il aimait à répandre le sang. Le vizir de son prédécesseur mourut par son ordre, et le même sort frappa Djâfer-Ibn-Abi-Romman, commandant de Biskera, dont il soupçonnait la fidélité. A la suite de cette exécution, le peuple de Biskera se révolta, comme nous le raconterons ailleurs. Plus tard, il fit mourir sa cousine Tanmîrt, fille d'Alennas-Ibn-Hammad, qu'il soupçonnait d'avoir causé la mort de son mari Mocatel, fils de Mohammed et frère de Bologguîn. En-Nacer, le frère de Tanmîrt, apprit cet événement avec indignation, mais il dissimula son ressentiment. Bologguîn entreprit plusieurs expéditions contre le Maghreb. Ayant su que les Almoravides, commandés par Youçof-Ibn-Tachefin, avaient dompté les populations masmoudiennes, il marcha contre eux, l'an 454 (1062), et les rejeta dans le Désert. Il pénétra alors jusqu'au fond du Maghreb, et ayant passé quelque temps à Fez, il en emmena les principaux habitants comme otages et prit la route d'El-Calâ. Son cousin En-Nacer trouva alors une occasion favorable pour venger la mort de sa sœur, après avoir gagné l'appui des Sanhadja que tant d'expéditions dans des pays lointains et hostiles avaient indisposés, il tua Bologguîn à Teçala, en l'an 454. Règne d'En-Nacer, fils d'Alennas.—En-Nacer, successeur de Bologguîn, prit pour vizir Abou-Bekr-Ibn-el-Fotouh, et donna le gouvernement du Maghreb à son frère Kebab-Ibn-Alennas, qu'il établit dans Milîana. Il confia à son frère Romman le gouvernement du Hamza, et à Khazer, un autre de ses frères, celui de Nigaous. El-Moëzz avait détruit les murs de cette dernière ville, mais En-Nacer les releva. Son frère Belbar reçut de lui le gouvernement de Constantine; son fils Youçof, celui d'Achîr, et son autre fils, Abd-Allah, celui d'Alger et de Mersa-'d-Deddjadj. Hammou-Ibn-Melîl-el-Berghouati lui écrivit de Sfax une lettre de soumission, qu'il fit accompagner d'un riche présent. Les habitants de Castilïa reconnurent alors l'autorité du souverain hammadite; aussi, leur envoyé, Yahya-Ibn-Ouatas, et les membres de la députation dont il faisait partie, rentrèrent chez eux comblés de dons. En les congédiant, En-Nacer leur assigna un gouverneur sanhadjite nommé Youçof-Ibn-Khalouf. Le peuple de Cai rouan et celui de Tunis firent aussi leur soumission. Comme les habitants de Biskera s'étaient déclarés indépendants à l'époque où Bologguîn avait mis à mort leur chef Djâfer-Ibn-Abi-Romman, et qu'on ne reconnaissait plus aucune autre autorité dans cette ville que celle des fils de Djàfer, En-Nacer fit marcher contre eux Khalef-Ibn-Abi-Haidera, l'ancien vizir de Bologguîn et maintenant le sien. Cet officier enleva Biskera d'assaut et ramena à la Calà les fils de Djâfer et plusieurs notables de la ville. Tous ces prisonniers furent exécutés et mis en croix par l'ordre d'En-Nacer, qui, plus tard, fit mourir Khalef lui-même. D'après la déclaration de plusieurs chefs sanhadjiens, Khalef avait eu l'intention, lors de la mort de Bologguîn, de mettre sur le trône Mamer, frère de Bologguîn, et il s'était adressé à eux pour avoir leur avis à ce sujet. Cette accusation lui coûta la vie. Ahmed, fils de DjâferIbn-Afleh, succéda au vizirat. En-Nacer s'étant ensuite mis en campagne pour parcourir le Maghreb, laissa Tacarboust1, le siége de son empire, tellement exposé qu'Ali-Ibn-Regan s'en empara dans une attaque de nuit. Lors de la mort de Bologguîn, ce chef s'était réfugié auprès des Adjîça, ses oncles maternels. En-Nacer revint en toute háte à El-Mecîla et prit les insurgés tellement au dépourvu qu'ils s'abandonnèrent au désespoir et laissèrent enlever la forteresse d'assaut. A la suite de cette échauffourée, Ali-Ibn-Regan se donna la mort. Une guerre ayant ensuite éclaté entre les Arabes hilaliens, une députation de cheikhs athbedjites vint demander le secours d'En-Nacer contre les Rîah. Ce prince se rendit à leur prière, partit pour les soutenir avec ses troupes sanhadjiennes et zenatiennes, occupa Laribus et livra bataille à l'ennemi aux environs de Sebîba. Aussitôt que le combat fut engagé, les Zenata, séduits par les menées d'El-Moëzz-Ibn-Zîri-Ibn-Atïa et de Temîm-Ibn-el-Moëzz, reculèrent en désordre et amenèrent, par leur défection, la défaite des Sanhadja. En-Nacer courut se réfu 1 Voy. Taferboust dans l'index géographique, t. 1. Dans le texte arabe, il faut lire ila-'l-Mecila, bien que cette correction ne soit pas autorisee par les manuscrits. gier avec ses partisans dans Constantine, d'où il ramena à la Calâ environ deux cents hommes, les débris de son armée1. Son frère, El-Cacem, et son secrétaire perdirent la vie dans cette bataille; ses tentes et ses trésors restèrent au pouvoir des vainqueurs. Il chargea aussitôt son vizir Ibn-Abi-'l-Fotouh d'aller négocier un traité de paix, et il ne tarda pas à le ratifier. Après avoir essuyé ce revers, il ôta la vie à Ibn-Abi-'l-Fotouh, par suite des perfides insinuations d'un agent envoyé par Temîm, fils d'El-Moëzz, qui lui avait donné à entendre que ce vizir travaillait pour les intérêts du prince badicide. A l'époque des conflits qui eurent lieu au Caire entre les [troupes nègres et les] turcs [soutenus par] les Maghrebins 2, El-Montacer-Ibn-Khazroun, chef zenatien, se rendit à Tripoli, il trouva dans cette province les Beni-Adi, population que les Athbedj et les Zoghba avaient expulsée de l'Ifrîkïa, et les entraîna à entreprendre la conquête du Maghreb. S'étant mis en marche avec eux, il occupa El-Mecîla et Achîr; ensuite, il se jeta dans le Désert pour éviter la poursuite d'En-Nacer et, quelque temps après, il reprit sa carrière de brigandage. En-Nacer essaya de l'amener à un accomodement et il obtint la paix en cédant à cet aventurier les campagnes du Zâb et du Righa. Il avait toutefois. eu la précaution d'avertir son agent Arous-Ibn-Sindi, gouverneur de Biskera, qu'il fallait tendre un piége au chef maghraouien. Quand El-Montacer approcha, avec sa suite, Arous alla au devant de lui et le conduisit dans la ville avec de grandes Dans le passage qui précède celui-ci et dans le passage correspondant du Tome 1, p. 45, notre auteur a commis une erreur qu'il importe de relever. El-Moëzz-Ibn-Ziri-Ibn-Atïa mourut en l'an 417, et nous savous par le Baïan que la bataille dont il est question ici eut lieu en 457 (1065). Ce fut El-Moannecer qui commandait alors aux Maghraoua. Selon le Cartas, Moannecer était fils de Zîri-Ibn-Atïa. 2 En l'an 468, le corps de Turcs mamlooks, au service d'El-Mostancer, livra plusieurs combats à la troupe de nègres appartenant au même khalife. Les Ketamiens se mirent du côté des Turcs et, dans un de ces conflits, ils tuèrent quarante mille de leurs adversaires. (Mémoires sur l'Egypte de M. Quatremère, t. I, p. 356.- Ibn-Khaldoun, manusc. no 2402, fol. 27.) T. II. 4 démonstrations de respect. Les voyageurs se mirent alors à table, et pendant qu'ils se baissaient pour manger, les domestiques d'Arous se précipitèrent sur El-Montacer, à un signal donné par leur maître, le frappèrent de leurs poignards et, dans leur empressement de l'achever, ils donnèrent aux autres convives le temps de s'échapper. La tête d'El-Montacer fut envoyée à EnNacer qui la fit exposer à Bougie, et son corps fut mis en croix à la Calà pour servir d'exemple. En-Nacer fit mourir un grand nombre de chefs zenatiens, ainsi qu'un chef maghraouien, Abou-'l-Fotouh-Ibn-Habbous, émir des Beni-Sindjas et seigneur de Lemdïa (Médéa). Cette ville fut ainsi nommée à cause des Lemdïa, tribu sanhadjienne. Moannecer-Ibn-Hammad s'étant trouvé dans le pays du Chelif, attaqua le gouverneur de Miliana et tua les cheikhs des BeniOurcifan, tribu maghraouienne. Le sultan [En-Nacer] ne pouvant aller au secours des Ourcîfen à cause de ses démélés avec les Arabes, leur écrivit de se venger eux-mêmes. Ils marchèrent donc contre Moannecer et, l'ayant tué, ils envoyèrent sa tête à En-Nacer qui la fit exposer à côté de celle d'El-Montacer. 1 Averti par les habitants du Zab que les Ghomert et les Maghraoua venaient de se joindre aux Arabes de la tribu d'Athbedj afin d'envahir cette province, En-Nacer envoya à leur secours un corps d'armée commandé par son fils El-Mansour. Ce prince détruisit Oughellan, ville où El-Montacer-Ibn-Khazroun devait s'établir, et ses troupes s'étant ensuite emparées de Ouergla, il y installa un nouveau gouverneur. De nombreux captifs et un riche butin attestèrent le succès de cette expédition. Les Beni-Toudjîn, tribu zenatienne commandée par MenadIbn-Abd-Allah, avaient aidé les Arabes de la tribu d'Adi à dévaster le pays et à intercepter les communications. El-Mansour, fils d'En-Nacer, marcha contre eux, d'après les ordres de son père, et réussit à faire prisonniers Saken-Ibn-Abd-Allah, Hamid 1 Ce Moannecer était fils de Hammad, fils de Moannecer, fils d'ElMoëzz, fils de Zîri, fils d'Atïa le maghraouien. Dans le chapitre sur les Maghraoua, Ibn-Khaldoun le confond avec Moannecer, fils de Ziri -IbnAlia. Ibn-Haral1 et Lahec-Ibn-Djehan, tous émirs de la tribu d'Adi, ainsi que les émirs toudjînides, Menad-Ibn-Abd-Allah, Zîri, frère de Menad, et leurs oncles Aghleb et Hammama. [En-Nacer] les fit comparaître devant lui, leur reprocha le service qu'il leur avait rendu autrefois en les protégeant contre les Aulad-elCacem, famille puissante de la tribu des Beni-Abd-el Ouad, leur fit couper les mains et les pieds et les laissa mourir ainsi. En l'an 460 (1067-8), il s'empara de la montagne de Bougie (Bedjaïa), localité habitée par une tribu berbère du même nom. Chez eux, Bedjaïa s'écrit Bekaïa et se prononce Begara. On trouve encore les débris de cette peuplade sanhadjienne éparpillés parmi les autres tribus berbères. En-Nacer ayant conquis cette montagne, y fonda une ville à laquelle il donna le nom d'EnNacerïa; mais tout le monde l'appelle Bougie du nom de la tribu. Il y construisit un palais d'une beauté admirable qui porta le nom du Château de la Perle (Casr-el-Louloua). Ayant peuplé sa nouvelle capitale, il exempta les habitants de l'impôt (kharadj) et, en l'an 464 (1068-9), il alla s'y établir lui-même. Ce fut sous le règne de ce prince que la dynastie hammadite atteignit au faîte de sa puissance et acquit la supériorité sur celle des Badicides d'El-Mehdïa. L'invasion des Arabes hilaliens avait tellement accablé ceux-ci que leur empire s'était désorganisé et que la plupart de leurs sujets et de leurs grands fonctionnaires avait répudié leur autorité. Pendant ces événements, le royaume des Hammadites n'avait fait que grandir et prospérer sous les auspices d'En-Nacer. Ce monarque éleva des bâtiments magnifiques, fonda plusieurs grandes villes et fit de nombreuses expéditions dans l'intérieur du Maghreb. Il mourut en l'an 481 (1088-9). Règne d'El-Mansour, fils d'En-Nucer.— El-Mansour, fils et successeur d'En-Nacer, sortit de la ville d'El-Calà en l'an 483 (1090-1), et alla faire sa résidence à Bougie avec ses troupes et sa cour. Il s'éloigna ainsi d'une région où la violence et la tyrannie des Arabes avaient tout ruiné. L'audace de ces brigands en était 1 Variantes : Djeral, Khazal. |