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Felfoul-Ibn-Said, ainsi que nous le raconterons dans le chapitre sur les Beni-Khazroun, il envoya son oncle Hammad contre les rebelles. Ceux-ci, ayant réuni leurs forces à celles de Felfoul, marchèrent à la rencontre de Hammad et essuyèrent une défaite. Makcen, l'un des princes insurgés, tomba entre les mains du vainqueur qui le fit dévorer par des chiens. Mohcen et Badis, les fils de Makcen, furent également mis à mort; c'est, du moins, ce que nous raconte Ibn-Hazm. Les fuyards se réfugièrent dans le mont Chennoua; mais, s'y trouvant cernés par Hammad, ils se rendirent au bout de quelques jours, à la condition d'être transportés en Espagne. Ce fut en l'an 394 (1000-4) qu'ils se présentèrent à la cour d'Ibn-Abi-Amer.

Neuf jours après la mort de Makcen, eut lieu celle de Zîri-IbnAtïa, le maghraouien. Badîs rappela alors son oncle Hammad à la capitale afin de s'en faire un appui dans sa guerre avec Felfoul.

Aussitôt après le départ de Hammad, une grande agitation se manifesta dans le Maghreb : les Zenata commencèrent à ravager les provinces et à intercepter les caravanes, puis ils allèrent bloquer El-Mecîla et Achîr. Badîs envoya contre eux son oncle Hammad, et, en l'an 395 (1004-5), il le suivit lui-même. Parvenu jusqu'à Tidjist, il s'y arrêta, et pendant son séjour, Hammad soumit le Maghreb, châtia les Zenata et fonda la Calâ [-BeniHammad]. Voulant alors mettre à l'épreuve la fidélité de son oncle, Badîs l'invita à se dessaisir des gouvernements de Tîdjîs

↑ Le texte porte contre les fils de Ziri, ses frères. Ils étaient frères de Bologguîn, père de Hammad et grand-père de Badis. Ibn-Khaldoun aurait dû écrire ses oncles. Tout le chapitre des Zîrides est rédigé avec une négligence extrême. L'auteur a bien rassemblé les principaux faits de leur histoire, mais il les a trop condensés; souvent même il se trompe sur les degrés de parenté qui existaient entre les personnages dont il parle, et, quelquefois, il met un nom à la place d'un autre. Les renseignements qu'il nous fournit dans les chapitres sur les Hammadites, les Beni-Khazroun, etc., ont servi pour faire reconnaître et corriger ces erreurs. Nos modifications avaient été faites avant la publication du texte arabe de l'histoire de l'Afrique et de l'Andalousie intitulée le Baïan, etc.; et elles sont pleinement justifiées par les leçons et indications de cet important ouvrage.

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et Constantine. Hammad refusa son consentement et se mit en révolte ouverte. Son frère Ibrahîm, que Badîs envoya contre lui, embrassa son parti. Alors Badîs lui-même se mit en marche, et, parvenu jusqu'au Chelif, il réussit à attirer sous ses drapeaux une partie de leurs troupes. Ayant obtenu, dans cette expédition, la soumission et l'appui des Toudjîn, il combla de présents leurs émirs Atta, fils de Dafleten, dont Hammad avait tué le père, et Yedder-Ibn-Locman-Ibn-el-Motezz, qui étaient venus se joindre à lui. Après avoir campé successivement sur le bord du Quacel, dans le Seressou, et sur le mont Guezoul, il força Hammad à prendre la fuite et à rentrer dans la Calâ. Il avait déja commencé le siége de cette forteresse, quand la mort vint le surprendre, pendant qu'il dormait dans sa tente, au milieu de ses compagnons. Cet événement eut lieu en [Dou-'l-Cåda de] l'an 406 (avril 1016). Les assiégeants reprirent alors la route de la capitale, emportant avec eux le corps de leur souverain.

Règne d'El-Moëzz, fils de Badis. Quand la nouvelle de la mort de Badîs parvint à Cairouan, l'on prêta le serment de fidélité à son fils, El-Moëzz, jeune prince qui n'avait alors que huit ans. Aussitôt après la rentrée de l'armée [à El-Mehdïa], on procéda à l'inauguration publique du nouveau souverain, et tout le peuple prit l'engagement de le servir avec dévouement.

Hammad, qui venait d'occuper El-Mecîla et Achîr, et qui s'était préparé à soutenir la guerre, avait investi Baghaïa, quand il apprit qu'El-Moëzz marchait contre lui. Il leva aussitôt le siége de cette ville afin de livrer bataille au nouveau souverain; mais il essuya une telle défaite qu'il dût laisser son camp et son frère Ibrahîm au pouvoir de l'ennemi. S'étant alors réfugié dans la Calâ, il obtint la cessation des hostilités, après avoir consenti à envoyer son fils auprès d'El-Moëzz qui avait exigé cet acte de soumission Le vainqueur se porta alors jusqu'à Setîf et Casr-etTin, d'où il rentra dans sa capitale. Ce fut en l'an 408 (1017-8) qu'El-Caïd, fils de Hammad, se présenta devant El-Moëzz et le pria de mettre un terme à cette guerre désastreuse. Un traité fut alors conclu par lequel Hammad fut reconnu maître d'El-Mecîla,

de Tobna, du Zab, d'Achir, de Tèhert et de toutes les parties du Maghreb dont il pourrait effectuer la conquête. El-Caïd obtint pour lui-même le gouvernement de Tobna, d'El-Mecîla, de Mag ́gara, de Mersa-'d-Deddjaj, de Souc-Hamza et du pays des Zouaoua; puis, ayant reçu des cadeaux d'une valeur égale à ceux qu'il avait apportés, il s'en retourna [auprès de son père]. Dès ce moment les deux rivaux déposèrent les armes, et ils s'allièrent par des mariages après s'être partagé l'empire. De cette manière, la dynastie des Sanhadja se divisa en deux branches : la famille d'El-Mansour, fils de Bologguîn, souverains de Cairouan, et la 'famille de Hammad, fils de Bologguîn, souverains d'El-Calâ.

En l'an 432 (1040-1), El-Moëzz investit la Calâ et y assiégea [El-Caïd, fils de] Hammad pendant deux années. Ayant alors renoncé à son entreprise, il rentra chez lui, et depuis lors, il vécut en paix avec son rival.

Zaoui, fils de Ziri, étant revenu d'Espagne en l'an 410 (1019– 20), comme nous le dirons ailleurs, reçut d'El-Moëzz l'accueil le plus honorable. Ce monarque alla à pied au devant de lui, le conduisit dans un grand palais que l'on avait meublé pour sa réception, et le combla des dons les plus précieux et les plus rares.

La puissance qu'El-Moëzz exerçait en Ifrîkïa et à Cairouan devint enfin si grande que jamais on avait vu chez les Berbères de ce pays un royaume plus vaste, plus riche et plus florissant que le sien. On en voit la preuve dans l'ouvrage d'Ibn-er-Rakîk, historien qui nous a transmis la description de leurs fêtes de noces, présents, pompes funèbres et largesses. Ainsi, pour en citer quelques exemples: le présent que Sandal, gouverneur de Baghaïa, envoya au souverain, consistait en cent charges d'argent; les cercueils de plusieurs de leurs grands personnages étaient en bois de l'Inde et à cloux d'or. Badis fit cadeau à Felfoul-IbnSaîd-ez-Zenati de trente charges d'argent et de quatre-vingts ballots de riches étoffes. La dîme fournie par quelques cantons maritimes situés dans le voisinage de Sfax, se composait de quatre-vingt mille boisseaux de grains 1.

En l'an 410, El-Moëzz célébra le mariage de sa sœur et dépensa

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El-Moëzz cut souvent à combattre les Zenata, et dans chaque rencontre, il remporta la victoire. Comme il ne goûtait que médiocrement les hérésies de la secte chiïte, il adopta la croyance orthodoxe des Sonnites, et vers le commmencement de son règne il en fit ouvertement profession 2. Ayant alors chargé d'imprécations tous ceux qui suivaient la doctrine des Rafedites 3, il céda au zèle qui l'animait et donna l'ordre d'ôter la vie à ces sectaires partout où on les trouvait1. Un certain jour, étant allé à la promenade, il invoqua à haute voix le secours d'Abou-Bekr et Omer [les deux premiers khalifes], dans un moment où son cheval était sur le point de s'abattre. La populace ayant entendu cette exclamation [digne d'un vrai Sonnite], se jetta sur les Chiïtes et en fit un massacre affreux 5. Tous les missionnaires rafedites éprouvèrent le même sort. Le khalife fatemide qui régnait au Caire en fut tellement courroucé qu'il adressa à ElMoëzz une remontrance sévère, pendant que son vizir, Abou-'lCacem-el-Djerdjeraï, travaillait à ramener le souverain zîride par des menaces et des avertissements. El-Moëzz y répondit par des attaques contre le caractère et l'origine des khalifes fatemides. La querelle s'envenima tellement qu'en l'an 440 (1048–9), ElMoëzz ordonna la suppression de la prière qui se faisait dans les mosquées pour la prospérité de Mâdd-el-Mostancer, fit brûler les drapeaux donnés par le gouvernement fatemide, et

pour le trousseau et fêtes de noce, un million de pièces d'or. En 412, il enterra sa mère, et les frais des funérailles montèrent à cent mille pièces d'or.

(Baïan.)

1 Les Zenata de l'ouest marchèrent contre l'Ifrikïa en 420 et en 427. (Baian.)

2 Son précepteur l'avait élevé secrètement dans les principes du rit orthodoxe malékite.

3 Voy. sur les Rafedites l'appendice n° 1 de ce vol.

4 On commença à massacrer les Chiites en l'an 407.

Trois mille en furent tués. Il paraît que les Chiites de l'armée, ayant entendu El-Moëzz invoquer Abou-Bekr et Omar, voulaient le tuer, ce qui amena un conflit dont ils furent les victimes.

abolit l'usage d'inscrire le nom de ces khalifes sur la bordure du manteau impérial [sur les drapeaux] et sur les monnaies. Pour compléter cette révolution, il prononça lui-même [l'an 443] la prière publique au nom d'El-Caïm-Ibn-el-Cader, khalife de Baghdad. Abou-'l-Fadl-Ibn-Abd-el-Ouahed-et-Temîmi, agent politique de la cour de Baghdad, apporta en retour, à El-Moëzz, un diplôme par lequel El-Caïm le confirmait dans le gouvernement de l'Ifrîkïa. Le khalife fatemide, El-Mostancer, chercha le moyen de se venger, et, d'après l'avis de son ministre, AbouMohammed-el-Yazouri, il lâcha sur l'Ifrîkïa les Rîah, le Zoghba et les Athbedj, tribus hilaliennes qui avaient pris part à la révolte des Carmats. Nous avons déjà parlé de ceci dans le chapitre qui traite de l'entrée des Arabes en Ifrîkïa 2.

Ces peuples pénétrèrent dans le pays en dévalisant les voyageurs et en dévastant les lieux habités. El-Moëzz envoya une armée contre les envahisseurs, et comme elle essuya une défaite, il alla lui-même se mesurer avec eux. A la suite d'une bataille qu'il leur livra près du mont Haideran, et qui amena la déroute de ses troupes, il courut s'enfermer dans Cairouan où il fut bientôt bloqué par l'ennemi. Pendant toute la durée de ce siége, les Arabes continuèrent à ravager les campagnes et à opprimer les cultivateurs, jusqu'à qu'ils eurent entièrement ruiné l'Ifrîkïa.

En l'an 449 (1057-8), El-Moëzz se rendit de Cairouan à ElMehdia sous la protection de Mounès-Ibn-Yahya-es-Sinberi, émir rîahide, dont il venait d'épouser la fille3. Arrivé à El-Mehdïa,

La formule de malédiction prononcée solennellement en cette occasion contre les Fatemides, se trouve dans le Baïan, page 289 du texte arabe.

2 Voyez, sur ces événements, le tome 1. p. 30 et suiv.

3 Ici le texte arabe est équivoque et peut aussi signifier : auquel il venait de marier sa fille. Le passage analogue qui se trouve dans le tome 1, p. 34, répond à une expression arabe tout aussi vague que celle que nous signalons ici. Aussi pourrait-on très-bien le remplacer par les mots et il lui donna sa fille en mariage. Cette dernière manière d'entendre l'expression asher léhou fi bintih où le sujet du verbe et la personne à laquelle le pronom affixe se rapporte sont également in

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