, il adopta l'usage des tentes, des drapeaux et de tout l'appareil de la guerre. Une armée que Bochra fit partir de Tunis pour le combattre fut mise en déroute; Bochra lui-même s'enfuit de cette ville, et les habitants délaissés firent leur soumission au vainqueur et reçurent de lui un nouveau gouverneur. El-Caïm ayant alors appris qu'AbouYézîd marchait sur Cairouan, ordonna à Bochra d'aller le combattre et lui recommanda de se faire précéder par des éclaireurs. Le chef insurgé avait pris la même précaution, mais son armée fut mise en déroute, laissant les corps de quatre mille cavaliers sur le champ de bataille. Les prisonniers faits dans cette journée furent emmenés à El-Mehdia et mis à mort.

Abou-Yézid vint encore attaquer les troupes ketamiennes, en refoula l'avant-garde dans Cairouan, et, soutenu par une armée de cent mille hommes, cerna la ville de Raccada. Khalil-IbnIshac, gouverneur de la place, s'était attendu à voir Meiçour arriver quand l'ennemi fit son apparition, et, bien qu'il se trouvât

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