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fugié avec plusieurs autres chefs ketamiens, prit le commandement des assiégés. La place finit par capituler et fut ruinée de fond en comble par l'ordre d'Abou-Abd-Allah. Zîadet-Allah envoya alors une nouvelle expédition contre les Ketama. Cette armée, forte de de quarante mille hommes et commandée par Ibn-Hobaïch, membre de la famille des Aghleb, s'avança jusqu'à Constantine, et, s'y étant arrêtée, elle laissa aux Ketama le temps de se retrancher dans leurs montagnes. Ibn-Hobaïch alla ensuite leur livrer bataille près de la ville de Belezma, mais il essuya une défaite et dut rentrer à Cairouan après s'être réfugié dans la ville de Baghaïa.

Quelques Ketamiens, auxquels le Chîï avait donné l'ordre de porter au Mehdi la nouvelle de cette victoire, s'y prirent avec tant d'adresse qu'ils purent accomplir leur mission sans être découverts. Le Chiï marcha ensuite sur Tobna, en tua le gouverneur, Feth-Ibn-Yahya-el-Messalti, et obtint la possession de cette place après avoir accordé une amnistie aux habitants. De là il alla emporter d'assaut la ville de Belezma, mais il perdit en même temps celle de Dar-Melouwel; une colonne de troupes que Zîadet-Allah avait envoyée contre lui sous les ordres de Harounet-Tobni, gouverneur de Baghaïa, étant venu ruiner cette place et en exterminer les habitants. Arouba-Ibn-Youçof, un des officiers du Chîi, essuya alors une défaite dans une rencontre avec Haroun, et mourut sur le champ de bataille. Bientôt après, Youçof-el-Ghassani, un autre général du Chîï, reçut à capitulation la ville de Tîdjist et permit à la garnison de se retirer dans Cairouan.

Pendant que les populations [de l'Ifrikïa ] souhaitaient le triomphe d'Abou-Abd-Allah à cause de sa clémence envers les vaincus et de son respect pour les traités, Zîadet-Allah recevait à toute heure les nouvelles les plus fâcheuses et vidait son trésor afin d'organiser une nouvelle armée et de réparer ses placesfortes. Eu l'an 295 (907-8), il se mit lui-même en campagne et marcha jusqu'à Laribus; mais, n'osant pas risquer un combat, il écouta les conseils de son entourage, ramena ses troupes à Cairouan et chargea son parent, Ibrahîm-Ibn-Abi-'l-Aghleb, d'en

prendre le commandement et de se bien défendre dans cette forteresse. Le Chîï s'avança alors contre Baghaïa, qui capitula aussitôt, le gouverneur s'étant enfui à son approche, et de là il expédia un détachement qui prit Mermadjenna d'assaut et en tua le commandant. Encouragé par ce succès, il lança ses colonnes sur l'Ifrîkïa et dirigea plusieurs expéditions contre les Nefza et les autres Berbères. Les habitants de Tîfech lui firent leur soumission, et ayant ainsi mérité leur grâce, ils reçurent comme gouverneur Souab-Ibn-Abi-'l-Cacem-es-Sektaï ; mais Ibrahim-IbnAbf-'l-Aghleb vint bientôt les faire rentrer sous la domination aghlebide. Le Chîïte rassembla alors une nombreuse armée et marcha sur Baghaïa d'où il alla s'emparer de Meskiana et de Tebessa. Il se dirigea ensuite vers El-Casrein, dans la province de Camouda, reçut les habitants de cette ville à composition et marcha sur Raccada. Pour détourner le danger qui menaçait Ziadet-Allah, danger d'autant plus grand que la garnison de cette place était peu nombreuse, Ibrahim-Ibn-Abi-'l-Aghleb alla livrer bataille au Chiï et le contraignit à se réfugier dans Ikdjan. Étant alors rentré à Laribus, il donna à son adversaire l'occasion de mettre le siége devant Constantine. Les habitants de cette ville capitulèrent pour avoir la vie sauve et ceux de Cassa imitèrent lear exemple. Le vainqueur se porta alors jusqu'à Baghaïa pour y laisser une garnison sous les ordres d'AbouMekdoula de la tribu de Djîmela, puis, il reprit la route d'Ikdjan. Ayant ensuite appris qu'Ibn-Abi-'l-Aghleb voulait profiter de son éloignement pour attaquer Baghaïa, il plaça un corps de de douze mille hommes sous les ordres de trois de ses officiers, Abou-'l-Medini-Ibn-Ferroukh-el-Lehîci, Arouba-Ibn-Youçof-elMelouchi et Redja-Ibn-Abi-Conna, en les chargeant d'aller couvrir la ville. Ces généraux repoussèrent Ibn-Abi-'l-Aghleb jusqu'au défilé d'El-Arar, où ils cessèrent la poursuite.

En l'an 296 (908-9) Abou-Abd-Allah le Chiï marcha sur La

'Encore une ville dont la position est inconnue.

Il y a un endroit de ce nom sur la route de Constantine à Batna.

:

ribus à la tête de deux cent mille hommes, et, ayant combattu Ibn-el-Aghleb pendant plusieurs jours, il le força à évacuer le camp où il s'était retranché et à prendre la route de Cairouan. Laribus fut livré à la fureur du soldat et le vainqueur s'était déjà avancé jusqu'à Camouda quand Ziadet-Allah quitta Raccada en toute hate pour se rendre en Orient. Les palais de Raccada furent aussitôt mis au pillage, et les habitants de la ville coururent se refugier, les uns dans Cairouan et les autres dans Souça. Ibrahim-Ibn-Abi-l-Aghleb étant arrivé sur ces entrefaites à Cairouan, se rendit à la maison du gouvernement, convoqua les notables et les invita à le reconnaître comme souverain. Il leur demanda aussi des secours d'argent; mais, voyant qu'ils lui faisaient des difficultés et que la populace commençait à s'émeuter contre lui, il prit la fuite et courut rejoindre ZiadetAllah.

Abou-Abd-Allah ayant appris le départ des Aghlebides, quitta Sebîba, où il se trouvait alors, et marcha sur Raccada. Son avant-garde, sous les ordres d'Arouba-Ibn-Youçof et de HacenIbn-Abi Khanzîr, entra dans la place en proclamant une amnistie générale, et, en effet, un accueil plein de bienveillance fut accordé par le Chiï aux habitants de cette ville et à ceux de Cairouan. Dans le mois de Redjeb 296 (avril 909), Abou-AbdAllah fit son entrée à Raccada, et, descendu au palais, il donna l'ordre de retirer son frère, Abou-l-Abbas, de la prison où on le retenait. Par une amnistie qu'il fit alors proclamer, il ramena tous les fuyards qui avaient abandonné Cairouan. Ensuite, il envoya de nouveaux gouverneurs dans les provinces de l'empire et parvint à en expulser les malfaiteurs qui y entretenait le dé-sordre. Il partagea les maisons de la ville entre ses Ketamiens, fit réunir et mettre sous bonne garde les trésors et les armes que Ziadet-Allah y avait laissés et prit sous sa protection toutes les jeunes esclaves que ce prince n'avait pu emmener. Quand

1 Ce chiffre est évidemment exagéré.

Ibn Khaldoun aurait dû ajouter que, peu de temps après la prise de Raccada, le Chiï occupa Cairouan.

les prédicateurs vinrent lui demander quel était le souverain au nom duquel ils devaient faire la prière, il ne leur désigna personne; mais, d'après ses ordres, on frappa des monnaies portant, sur une des faces, les mots Hoddja-'t-Allah (la preuve de Dieu), et, sur l'autre, tefarrac adá Ollah (que les ennemis de Dieu soient dispersés). Sur les armes, il fit inscrire les mots fi sebil Illah (dans la voie de Dieu), et il marqua les chevaux des mots el-molk lillah (le royaume appartient à Dieu). Il partit alors pour Sidjilmessa, afin de délivrer Obeid-Allah; mais, avant de se mettre en marche, il désigna son frère pour gouverner l'Ifrikïa pendant son absence et il plaça auprès de lui le chef addjanien, Abou-Zaki-Temmam-Ibn-Temîm. Aussitôt qu'il se fut mis en campagne, une agitation extrême se répandit par tout le Maghreb les Zenata s'étant empressés d'abandonner le pays qu'il devait traverser et d'offrir leur soumission. Eliçâ-Ibn-Midrar, souverain de Sidjilmessa, auquel il envoya une députation dans l'espoir de l'amener à un accomodement, en fit mourir tous les membres et sortit de sa ville pour livrer bataille. Quand les deux armées se trouvèrent en présence, celle d'Elîçâ recula dans le plus grand désordre et il prit lui-même la fuite, suivi d'un petit nombre d'amis. Le lendemain, les habitants de Sidjilmessa allèrent au-devant du Chiï et l'accompagnèrent jusqu'à la prison où le Mehdi et son fils étaient enfermés. Les en ayant fait sortir, il prêta hommage au Mehdi et les fit monter à cheval; puis, il marcha à pied devant eux, ainsi que tous les chefs de tribu, et les conduisit ainsi au camp, en versant des larmes de joie. « Le voici, s'écria-t-il, le voici, votre seigneur!» Elîçâ tomba entre les mains des personnes envoyées à sa poursuite et fut mis à mort par l'ordre du chîite.

Après avoir passé quarante jours à Sidjilmessa, les vainqueurs reprirent le chemin de l'Ifrîkïa, et le Chîï, en passant par Ikdjan, remit au Mehdi tous les trésors déposés dans cette ville. Ils arrivèrent à Raccada dans le mois de Rebiâ, 297 (déc. 909), et les habitants de Cairouan s'y rendirent aussi pour prêter le serment de fidélité au Mehdi. Ce prince étant ainsi parvenu au pouvoir, envoya des agents dans toutes les parties de l'empire.

pour sommer les populations à reconnaître son autorité. Le petit nombre qui se refusa à cette invitation fut passé au fil de l'épée. Les principaux personnages parmi les Ketama reçurent en récompense de leurs services, des sommes d'argent, de belles esclaves et des commandements importants. Les bureaux du gouvernement s'organisèrent, les impôts commencèrent à rentrer régulièrement et, dans toutes les villes, s'installèrent des verneurs et d'autres fonctionnaires. Makînoun-Ibn-Debara-elAddjani fut nommé au gouvernement de Tripoli, et El-HacenIbn-Ahmed Ibn-Abi-Khanzîr à celui de la Sicile.

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Débarqué à Mazera le 10 de Dou-'l-Hiddja 297 (août 910), Ibn-Abi-Khanzîr confia à son frère le gouvernement de Girgente et à Ishac-Ibn-el-Minhel l'office de cadi. En l'an 298, il traversa la mer et, débarqué sur le bord septentrional [du détroit de Messine], il établit son camp dans la Calabre, province du pays des Francs. Après y avoir répandu la dévastation, il revint en Sicile; mais, par ses actes tyranniques, il indisposa tellement les habitants [musulmans] de cette île qu'ils se jetèrent sur lui et le mirent en prison. El-Mehdi accueillit favorablement la lettre de justification qu'ils lui adressèrent et, ayant agréé leurs excuses, il remplaça Ibn-Abi-Khanzir par Ali-Ibn-Omar-el-Beloui. Le nouveau gouverneur arriva à sa destination vers la fin de l'année 299.

§ V. MORT D'ABOU-ABD-ALLAH-ES-CHÎÏ ET DE SON FRÈRE.

Obeid-Allah le Mehdi, se voyant maître de l'Ifrîkïa, résista à l'influence que les deux frères Abou-Abd-Allah-es-Chîï et Abou'l-Abbas voulaient exercer sur son esprit; il ne leur permit même pas de se mêler de ses affaires. Par cette preuve de fermeté, il les blessa si profondément qu'Abou-'l-Abbas ne put dissimuler son mécontentement, malgré les conseils de son frère, et que celui-ci finit par en faire de même. Le Mehdi n'en voulut d'abord rien croire, et Abou-Abd-Allah lui ayant ensuite adressé des remontrances au sujet de sa trop grande familiarité avec le

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