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ville de Bougie, occupé celle de Constantine et défait les Arabes à Setif, écouta les plaintes des populations de l'Ifrikïa auxquels ces nomades continuèrent à faire subir milles vexations, et envoya à leurs secours une armée almohade sous la conduite de son fils Abd-Allah. Cette expédition partit de Bougie et arriva sous les murs de Tunis en l'an 552 (1457). Les habitants firent une vigoureuse résistance, et ayant admis dans leur ville un corps d'Arabes commandé par Mohrez-Ibn-Zîad, ils opérèrent, de concert avec lui, une sortie contre les assiégeants et les forcèrent à la retraite. Pendant ces derniers événements, Abd-Allah-IbnKhoraçan, l'émir qu'ils s'étaient donné 2, avait cessé de vivre et [son neveu] Ali, fils d'Ahmed venait de prendre le commandement. Le nouveau gouverneur n'avait exercé les fonctions de son office que cinq mois quand Abd-el-Moumen lui-même parut devant Tunis et l'obligea à faire sa soumission. Ali se mit alors en route pour Maroc, emmenant avec lui ses enfants et le reste de sa famille, mais il mourut, en 554, avant d'être parvenu au terme de son voyage.

Mohrez-Ibn-Ziad évacua la Moallaca vers la même époque et s'étant entouré des guerriers de sa tribu, il alla joindre les autres Arabes afin de repousser les Almohades. Abd-el-Moumen était déjà de retour de son expédition et rentré en Maghreb quand on lui apprit que les Arabes concentraient leurs forces à Cairouan. D'après ses ordres, une armée almohade marcha contre eux, et dans une bataille qui se livra près de cette ville, elle fit éprouver à l'ennemi des pertes énormes, tant en tués qu'en prisonniers. L'émir Mohrez-Ibn-Ziad étant tombé entre les mains des vainqueurs, fut mis à mort, et son cadavre, attaché à une potence, fut planté sur le mur de Cairouan.

1 Le texte arabe porte nezel, à la première forme, mais il faut lire nazel à la troisième. Dans les manuscrits africains, et surtout dans ceux de l'ouvrage d'Ibn-Khaldoun, les copistes confondent très-souvent ces deux formes du verbe, ce qui pourrait donner lieu à de graves contresens, si le traducteur n'apportait pas dans sou travail une attention soutenue 2 Voici la généalogie de ce chef: Abd-Allah, fils d' Abd-el-Aziz, fils d'Abd-el-Hack, fils d'Abd-el-Aziz, fils de Khoraçan.

HISTOIRE DE LA DYNASTIE DES REND, FAMILLE QUI ÉTABLIT SON INDÉPENDANCE A CAFSA, LORS DU BOULEVERSEMENT DE L'EMPIRE D'EL-MOEZZ.

Quand El-Moëzz abandonna Cairouan et se rendit à El-Mehdïa, après avoir vu désorganiser son empire par l'invasion des Arabes, la ville de Cafsa avait pour gouverneur un officier sanhadjien nommé par le gouvernement [zîride] et appelé Abd-AllahIbn - Mohammed - Ibn - er - Rend. Cet homme était originaire de Djerba, et sa famille, les Beni-Sadghïan, habitait El-Djoucîn, dans le pays des Nefzaoua. Selon Ibn-Nakhil, il appartenait aux Beni-Izmerten 2, famille maghraouienne. Abd-Allah, ayant maintenu son autorité dans Cafsa, pourvut à la tranquillité du pays et à la sûreté des voyageurs au moyen d'un tribut payé aux Arabes. En l'an 445 (1053-4), il se déclara indépendant et reçut la soumission de Touzer, Nefta, Takïous, El-Hamma et d'autres localités de la province de Castilïa. Parvenu ainsi à un haut degré de puissance, il attira à sa cour les poètes et les hommes de lettres, tous empressés à célébrer ses louanges. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de témoigner un profond respect pour les personnes qui s'adonnaient à la dévotion. Il mourut en 465 (1072-3).

Abou-Omar-el-Motezz, son fils et successeur, s'étant assuré l'exercice du pouvoir et l'obéissance du peuple, recueillit de fortes sommes d'argent provenant des impôts, et gagna, par ses libéralités, tant de partisans qu'il se mit en état de soumettre Camouda, le Djebel-Hoouara, les autres villes de Castîlïa et toutes les dépendances de cette province. Après une longue et heureuse administration, il perdit la vue, et, comme son fils Temîm venait de mourir, il désigna pour successeur au trône son petit-fils, Yahya-Ibn-Temîm. Ce jeune homme parvint bientôt à tenir son aïeul en tutelle, mais leurs états continuèrent néanmoins

Il sera question d'Ibn-Nakhîl ci-après, dans les premiers chapitres de l'histoire des Hafsides.

2 Variante: Merin.

T. II

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à jouir de la plus haute prospérité. En l'an 554 (1159), Abd-elMoumen assiégea Cafsa, renversa la famille régnante et en envoya tous les membres à Bougie. El-Motezz mourut dans cette ville en l'an 557, à l'âge de cent quatorze ans, ou de quatre-vingtdix, selon un autre récit. Son petit-fils Yahya mourut peu de temps après.

Abd-el-Moumen confia le gouvernement de Cafsa à Noman-IbnAbd-el-Hack, membre de la tribu des Hintata; et, trois années plus tard, il le remplaça par Meimoun-Ibn-Addjana, de la tribu des Guenfiça. Meimoun eut pour successeur Emran-Ibn-Mouça le sanhadjien. Le nouveau gouverneur se conduisit d'une manière si tyrannique que les habitants résolurent de lui enlever l'autorité. Ayant appris qu'un petit-fils d'El-Motezz, nommé Ali-Ibnel-Ezz, se trouvait à Bougie dans un état voisin de l'indigence, et exerçant le métier de tailleur, ils le firent venir à Cafsa, massacrèrent Emran-Ibn-Mouça, et chargèrent leur protégé de régir l'état et protéger le peuple. En l'an 563 (4467-8) le cîd AbouZékérïa, fils d'Abd-el-Moumen, mit le siége devant Cafsa, d'après les ordres de son frère Youçof; mais, bien qu'il serrât la ville de fort près et qu'il abattît les dattiers dont elle était entourée, il fut obligé d'opérer sa retraite. En l'an 576 (1180-4), Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, vint en personne pour assiéger Cafsa, et ayant contraint Ibn-el-Ezz à se rendre, il l'envoya à Maroc avec sa famille et lui permit d'emporter ses trésors. Le prince détrôné reçut du conquérant la place d'administrateur des impôts à Salé, et remplit les fonctions de cet office jusqu'à sa mort. Avec lui finit la dynastie des Rend.

HISTOIRE DES BENI-DJAME, FAMILLE HILALIENNE QUI, AYANT OBTENU

DU GOUVERNEMENT SANHADJIEN LE COMMANDEMENT DE CABES, PRO-, FITA DES TROUBLES SUSCITÉS PAR LES ARABES, POUR Y FONDER UN ÉTAT INDÉPENDANT.

Quand El-Moëzz se trouva bloqué dans Cairouan par les Arabes, qui venaient d'envahir l'Ifrîkïa et de conquérir tout le pays

ouvert, il avait dans son armée deux caïds, frères d'El-MoëzzIbn-Mohammed-Ibn-Oulmouïa le sanhadjien, gouverneur de Cabes. Ces officiers, dont l'un se nommait Ibrahîm et l'autre Cadi, ayant été destitués par leur souverain, cédèrent à leur mécontentement et passèrent dans le camp de Mounès-Ibn-Yahya-es-Sinberi, émir de la tribu des Rîah. Accueillis avec distinction par ce chef et envoyés à Cabes, auprès de leur frère, ils se concertèrent ensemble et reconnurent pour souverain l'homme qui les avait si bien traités. Ce fut là la première conquête réelle que les Arabes effectuèrent en Ifrîkïa. Plus tard, Ibrahim prit le commandement de Cabes, et son frère, Moëzz-Ibn-Mohammed, alla trouver Mounès et resta avec lui. Quand Ibrahîm mourut, Cadi, le troisième frère, lui succéda. Celui-ci gouverna d'une manière si tyrannique que, sous le règne de Temim, fils d'El-Moëzz-IbnBadîs, les habitants le firent mourir et donnèrent le commandement de la ville à Omar [fils d'El-Moëzz], qui venait de se révolter contre son frère, le sultan Temîm. La nomination d'Omar eut lieu en 489 (1096). Quelque temps après, Temîm vint à la tête d'une armée et lui enleva la ville. Le peuple de Cabes, s'étant ensuite révolté contre ce prince, reconnut de nouveau la souveraineté des Arabes et reçut pour chef Megguen-Ibn-Kamel-IbnDjamê, émir des Menakcha. Cette tribu faisait partie des Dehman, branche des Beni-Ali, une des grandes ramifications de la tribu de Bîah. Megguen étant parvenu à y établir son autorité malgré les efforts du gouvernement sanhadjien, accueillit avec empressement Mothenna, fils de Temim-Ibn-el-Moëzz, qui venait d'abandonner le parti de son père. Il mit alors le siége devant ElMehdia, mais la résistance que cette place lui opposa et la découverte de plusieurs traits scandaleux dans la conduite de son protégé, le portèrent à décamper. Il conserva jusqu'à sa mort le gouvernement de Cabes et le commandement des Dehman. Rafé, son fils et successeur, exerça une grande autorité à Cabes. Le Casr-el-Aroucïîn, château royal de cette ville, fut bâti par Rafé, et l'on voit encore sur la muraille de cet édifice une inscription qui porte son nom. Lors de l'avènement d'Ali, fils de YahyaIbn-Temîm, une mésintelligence éclata entre lui èt Rafê, lequel

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embrassa alors le parti de Roger, seigneur de la Sicile. Ali ayant ensuite défait les chrétiens dans un combat naval, prit à sa solde plusieurs tribus arabes, organisa une nouvelle flotte et, en l'an 514 1 (1117-8), il se dirigea contre Cabes. Ibn-Abi-'sSalt assure qu'il enrôla les trois cinquièmes de la population arabe; ayant acheté les services des Saîd, des Mohammed et des Nahba 3, auxquels il ajouta une portion du quatrième cinquième, savoir les principaux chefs des Beni-Mocaddem. Les Arabes de la plaine de Cairouan vinrent aussi se ranger sous les drapeaux du prince zîride. Rafè chercha à se réfugier dans cette ville, mais il en fut repoussé par les habitants. A la suite de ces événements, les cheikhs de la tribu de Dehman tinrent une assemblée et, s'étant distribué les villes du pays, ils assignèrent à Rafè celle où il avait essayé de trouver un asile. Ali, fils de Yahya, averti que son adversaire avait obtenu des Dehman la possession de Cairouan, ordonna à ses troupes et à ses mercenaires arabes d'aller y mettre le siége. Il marcha lui-même plusieurs fois contre les partisans de Rafè et, dans une de ces expéditions, il mourut de maladie. Rafé écouta alors les conseils de Meimoun-Ibn-Ziades-Sakhri, et grâce à la médiation de ce chef, il conclut un traité de paix avec le [nouveau] sultan.

Plus tard, Rechid-Ibn-Kamel exerça l'autorité à Cabes. « Ce >> fut lui, dit Ibn-Nakhil, qui fonda le Casr-el-Aroucïîn et fit >> battre les monnaies que l'on appelle rechidiennes. » Son fils et successeur, Mohammed, avait un affranchi nommé Youçof. Etant sorti une fois pour conduire une expédition, il laissa son fils avec ce serviteur, auquel il accordait une confiance entière. L'affranchi profita de cette occasion pour usurper le commandement de la ville et, ayant expulsé le fils de son patron, il reconnut la souveraineté de Roger, prince de la Sicile; mais il en fut

1 Les manuscrits et le texte imprimé portent 411.

2 Ibn-Abi-'s-Salt, appelé Abou-'s-Salt par l'auteur du Baïan, écrivit une histoire d'El-Mehdïa et de l'émir El-Hacen-Ibn-Ali, le zîride. Cet ouvrage s'arrête à l'an 517. L'auteur mourut en 537 (1142-3),

3 Peut-être faut-il modifier la ponctuation de ce nom et lire Bohtha.

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