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de Setif, et Haï-Ibn-Temîm, gouverneur de Belezına, portèrent la guerre chez les Ketama, dont les cheikhs craignaient extrêmement le pouvoir du souverain aghlebide. Quatre de ces chefs, Feth-Ibn-Yahya-el-Amir le messaltien, Mehdi-Ibn-Abi-Kenaoua le lehìcien, Carh-Ibn-Hairan l'addjanien et Temil-IbnFahl le latanien se réunirent alors en conseil et prirent la résolution d'exiger de Baïan-Ibn-Saclab, chef des Beni-Sektan [Sekyan], l'extradition d'Abou-Abd-Allah, lequel se trouvait encore à mont Ikdjan; ils lui annoncèrent aussi que son refus aurait les suites les plus fâcheuses. Plusieurs légistes auxquels Baïan soumit cette demande, déclarèrent qu'il fallait livrer cet agent de désordre; mais la tribu de Djîmela prit la défense de son hôte et chassa ceux qui lui voulaient du mal. Les mêmes chefs renouvelèrent leurs démarches auprès de Baïan-Ibn-Saclab et parvinrent à s'en faire écouter; mais Abou-Abd-Allah et ses partisans s'aperçurent du danger et se réfugièrent auprès d'ElHacen-Ibn-Haroun. Ce chef les reçut à Tazrout, ville appartenant à sa tribu, les Ghasman. Les familles ketamiennes qui avaient prêté le serment de fidélité au missionnaire, ayant alors appris que les Ghasman s'étaient déclarés pour lui, s'empressèrent d'aller les joindre, de sorte que l'autorité de cet aventurier prit un grand accroissement.

Quelque temps après, Mahmoud-Ibn-Haroun chercha à enlever le commandement des Ghasman à son frère El-Hacen, et, pour mieux y parvenir, il se concerta avec son ami, Mehdi-Ibn-AbiKenaoua, afin de ruiner l'influence d'Abou-Abd-Allah. Une guerre eut donc lieu entre les Lehîça et les Ghasman et AbouAbd-Allah, qui, jusqu'alors, s'était tenu caché', chargea ElHacen de combattre pour lui. Mehdi fut tué par son frère AbouMedini, lequel prit alors le commandement des Lehîça et passa avec eux du côté d'Abou-Abd-Allah. Le reste des Ketama se rassembla pour combattre le chiïte et pour l'assiéger dans Tazrout. Sehel-Ibn-Foucach se rendit alors auprès de son beau-père Fahl

Variante: Kenaza.

21azrout est situé à deux ou trois lieues au sud-ouest de Mila.

Ibn-Nouh, chef des Latana, afin de le décider à quitter le parti des coalisés et à faire la paix. Cette démarche n'eut aucun succès, et Abou-Abd-Allah, qui l'avait provoquée, marcha contre ses adversaires et les mit en fuite. Arouba-Ibn-Youçof-el-Melouchi se distingua par sa bravoure dans cette journée dont les suites furent très-importantes : tous les Ghasman, les Lehîça et même les tribus de Belezma se rangèrent sous le drapeau du vainqueur. Les Addjana vinrent aussi se joindre à lui, sous la conduite de Makinoun-Ibn - Debara et Abou - Zaki - Temmam-Ibn-Moarek. Feredj-Ibn-Kheiran, chef des Addjana, Youçof-Ibn-Mahmoud et Fahl-Ibn-Nouh, chefs des Latana, parvinrent à se réfugier dans Mila. Feth-Ibn-Yahya rassembla tous les membres de sa tribu, les Messalta, qui reconnaissaient encore son autorité et se prépara au combat; mais ses troupes furent mises en déroute par celles d'Abou - Abd - Allah, et les fuyards, qui s'étaient jetés dans Setif, embrassèrent la cause du vainqueur. Feth-Ibn-Yahya, leur ancien chef, fut remplacé par Haroun-Ibn-Yahya, membre de la même tribu, et obligé de se réfugier chez les Addjîça. Un nouveau corps de troupes qu'il parvint à rassembler s'enferma avec lui dans une des places fortes de ce pays, mais leur asile fut bientôt assiégé et pris. Abou-Abd-Allah ayant alors réuni sous ses drapeaux les Addjîça, les Zouaoua et toutes les fractions de la grande tribu des Ketama, revint à Tazrout d'où il répandit ses émissaires dans tout le pays.

Pendant que les populations de la province faisaient leur soumission, les unes de bon gré, les autres contraintes par la force des arines, Feth-Ibn-Yahya se rendit à Tunis afin de porter l'émir aghlebide, Ibrahîm-Ibn-Ahmed, à se mettre en campagne. Le Chîïte s'empara alors de Mîla par la trahison d'un des habitants, et, en ayant tué le gouverneur, Mouça-Ibn-Aïach, il le remplaça par Abou-Youçof-Makînoun-Ibn-Debara-el-Addjani. Ibrahim, fils de Mouça-Ibn-Aïach, parvint à joindre Abou-'lAbbas l'aghlebide, fils d'lbrahîm, qui se trouvait alors à Tunis, son père étant parti pour la Sicile. Abou-'l-Abbas avait déjà vu arriver Feth-Ibn-Yahya-el-Messalti, et lui avait promis des secours; aussi fit-il partir sur-le-champ ces deux chefs, accom

T. II.

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pagnés d'un corps de troupes sous les ordres de son fils Aboul-Khawal. Cette expédition quitta Tunis en l'an 289 (902) et soumit les Ketama; ensuite elle se dirigea sur Tazrout et mit en fuite les troupes qu'Abou-Abd-Allah avait concentrées auprès de la ville de Melouça. Le Chiite abandonna aussitôt la forteresse de Tazrout et courut s'enfermer dans Ikdjan. Abou-'l-Khawal marcha contre lui, après avoir démantelé Tazrout; mais, à mesure qu'il s'avançait dans le territoire des Ketama, les difficultés s'augmentèrent et le découragement se mit alors parmi ses troupes. Ibrahim, fils de Mouça-Ibn-Aïach, ayant été envoyé à la découverte du côté de Mîla, vit son détachement mis en déroute par les insurgés et eut beaucoup de peine à leur échapper et à rentrer au camp. La position d'Abou-'l-Khawal empira tellement qu'il évacua le pays des Ketama.

Abou-Abd-Allah établit alors sa demeure à Ikdjan, où il fonda une ville qu'il appela Dar-el-Hidjra (maison de la retraite), et, comme son pouvoir était devenu trop grand pour être méconnu, il rallia à sa cause une foule de tribus. Quelque temps après, El-Hacen-Ibn-Haroun cessa de vivre, et Abou-'l-Khawał, qui avait été placé par son père, Abou-'l-Abbas, à la tête d'une seconde expédition, envahit de nouveau le pays des Ketama. Cette tentative n'eut point de succès, et le prince aghlebide dut rétrograder vers une position d'où il pourrait mieux s'opposer au progrès de l'ennemi. Sur ces entrefaites eurent lieu la mort d'Ibrahim-Ibn-Ahmed l'aghlebide et l'assassinat de son fils Aboul-Abbas. Zîadet-Allah prit alors le commandement de l'état et fit mourir Abou-'l-Khawal qu'il avait rappelé à Tunis. S'étant ensuite transporté à Raccada, il se plongea dans la débauche, pendant que l'autorité du Chîïte grandissait tous les jours et que les armées de cet aventurier envahissaient le territoire de l'em

En-Noweiri écrit ce nom El-Ahouel daus son histoire des Aghlebldes (voy. t. 1 de notre ouvrage, p. 440); mais, dans son histoire des Fatemides, il emploie la même orthographe qu'Ibn-Khaldoun.

La position de cette ville est inconnue. On peut supposer qu'elle n'était pas loin de Tazrout, du côté du sud.

pire. Ce fut vers cette époque qu'Abou-Abd-Allah annonça la prochaine apparition du Mehdi, et sa parole ne tarda pas à s'accomplir.

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Mohammed-el-Habîb étant près de mourir, légua l'imamat à son fils Obeid-Allah, et lui adressa ces paroles : « C'est toi qui » es le Mehdi; après ma mort tu dois te réfugier dans un pays » lointain où tu auras à subir de rudes épreuves. » Quand la nouvelle de cet événement parvint aux missionnaires qui se trouvaient en Ifrîkïa et en Yémen, Abou-Abd-Allah chargea quelques Ketamiens d'aller annoncer au Mehdi le triomphe que Dieu leur avait accordé et de l'informer que l'on désirait sa présence en Ifrîkïa. Le bruit de l'apparition du Mehdi s'étant répandu partout, le khalife abbacide, El-Moktefi, ordonna des perquisitions pour le découvrir. Obeid-Allah s'enfuit alors de la Syrie et passa en Irac, d'où il se rendit en Egypte avec son fils Abou-'l-Cacem, qui était encore très-jeune, et avec quelques amis dévoués, accompagnés de leurs serviteurs. Il s'était d'abord proposé d'aller en Yémen; mais, ayant appris qu'Ali-Ibn-elFadl, le successeur d'Ibn-Haucheb, s'était très-mal conduit dans ce pays, il renonça à son projet et résolut d'aller trouver AbouAbd-Allah dans le Maghreb. En quittant le Vieux-Caire, il se dirigea sur Alexandrie, d'où il se remit en route avec ses amis déguisés eu marchands. Eïça-en-Noucheri, gouverneur du Caire, avait déjà reçu une dépêche d'El-Moktefi, renfermant le signalement du fugitif et l'ordre d'aposter des agents partout, afin de l'arrêter. Il parvint effectivement à découvrir les voyageurs, mais ne pouvant constater leur identité malgré le soin qu'il avait mis à les interroger, il jugea convenable de les relâcher. El-Mehdi partit sur-le-champ et marcha à grandes journées jusqu'à Tripoli. Il avait emporté dans son sac de voyage plusieurs

livres de Melahem qu'il tenait de ses ancêtres; mais, pendant la route, ces volumes lui furent dérobés. L'on dit que son fils Abou-'l-Cacem se les fit rendre à Barca, lors de son expédition contre l'Egypte. Arrivé à Tripoli, il s'y arrêta et laissa partir les marchands qui composaient la caravane. Il envoya toutefois avec eux Abou-'l-Abbas, frère d'Abou-Abd-Allah-es-Chiï, auquel il avait donné l'ordre d'aller joindre ce missionnaire dans le pays des Ketama. Abou-'l-Abbas voulut s'y rendre, en passant par Cairouan; mais, comme Ziadet-Allah l'aghlebide était déjà prévenu des mouvements du Mehdi et faisait subir à tous les voyageurs un interrogatoire sévère, il fut arrêté et questionné comme les autres. Ne pouvant rien tirer de lui, Zîadet-Allah le fit mettre. en prison et envoya au gouverneur de Tripoli l'ordre de se saisir du Mehdi. Celui-ci échappa au danger et, passant près de Constantine, où il n'osa pas entrer, il continua sa route jusqu'à Sidjilmessa. Elîçâ-Ibn-Midrar, souverain de cette ville, l'accueillit avec distinction; mais, ayant ensuite appris par une lettre de Ziadet-Allah ou du Khalife El-Moktefi, selon un autre récit, que son hôte était le Mehdi dont les émissaires se donnaient tant de mouvement dans le pays des Ketama, il le fit mettre en prison.

La mort d'Abou-'l-Khawal qui, pendant quelque temps, avait tenu Abou-Abd-Allah en échec, permit à cet habile missionnaire de rallier tous les Ketama et de mettre le siége devant Setîf. AliIbn-Djâfer- Ibn-Asloudja, gouverneur de cette ville, et son frère Abou-Habib, y perdirent la vie; mais Dawoud- Ibn-Habatha, personnage éminent de la tribu de Lehiça, lequel s'y était ré

• On donne le nom de Melahem à de certains ouvrages dans lesquels on a rassemblé des prédictions touchant les révolutions des empires et autres graves événements. Consultez, à ce sujet, la Chrestomathie arabe de M. de Sacy, t. 1, p. 298 et suiv.

2 Il évita de se rendre auprès de son missionnaire, Abou-Abd-Alləhes-Chit, pour ne pas compromettre les jours d'Abou-'l-Abbas; car Ziadet-Allah aurait alors acquis la certitude que celui-ci était effectivement l'une des personnes qu'il cherchait. — (Ibn-el- Athir.)

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