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En l'an 560 (1164-5), le cîd Abou-Saîd fut rappelé de Grenade par Abou-Yacoub, et débarqua à Ceuta où il fut honorablement accueilli par le cîd Abou-Hafs. Quelque temps après son arrivée, il reçut du khalife l'ordre de repasser en Espagne avec une armée almohade et d'y mener le cîd Abou-Hafs, vu que les tentatives d'Ibn-Merdenîch contre la ville de Cordoue exigeaient une prompte repression. Ayant traversé le Détroit avec un corps de troupes arabes, fournies par les tribus de Zoghba, de Rîah et d'Athbedj, Abou-Saîd se mesura, dans la plaine de Murcie, avec le chef espagnol et les bandes chrétiennes dont celui-ci avait obtenu l'appui. La bataille se termina par la défaite d'Ibn-Merdenîch qui courut s'enfermer dans Murcie. Les Almohades investirent cette ville, en soumirent les campagnes voisines et parvinrent à éteindre le feu de la guerre qu'Ibn-Merdenîch avait entretenu jusqu'alors. En 561, les deux frères, Abou-Hafs et Abou-Saîd, reprirent la route de Maroc.

Le khalife donna ensuite le gouvernement de Bougie à son frère, le cîd Abou-Zékérïa, et celui de Séville à Abou-AbdAllah-Ibn-Ibrahim, cheikh qu'il remplaça plus tard par un autre de ses frères, le cîd Abou-Ibrahîm, et qu'il laissa auprès de ce prince en qualité de vizir; au cîd Abou-Ishac, il confia le gouvernement de Cordoue, et, au cîd Abou-Saîd, celui de Grenade.

Le gouvernement almohade dirigea alors son attention vers la forme qu'il fallait donner à l'alama, ou paraphe, que le khalife devait tracer de sa propre main sur les écrits officiels, et l'on fit choix des mots El-hamdo lillahi ouahdahou (louange au Dieu unique). Cette formule, que l'imam El-Mehdi avait inscrit sur quelques proclamations émanées de lui, continua à servir d'alama aux Almohades jusqu'à la fin de leur empire.

REVOLTE DES GHOMARA.

En l'an 562 (1166-7), l'émir Abou-Yacoub-Youçof entreprit une expédition dans les montagnes des Ghomara où Sebâ-IbnMønaghfad, membre de cette tribu, se maintenait en pleine

révolte avec l'appui de ses voisins, les Sanhadja. Il y avait déjà envoyé le cheikh Abou-Hafs à la tête d'une armée almohade; mais, ayant reconnu que l'insurrection devenait de plus en plus menaçante, il se décida à y marcher en personne. Arrivé au milieu des insurgés, il éteignit la rébellion dans leur sang et celui de leur chef; puis, il ordonna à son frère, le cîd Abou-Aliel-Hacen, de prendre le commandement de Ceuta et du pays des Ghomara.

L'année suivante, les Almohades se rassemblèrent pour renouveler à leur sultan le serment de fidélité, et ils le saluèrent du titre d'Emir-el-Moumenin (Commandant des croyants). Abou-Yacoub fit alors un appel aux Arabes de l'Ifrîkïa pour les engager à combattre [les infidèles], et, à cette occasion, il leur adressa un poème et une épître qui sont encore très-admirés. On sait que ces nomades répondirent à son invitation et lui envoyèrent de nombreux contingents.

ÉVÉNEMENTS DE L'ESPAGNE.

Le khalife Abou-Yacoub ayant raffermi son autorité en Afrique, tourna ses regards vers l'Espagne dont la situation lui paraissait exiger la reprise de la guerre sainte. L'ennemi maudit avait surpris successivement les villes de Truxillo, Evora, la forteresse de Chebrina, celle de Djelmanïa située vis-à-vis de Badajoz et, ensuite, la ville de Badajoz elle-même. Cette nouvelle alarmante décida le khalife à y envoyer l'élite de l'armée almohade, sous les ordres du cheikh Abou-Hafs. En l'an 564 (1468-9), ce général marcha pour délivrer Badajoz. Arrivé à Séville, il apprit que la garnison almohade de Badajoz, ayant été secourue par [Ferdinand II,] fils d'Alphonse [VIII], venait de vaincre et faire prisonnier Ibn-er-Renk [Don Alphonse Henriquez], celui qui la tenait assiégée, et qu'Ibn-Djeranda [Giralde]

Le château de Chebrîna est inconnu; celui de Djelmania a disparu. 2 En l'an 1468, le roi de Portugal s'empara de Badajos et se brouilla avec Don Ferdinand, roi de Léon, qui marcha contre lui parce que cette

le galicien, s'était enfui dans sa forteresse. Le cheikh AbouHafs se dirigea ensuite vers Cordoue et reçut la soumission d'Ibrahim-Ibn-Homochk qui, se voyant engagé dans une guerre avec son ancien allié, Ibn-Merdenîch, et attaqué par lui dans Jaen, envoya son adhésion à la cause des Almohades.

Le khalife ayant reçu d'Abou-Hafs une dépêche renfermant cette nouvelle et l'exposé des ravages que les chrétiens avaient commis dans l'Espagne musulmane, fit partir pour ce pays une armée almohade sous la conduite de son frère et vizir [le cîd] Abou-Hafs. Ce prince quitta Maroc, l'an 565 (1469-70), accompagné de son frère, le cîd Abou-Saîd, et, arrivé à Séville, il envoya celui-ci à Badajoz. Abou-Said conclut alors une trève avec le roi chrétien et, à son retour, il partit pour Murcie avec son frère et Ibn-Homochk, afin d'y assiéger Ibn-Merdenîch. Le cîd Abou-Hafs occupa Lorca dont les habitants s'étaient soulevés en faveur des Almohades; il réduisit ensuite la ville de Baza et reçut la soumission d'un neveu d'Ibn-Merdenîch qui commandait dans Almeria. Cette défection porta une grave atteinte à la puissance de ce dernier.

place était située dans une région dont la conquête le regardaít. Ne se croyant pas en sûreté, il voulut s'éloigner, mais il se cassa la jambe en sortant de la porte de la ville et tomba prisonnier entre les mains des Léonnais. Le roi Don Ferdinand laissa dans Badajos le gouverneur musulman, après lui avoir fait prêter foi et hommage. (Ferreras.)— Ibn-Khaldoun, n'ayant pas une idée nette de ces événements, les raconte de cette étrange façon : « Il apprit que les Almohades, dans Badajos, avaient mis en déroute Ibn-er-Renk qui les avaient assiégés, avec l'appui d'Ibn-Adfounch, et qu'Ibn-er-Renk était resté prisonnier entre leurs mains. »

1 Giralde, chef d'une troupe de brigands, voulant obtenir sa grâce du roi Don Alphonse par quelque action d'éclat, réussit, en l'an 4466, à surprendre la ville d'Evora qui appartenait alors aux musulmans. Le roi pardonna à cet aventurier et à ses compagnous leurs fautes passées et les récompensa même du service qu'ils venaient de lui rendre. (Ferreras.)

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Selon Ibn-Saheb-es-Salat, auteur cité par M. de Gayangos, le neveu d'Ibn-Merdenîch se nommait Mohammed-Ibn-Abd-Allah. Son oncle lui avait donné sa fille en mariage avec le gouvernement d'Almeria; mais, quand il apprit comment cette ville avait été livrée aux

Le jour même où ces nouvelles arrivèrent à Maroc, le khalife y passait en revue, avec une pompe extraordinaire, les divers corps de son armée et les contingents arabes que le cîd AbouZékérïa, seigneur de Bougie, et le cîd Abou-Emran, seigneur de Tlemcen, venaient de lui amener de l'Ifrîkïa. Ayant alors établi son frère, le cîd Abou-Emran, dans Maroc en qualité de lieutenant, il se mit en marche pour l'Espagne et, en l'an 567 (1171-2), il fit son entrée à Cordoue. De là, il se transporta à Séville où il opéra sa jonction avec le cîd Abou-Hafs qui rentrait de son expédition contre Ibn-Merdenîch. Ce dernier chef, fatigué par la longueur du siége qu'il avait à soutenir, combattit en désespéré et fit de fréquentes sorties, mais son frère, Abou-'lHaddjadj, [seigneur de Valence,] s'empressa de faire sa soumission'. Ibn-Merdenîch mourut dans le mois de redjeb de cette année (mars 1172), et son fils Hilal reconnut l'autorité des Almohades. Le cîd Abou-Hafs partit alors, en toute hâte, pour Murcie où il Git son entrée, et ayant rencontré Hilal qui venait avec sa suite au-devant de lui, il l'envoya au khalife qui était arrivé à Séville.

Le monarque almohade mena alors une expédition dans le pays de l'ennemi, et, après avoir assiégé Huéte 2 pendant quel

Almohades, il résolut de se venger en tuant les enfants de son neveu et leur mère (sa propre fille). On noya les premiers dans le Boheira, ou lac, près de Valence, mais on épargna les jours de la mère.

1 El-Merrakchi dit que Mohammed-Ibn-Merdenîch mourut dans Murcie, pendant le siége, et que l'on cacha sa mort jusqu'à l'arrivée de sou frère, Abou-'l-Haddjadj, qui prit alors le commandement.

El-Merrakchi raconte qu'Huéte allait succomber, faute d'eau, quand les assiégeants entendirent, une nuit, un bruit extraordinaire dans la ville C'étaient, dit-il, leurs prêtres et leurs moines qui venaient de sortir avec les Évangiles et qui faisaient des supplications auxquelles le peuple répondait amen! Aussitôt, il survint une pluie qui tomba comme si elle sortait des bouches d'outres et qui remplit toutes les citernes de la forteresse.- Herreras dit: On coupa l'eau aux assiégés et on les réduisait, par là, au point de se rendre, lorsque Dieu permit que, le 29 juillet, jour des saintes Juste et Rufine, il plut si fort et en si grande abondance que l'on remplit d'eau tous les puits et toutes les citernes de la ville, tandis qu'au contraire les retranchements des infidèles furent considérablement maltraités et endommagés.

ques jours, il se rendit à Murcie. Rentré à Séville, l'an 568, il attacha à sa personne Hilal, fils de Merdenîch et lui donna sa fille en mariage1. Après avoir accordé à son oncle, Youçof, le gouvernement de Valence et à son frère, le cid Abou-Saîd, celui de Grenade, il alla à la rencontre d'El-Comès-el-Ahdeb 2, qui avaient envahi le territoire musulman, et lui tua beaucoup de monde aux environs de Calatrava. Rentré à Séville, il ordonna la construction d'une forteresse à El-Calà [Alcala de Guadayra] afin de couvrir cette partie du pays. Ce château était resté en ruines depuis la révolte d'Ibn-Haddjadj qui s'y était établi et de KoreibIbn-Khaldoun qui se tenait dans Moura. Cette révolte dura pendant les règnes d'El-Monder-Ibn-Mohammed et d'Abd-AllahIbn-Mohammed, souverains oméïades 3.

1 Ou bien : il en épousa la fille; car l'expression arabe paraît comporter les deux significations. El-Merrakchi nous apprend qne le sultan Abou-Yacoub épousa une des filles de Mohammed-Ibn-Merdeuich, et que son fils en épousa une autre.

⚫ On ne sait quel personnage les musulmans ont désigné par le sobriquet d'El-Comes-el-Ahdeb, c'est-à-dire le comte bossu.

8 En l'an 280 (893-4), sous le règne de l'émir Abd-Allah, septième souverain oméïade d'Espagne, il y avait dans la ville de Séville trois puissantes familles, les Abou-Abda, les Khaldoun, ancêtres de notre auteur, et les Haddjadj. Un membre de la première famille profila des troubles qui régnaient dans l'empire à cette époque pour s'emparer du gouvernement de la ville; mais il fut ensuite attaqué par les Khaldoun et les Haddjadj, et finit par se donner la mort. Koreib-Ibn-Khaldoun prit alors le commandement de Séville et Ibrahim-Ibn-el-Haddjadj devint son lieutenant. Quelque temps après, Ibrahîm souleva le peuple, avec l'approbation de l'émir Abd-Allah, et obtint le gouvernement de Séville. Koreib perdit la vie dans cette émeute. Ibn-Haïyan, célèbre historien andalousien, cité par notre auteur dans son autobiographie, dit, en parlant de Koreib-Ibn-Khaldoun : « Il résida alternativement à » Séville et au château de la ville de Carmona, une des meilleures for» teresses de l'Espagne, et ce fut là qu'il tint sa cavalerie. Il enrola des » troupes, les organisa par classes, et se concilia la faveur de l'émir » Abd-Allah par des envois d'argent et de cadeaux et par des secours » d'hommes à chaque bruit de danger. Sa cour fut un centre d'attrac» tion, et toutes les bouches répétèrent ses louanges; les hommes de > naissance se rendirent auprès de lui et reçurent de sa bonté des dons > magnifiques; les poètes célébrèrent ses nobles qualités, et une géné» reuse rétribution fut leur partage; etc.»>

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