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bientôt chassé à son tour par les habitants indignés. Pendant que Mohammed-Ibn-Rechîd se rendait dans sa tribu, son frère Eïça alla trouver Roger et l'instruisit de ce qui venait de se passer. Roger fit alors assiéger la ville et la tint bloquée pendant un temps considérable.

Le dernier des Beni-Djamê qui régna à Cabes fut Modafè, fils de Rechîd-Ibn-Kamel et frère de Mohammed. Il quitta cette ville précipitamment quand Abd-el-Moumen, après avoir pris ElMehdïa, Sfax et Tripoli, eut envoyé contre elle son fils AbdAllah. Ayant ainsi abandonné Cabes aux Almohades, Modafê passa chez les Arabes de la tribu d'Auf qui se tenaient dans la province de Tripoli, et vécut sous leur protection pendant quelques années. S'étant ensuite rendu à Fez, il obtint sa grâce d'Abd-el-Moumen et trouva auprès de ce prince un accueil fort distingué. Telle fut la fin de la dynastie que les Beni-Djamê avaient fondée à Cabes.

IBN-MATROUH ÉTABLIT SON AUTORITÉ A TRIPOLI D'OU IL CHASSE LES CHRÉTIENS. EL-FERYANI EN FAIT AUTANT A SFAX.

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En l'an 540 (1445-6), Roger, seigneur de la Sicile (que Dieu le maudisse!) s'empara de Tripoli par l'entremise de son amiral George d'Antioche, fils de Michel. Il permit aux musulmans de rester dans la ville et désigna un officier pour les gouverner. Pendant quelque temps, les vrais croyants eurent à subir la domination des chrétiens; mais, enfin, Abou-Yahya-Ibn-Matroub, un des notables de la ville, se concerta avec les principaux habitants et ayant soulevé le peuple contre les infidèles, il les fit périr par le feu.

Quand Abd-el-Moumen vint prendre El-Mehdïa, conquête qu'il effectua en 555 (1160), Ibn-Matrouh se rendit auprès de lui avec les notables de Tripoli, et reçut l'accueil le plus bienveillant et le plus honorable, ainsi que sa nomination au gouvernement de la ville. Revenu à Tripoli avec ses compagnons, il y établit son autorité et la conserva jusqu'à un âge fort avancé. Sous le règne de Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, ses forces com

mençaient à lui manquer, et il obtint du gouverneur de Tunis, le cid Abou-Zeid, fils d'Abou-Hafs-Omar et petit-fils d'Abd-elMoumen, l'autorisation de se démettre du pouvoir et de faire le pèlerinage de la Mecque. Il s'embarqua l'an 586 (1190) et alla se fixer à Alexandrie.

Quant à la ville de Sfax, elle obéissait, du temps des premiers Zirides, à des officiers choisis parmi les Sanhadja, tribu dont la famille régnante faisait partie; mais El-Moëzz-Ibn-Badîs y établit comme gouverneur une de ses créatures, Mansour – elBerghouati. Ce fonctionnaire, brave cavalier du reste, profita de l'irruption des Arabes et de la retraite d'El-Moëzz à ElMehdia pour se révolter contre le sultan ziride. Son cousin Hammou-Ibn-Melil-el-Berghouati le fit mourir dans un bain et s'attira par cet assassinat l'inimitié des Arabes faisant partie de la confédération à laquelle appartenait sa victime. Assiégé par eux dans Sfax, il leur acheta la paix et demeura maître de la ville. Lors de la mort d'El-Moëzz, il crut pouvoir s'emparer d'ElMehdia, mais Temîm alla à sa rencontre et mit ses troupes en pleine déroute. Ceci se passa en 455 (1063).

Quelque temps venait de s'écouler quand Temîm plaça son fils Yahya à la tête d'un corps d'Arabes et l'envoya contre Sfax. Cette tentative demeura sans résultat, Yahya ayant été obligé de lever le siége. En l'an 493 (1099-1100), Temîm s'empara de Sfax et força Hammou à chercher un asile auprès de MegguenIbn-Kamel, émir de Cabes. Depuis lors, la ville conquise eut pour gouverneurs des princes de la famille de Badîs, jusqu'à ce qu'elle tomba au pouvoir des chrétiens. Ce fut Georges, fils de Michel et amiral de Roger, qui en fit la conquête; le même qui avait pris El-Mehdïa en l'an 543 (1448-9). Il permit aux habitants de rester dans la ville, et, voyant la haute considération qu'ils témoignaient pour Omar-Ibn-Abi-'l-Hacen-el-Feryani, il le revêtit des fonctions de gouverneur. Nous devons toutefois faire observer qu'en repartant pour la Sicile, il emmena avec lui le père de cet homme en qualité d'otage. Tel fut le système suivi par Roger à l'égard de ses conquêtes africaines; il autorisait les vaincus à y rester; il leur donnait des concitoyens pour chefs, et,

dans ses rapports avec eux, il se conduisit toujours selon les règles de la justice. Les chrétiens domiciliés dans Sfax ayant commencé à opprimer les musulmans, la nouvelle en vint à la connaissance du père d'Omar, qui était encore détenu en Sicile. Il écrivit sur-le-champ à son fils, lui ordonnant de se révolter à la première occasion et de laisser à Dieu le soin des vrais croyants. Omar lui obéit et, en l'an 551 (1156), il massacra les infidèles. Les chrétiens se vengèrent de ce revers en faisant mourir le père d'Omar, et, par cet acte de sévérité, ils soulevèrent contre eux les autres villes maritimes de l'Ifrikïa.

Quand Abd-el-Moumen eut enlevé El-Mehdïa à Roger, il reçut la visite d'Omar qui était venu faire sa soumission, et il lui accorda le gouvernement de Sfax. Omar conserva l'autorité pendant le reste de ses jours, mais son fils et successeur, Abder-Rahman, s'en laissa dépouiller par Yahya-Ibn-Ghanîa et obtint de lui la permission de faire le pèlerinage de la Mecque, d'où il ne revint plus.

HISTOIRE DES AUTRES CHEFS QUI SE RÉVOLTÈRENT CONTRE LES SANHADJA DANS L'INTERVALLE QUI SÉPARA L'INVASION ARABE DE LA CONQUÊTE ALMOHADE.

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A l'époque où El-Moëzz quitta Cairouan pour se réfugier dans El-Mehdia, tout le pays fut embrasé par la guerre que les Arabes avaient allumée. Un membre de la tribu de Lakhm, appelé ElOuerd, se tenait alors dans Caricha, château situé sur le MontChaîb. Cet aventurier rassembla une troupe de gens sans aveu et força les habitants des villages aux environs de Benzert à lui payer tribut pour se garantir contre ses incursions. Pendant un temps considérable, on eut à subir sa domination; on avait même perdu tout espoir de délivrance quand les habitants de Benzert, qui s'étaient partagés en deux factions dont l'une se composait de Lakhmides, membres de la même tribu qu'El-Ouerd, résolurent de mettre fin à leurs dissentions. Ils prirent donc le

Le texte de l'auteur porte ilaiha; il faut sans doute lire ilaihi.

parti de confier le commandement à ce chef, l'admirent dans la ville et le reconnurent pour souverain. El-Ouerd les protégea, eux et leur territoire, contre les Arabes et, comme les Mocaddem, branche des Athbedj, et les Dehman, fraction de la tribu rîahide des Beni-Ali, s'étaient emparés des plaines qui avoisinaient la ville, il fit la paix avec eux moyennant tribut et mit ainsi un terme à leurs brigandages. Ayant raffermi sa puissance dans Benzert, il prit le titre d'émir et s'occupa, jusqu'à sa mort, à élever des bâtiments d'utilité publique et à faire croître la prospérité de la ville.

La bravoure de son fils et successeur, Terad, entretint les Arabes dans une crainte salutaire. Il eut pour successeur son fils Mohammed, lequel fut tué par son frère Mocreb, un mois après son avènement au pouvoir. Mocreb prit alors le haut commandement dans Benzert et se donna le titre d'émir. Toujours attentif à se faire des partisans et à garantir son territoire contre les Arabes, il parvint à une grande puissance et récompensa généreusement les poètes qui visitaient sa cour. A sa mort, son fils Abd-el-Azîz se chargea du poids des affaires. Ce prince régna dix ans et suivit les traces de son père et de son aïeul. Mouça, frère et successeur d'Abd-el-Azîz, agit de même et régna quatre ans. Eiça, un troisième frère, le remplaça et imita le bon exemple de ses devanciers. Quand Abd-Allah, fils d'Abd-el-Mouinen, passa auprès de Benzert après avoir levé le siége de Tunis, il y trouva une généreuse hospitalité: le chef de la ville ayant déployé tous ses efforts afin de pouvoir lui faire une bonne réception. A cette occasion, Eïça lui offrit sa soumission et obtint qu'un officier almohade fût laissé dans la ville à titre de commissaire. La personne choisie pour remplir cet office fut Abou-'l-Hacenel-Herghi. Abd-el-Moumen s'étant rendu en Ifrîkïa l'an 554 (1159), témoigna à Eïça sa haute satisfaction, et l'inscrivit, avec le don d'un apanage, au nombre des fonctionnaires de l'empire.

Dans la forteresse de Zerâ il y avait un gouverneur nommé Berougcen1-ben-bou-Ali-es-Sanhadji, ancien officier d'El-Azîz

Variante: Iroukcen.

Ibn-el-Mansour, seigneur de Bougie et de la Calâ. Il s'y était fortifié après avoir répudié l'autorité de son souverain, ainsi que nous allons le raconter. A la suite d'une victoire qu'El-Azîz et lui avaient remportée sur les Arabes, il s'en attribua tout le mérite et prétendit que le sultan s'était conduit en lâche. Craignant alors les conséquences d'une forfanterie qui avait profondément blessé son maître, il se réfugia dans Bédja, où Mahmoud-Ibn-Yezal-erRobaï, cheikh de l'endroit, lui fit un honorable accueil. La population de Zerâ, ville située dans les dépendances de Bédja, faisait partie de la tribu berbère de Zatîma, et était alors partagée en deux factions ennemies, les Aulad-Medîni et les Aulad-Lahec. Fatiguées enfin de leurs querelles, ils invitèrent Mahmoud, seigneur de Bédja, à venir rétablir l'ordre chez eux. En réponse à cette prière, il leur envoya Berougcen pour juger leurs différends et veiller à leurs intérêts. Ce chef commença par soudoyer et faire entrer dans la forteresse un tas de gens sans aveu qui fréquentaient les campagnes voisines. Ensuite, il s'allia par un mariage aux Aulad-Medîni et les aida à expulser les Aulad - Lahec. Devenu ainsi maître de Zerâ, il ramassa des hommes de tous côtés, et parvint à former un corps de cinq cents cavaliers, avec lequel il porta la dévastation dans les pays environnants. Les Beni-'l-Ouerd de Benzert et Ibn-Ållalƒ de Tebourba eurent à soutenir ses attaques, et Mohammed-IbnSebâ, émir des Beni-Saîd, tribu rìahide, en fut la victime. La forteresse ayant commencé à regorger d'habitants, il y fit construire un faubourg pour les loger. El-Azîz expédia enfin de Bougie un corps d'armée pour soumettre le rebelle, et Ghîlas, le général auquel fut confié cette expédition, réussit à s'emparer de lui par une trahison. Le prisonnier ne mourut que beaucoup plus tard. Meniâ, son fils et successeur, eut à soutenir un siége contre les Beni-Sebâ et les Beni-Saîd qui voulaient venger la mort de leur chef Mohammed. Ces Arabes réduisirent la forteresse à la dernière extrêmité par un long blocus, et l'emportèrent enfin d'assaut. Meniâ y perdit la vie, et les membres de sa

Variante: Ghalal.

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