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>> apparition dans les premiers temps de l'hégire et que ce fut >> par esprit d'opposition qu'il publia cette doctrine; car il tâcha >> d'imiter le Prophète dans tout ce qu'il avait entendu raconter » de lui. La première de ces deux époques est cependant la véri>> table. Ensuite, il se donna pour le Mehdi qui doit apparaître » vers la fin du monde. Il disait aussi que Jésus serait son >> compagnon et prierait derrière lui [c'est-à-dire le reconnaî>> trait pour chef de la religion chrétienne]. A ces doctrines,

il ajoutait que son nom, en arabe, était Saleh (saint); en » Syriac, Malek (roi); en Persan, [danichmend]1 savant; » en Hébreu, Robbia (mon seigneur), et, en Berbère, Ourya, >> mot qui signifie celui après lequel il n'y a plus de pro» phète2. Après avoir régi son peuple pendant quarante-sept >> ans, il partit pour l'Orient, en leur promettant de revenir au >> milieu d'eux, sous le règne de son septième successeur. Il >> chargea ensuite son fils El-Yas de propager cette religion et » de vivre en bonne intelligence avec le prince oméïade qui gouvernait l'Espagne. Il lui ordonna, enfin, de faire ouverte>>ment profession de sa doctrine aussitôt que le parti des néophites deviendrait puissant. El-Yas cacha dans son cœur les >> principes impies que son père lui avait enseignés, et, déguisant » son infidélité sous le masque de l'islamisme, il afficha une grande austérité de mœurs et un profond mépris pour les biens de ce monde. Il mourut après un règne de cinquante ans. Younos, son fils et successeur, fit ouvertement profes>>sion de la nouvelle religion, et, dans son zèle de prosély» tisme, il ôta la vie à tous ceux qui hésitaient de se convertir.

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Dans tous les manuscrits d'Ibn-Khaldoun et d'El-Bekri que nous avons consultés, le mot persan danichmend ou ́danichguir, équivalent du mot arabe álem (savant), est omis.

2 Dans le texte arabe de ce passage, il faut lire Ouryaora à la place d'Ourya et chaï à la place de nebi. Cette dernière correction est autorisée par les manuscrits de la géographie d'El-Bekri. La leçon Ouryaora se retrouvera un peu plus loin avec une note qui en expliquera la signification. En faisant ces corrections, le texte d'Ibn-Khaldoun fournira le sens suivant : celui après lequel il n'y aura plus rien.

>> Emporté par son ardeur fanatique, il dévasta la province » de Temsna, dont trois cent quatre-vingts villes, dit-on, furent » détruites par son ordre et les habitants passés au fil de l'épée, >> parce qu'ils avaient résisté à ses volontés. Sept mille sept >> cent soixante-dix malheureux furent égorgés à l'endroit >> qui porte le nom de Taméloukaf, haute pierre qui s'élevait >> au milieu de la route. » Zemmor ajoute : « Younos fit >> le voyage de l'Orient et accomplit le pèlerinage, devoir dont » aucun membre de sa famille ne s'acquitta, ni avant ni après » lui. Il régna quarante-quatre ans et transmit l'autorité à Abou>> Ghofaïr-Mohammed, fils de Moâd, fils d'Elîça, fils de Saleh, >> fils de Tarif. Le nouveau souverain parvint à diriger les Ber

ghouata au gré de ses désirs; il fit profession de la religion de >> ses pères, et atteignit à une grande puissance. Il y eut entre lui >> et les Berbères plusieurs batailles et journées célèbres. C'est à >> ces combats que Said-Ibn-Hicham, le masmoudien, fit allusion » dans les vers suivants :

Femme, ne pars pas encore; reste et raconte-nous une nouvelle digne de foi.

Voilà une nation qui périt égarée! frustrée dans son espoir, puisse-t-elle ne jamais s'abreuver dans une eau limpide ! Ils disent

Abou-Ghofaïr est notre prophète; que Dieu couvre d'opprobre la mère des menteurs ?!

N'as-tu pas vu la journée de Beht? N'as-tu pas entendu les gémissements qui s'élevaient sur les pas de leurs chevaux?

Gémissements de femmes éplorées dont les unes avaient perdu leurs enfants, pendant que les autres hurlaient d'effroi et laissaient échapper le fruit de leur scin..

Au jour de la résurrection, quand les nations se hateront devant leur juge, les habitants de Temsna sauront

Que Younos sera là avec les fils de son père, menant à sa suite les Berbères égarés. [Les ministres de la vengeance divine leur diront alors :]

4 Au milieu du marché, selon El-Bekri.

2 Dans le texte arabe, il faut lire El-Kadibina.

>> C'est donc là Ouryaora1, chef des orgueilleux? Que l'enfer » l'écrase, lui et son peuple!

» Ce jour-ci ne sera pas pour vous un jour [de triomphe], >> bien que [vous triomphez] dans les nuits [d'ignorance], étant » partisans de Meicera 2 !

» Abou-Ghofaïr épousa quarante-quatre femmes et en eut au>> tant d'enfants ou même davantage. Il mourut vers la fin du » troisième siècle, après un règne de vingt-neuf ans. Son fils et » successeur, Abou-'l-Ansar-Abd-Allah, suivit les mêmes » usages, et, bien qu'il fût d'un caractère fort doux, il sut imposer tant de respect aux princes contemporains, qu'ils culti» vèrent son amitié et lui envoyèrent de riches cadeaux. Il por»tait pour habillement un manteau et un haut-de-chausse, mais >> il se garda de rien mettre qui fût façonné avec l'aiguille3. Ni >> lui, ni personne dans son pays, à l'exception des étrangers, >> ne portait le turban. Il était fidèle à sa parole et prompt à se» courir tous ceux qui imploraient son appui. Il mourut en l'an » 341 (952-3), après avoir régné quarante-quatre ans, On l'en» terra à Tameslakht où son tombeau se voit encore. Son fils » Abou-Mansour-Eïça monta alors sur le trône, étant âgé de >> vingt-deux ans. Il suivit les pratiques de ses aïeux et se >> donna même pour prophète et devin. La haute puissance dont » il parvint à jouir lui assura l'obéissance des autres tribus du >> Maghreb. >> Au rapport de Zammor, le père de ce prince, étant sur son lit de mort, lui adressa ces paroles : « Mon cher

1 Ouryaora est une altération du terme berbère Ourillara (sans pareil, admirable). Cette expression, qui est encore employée, se compose d'our (ne), illa (il a été) et ara (pas), c'est-à-dire non-existant, introuvable.

En traduisant ce dernier vers, dont, au reste, nous ne garantissons pas le sens, nous avons adopté la leçon fournie par la note du texte arabe. Dans les manuscrits d'El-Bekri, on lit, de plus, riddetakom à la place de yaumakom. M. Quatremère a rendu ainsi ce vers, en suivant les leçons rapportées par El-Bekri : Votre apostasie ne date pas d'au jourd'hui, mais du temps où vous étiez soumis à Maisarah.

* El-Bekri dit: « il ne porta pas de chemise. »> lu, mal-à-propos, mahit à la place de camis.

T.H.

Ibn-Khaldoun a

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» fils, tu seras le septième de la famille qui aura régné, et j'ar >> tout espoir que Saleh-Ibn-Tarîf viendra te trouver. »> << Son armée, dit Zemmor, se composait d'environ trois mille >> hommes appartenant à la tribu des Berghouata, et de dix >> mille fournis par les autres tribus, telles que les Djeraoua, les >> Zouagha, les Beranès, les Medjekésa, les Matghera, les Demmer, >> les Matmata et les Beni-Ouarzguît. Sa religion avait été adop»tée par les Beni-Ifren, les Assada, les Regana, les Izmen, les >> Resafa' et les Renemsezara 2. Aucun de leurs souverains, de>> puis la fondation de la dynastie, ne prit les emblèmes de la » royauté. » Fin du récit de Zemmor.

Les rois d'Espagne et d'Afrique, les Idrîcides, les Oméïades et les Fatemides, faisaient, pendant ces temps et plus tard, des expéditions contre les Berghouata, guerres saintes qui ont laissé de grands souvenirs.

Djàfer-Ibn-Ali[-el-Andelosi] ayant reçu d'El-Mansour-IbnAbi-Amer le gouvernement du Maghreb, quitta l'Espagne en l'an 366 (976-7), pour aller s'établir à Basra; mais il se laissa enlever l'autorité par son frère Yahya, lequel s'était attiré l'affection des troupes et l'amitié des émirs zenatiens. Ayant alors pris la résolution de faire la guerre sainte aux Berghouata, entreprise qui paraissait des plus méritoires, Djâfer marcha contre eux à la tête de la milice andalousienne et des troupes maghrebines. Ayant rencontré les ennemis dans le cœur même de leur pays, il essuya une telle défaite, qu'à peine put-il ramener, auprès de son frère, à Basra, quelques débris de son armée. Rappelé, ensuite, par El-Mansour, il partit pour l'Espagne, laissant son frère Yahya à la tête du gouvernement 3.

1 Variante d'El-Bekri : Resana.

Variantes Ournemderara, Ouimserara. A la place de ce nom, dont la véritable orthographe est inconnue, les manuscrits d'El-Bekri portent Terarta.

3 On trouvera parmi les appendices de ce volume la traduction du chapitre consacré par notre auteur aux Beni-Hamdoun, famille dent Djafer-Ibn-Ali faisait partie.

En l'an 368 (978-9), les Berghouata eurent à soutenir une guerre contre les Sanhadja qui, sous les ordres de BologguînIbn-Zîri, avaient envahi le Maghreb. Déjà les Zenata s'étaient enfuis devant lui et avaient cherché un asile au pied des fortifications de Ceuta, position presqu'inabordable à cause de la difficulté des approches. Bologguin tourna donc ses armes contre les Berghouata, et ayant rencontré leur armée qui venait au-devant de lui sous la conduite d'Abou-Mansour-Eïça, fils d'Abou-'lAnsar, il la mit en pleine déroute. Abou-Mansour et une grande partie de ses troupes trouvèrent la mort sur le champ de bataille. Le vainqueur envoya ses prisonniers à Cairouan et fit encore plusieurs expéditions contre les Berghouata, tant qu'il resta en Maghreb. Il quitta ce pays en l'an 372 (982-3) et reprit le chemin de sa capitale, mais il mourut avant d'y arriver.

Je n'ai pu découvrir qui régna sur les Berghouata après Abou-Mansour; mais je sais que les troupes d'El-Mansour-IbnAbi-Amer portèrent la guerre chez eux en 389, époque où son fils Abd-el-Mélek[-el-Modaffer] rentra en Espagne, après avoir dirigé une expédition contre Zîri-Ibn-Atïa et confié le gouvernement du Maghreb à son affranchi Ouadeh. La première entreprise de Ouadeh fut de marcher contre les Berghouata avec les milices. [andalousiennes], les émirs de ces provinces et les populations soumises à ses ordres. Dans cette expédition, il fit subir à l'ennemi des pertes énormes tant en tués qu'en prisonniers.

Plus tard, les Berghouata eurent à combattre les Beni-İfren. Vers le commencement du cinquième siècle, une guerre avait éclaté entre les descendants de Yala-Ibn-Mohammed-el-Ifreni et ceux de Zîri-Ibn-Atïa-el-Maghraoui. Les premiers enlevèrent à leurs adversaires la ville de Salé, et Temim-Ibn-Zîri, petit-fils de Yala, qui avait alors succédé au commandement de la tribu, s'installa dans la place conquise afin de pouvoir attaquer plus facilement ses voisins, les Berghouata, et de faire ainsi la guerre sainte. Un peu plus tard que l'an 420 (1029), il commença des

1 Celle date est fausse : il faut sans doute lire 369 ou 370. Voy. pp. 41 et 12 de ce volume.

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