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prète tekrourien, rapporte que Kaokao fut pris par Saghmendja, un des généraux de Mença-Mouça.

Sakoura eut pour successeur un fils du sultan Mari-Djata, nommé Gao, lequel transmit le pouvoir à son fils MohammedIbn-Gao, L'autorité passa des enfants de Mari-Djata à un fils de sa sœur, nommé Abou-Bekr.

Mença-Mouça, fils et successeur d'Abou-Bekr, se distinguait par sa puissance et par la sainteté de sa vie. Telle fut la justice de son administration que le souvenir en est encore vivant. Il fit le pèlerinage en l'an 724 (1324), et, ayant rencontré à la Mecque le poète espagnol, Abou-Ishac-Ibrahîm-es-Saheli, mieux connu sous le nom de Toueidjen, il l'emmena avec lui dans le pays des Noirs. Dès lors, Abou-Ishac jouit de la faveur toute particulière du sultan et la transmit comme un héritage à ses fils, lesquels la conservent encore. Ils établirent leur séjour à Oualaten, lieu situé sur cette partie de la frontière mellienne qui regarde le Maghreb.

Abou-Abd-Allah-el-Mâmer-Ibn-Khadîdja-el-Koumi, descendant d'Abd-el-Moumen et un de nos amis, rencontra MençaMouça qui revenait de la Mecque. El-Mâmer s'était montré dans le Zab où il avait travaillé à former un parti en faveur du Fatemide attendu 2; il avait même recruté une bande d'Arabes avec laquelle il faisait des courses dans les pays voisins. Le seigneur de Ouargla, s'étant emparé de lui par une ruse, le mit en prison d'où il le relâcha plus tard. El-Mâmer s'enfonça dans le Désert et alla demander au sultan Mença-Mouça un corps de troupes afin de se venger. Ayant alors appris que ce monarque était parti pour le pèlerinage 3, il se fixa à Ghadams pour y attendre son retour. Comme Mença-Mouça était un puissant souverain dont l'autorité s'étendait jusqu'au Désert qui avoisine Ouargla, ElMâmer espérait obtenir de lui assez de secours pour vaincre ses

Voy. le Voyage d'Ibn-Batouta en Soudan, journal asiatique de 1843. • Voy, l'appendice, no 11.

3 Dans le texte arabe, il faut sans doute lire : balarahou khoroudjohou lil-haddj.

ennemis et réussir dans ses projets. Le sultan l'accueillit avec bonté et l'emmena dans son pays, lui promettant de le soutenir par un corps de troupes et de l'aider à vaincre ses ennemis. El-Mamer, dont la véracité était parfaitement reconnue, me fit à ce sujet le récit suivant : « Abou-Ishac-et-Toueidjen et moi, nous >> fimes partie du cortége royal et nous primes même le pas sur » les vizirs et les chefs de la nation. Sa majesté écouta avec >> plaisir les historiettes que nous lui racontâmes, et, à chaque » station, elle nous fit cadeau de quelques plats de vivres et de >> sucreries. Douze mille jeunes esclaves, revêtues de tuniques de >> brocart et de soie de Yemen, portaient ses effets. »

Le Haddj-Younos, interprète de cette nation au Caire, raconte ce qui suit : « Le roi Mença-Mouça arriva de son pays avec >> quatre-vingts charges de poudre d'or, pesant chacune trois quintaux (kintar) 2; son peuple est dans l'usage de transporter ses bagages à dos d'esclaves ou d'hommes [libres]; mais, » dans de longs voyages, tels que celui de la Mecque, il se sert >> de chameaux pour cet objet. »>

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Reprenons le récit d'[El-Mâmer-] Ibn-Khadidja : « Nous l'ac>>compagnâmes jusqu'à la capitale de son royaume, et, comme il >> voulait construire une salle d'audience, il décida qu'elle serait » solidement bâtie et revêtue de plâtre; car, de tels édifices >> étaient encore inconnus dans son pays. Abou-Ishac-et-Toueid» jen, homme très-habile en plusieurs métiers, se chargea de >> remplir la volonté du roi et bâtit une salle carrée, surmontée » d'une coupole. Dans cette construction, il déploya toutes les >> ressources de son génie; et, l'ayant enduite de plâtre et ornée d'arabesques en couleurs éclatantes, il en fit un admirable

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>> monument. Comme l'architecture était inconnue dans ce pays, >> le sultan en fut charmé, et donna à Toueidjen douze mille » mithcals de poudre d'or comme témoignage de sa satisfac

Dans le texte arabe, il faut lire : fé-yetemetta.

Voy. t. 1, p. 210, note.

• Le mithcal pèse une drachme et demie ou la huitième partie d'une

once.

T. II.

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» tion. Ajoutez à cela la haute faveur du prince, une place » éminente à la cour et de beaux cadeaux de temps à autre. >>

Le sultan Mença-Mouça entretenait des relations amicales avec le sultan mérinide, Abou-'l-Hacen, et les deux monarques s'envoyaient des présents par l'entremise de leurs grands officiers. Le sultan maghrebin fit même apprêter un choix des plus beaux produits de son royaume et confia à Ali-Ibn-Ghanem, émir des Mâkil, le soin de porter ce cadeau vraiment royal au sultan des Noirs. Une députation, composée des premiers personnages de l'empire, accompagna Ibn-Ghanem. La magnificence de cette offrande fut le sujet de toutes les conversations, ainsi que nous le dirons ailleurs. Les successeurs de ces deux monarques héritèrent des mêmes sentiments de bienveillance mutuelle.

Mença-Mouça régna vingt-cinq ans. A sa mort, le gouvernement de Melli passa à son fils Mença-Magha. Le mot Magha est l'équivalent de Mohammed. Il mourut après un règne de quatre ans et eut pour successeur Mença-Soleiman, fils d'Abou-Bekr et frère de Mença-Mouça. Après la mort de MençaSoleiman, qui régna vingt-quatre ans, l'autorité fut transmise à son fils Cassa, lequel mourut au bout de neuf mois et laissa le trône à Mari-Djata, fils de Mença-Magha et petit-fils de MençaMouça. Ce monarque jouit d'un règne de quatorze ans pendant lesquels il accabla le peuple du poids de sa tyrannie, ne respectant pas même l'honneur des femmes.

En l'an 762 (1360-1), il envoya un présent à Abou-Salem, fils d'Abou-'l-Hacen et sultan du Maghreb. On y remarqua surtout une giraffe (zérafa), animal d'une taille colossale et presque inconnu en Maghreb. Pendant longtemps ce quadrupède fit le sujet de toutes les conversations, à cause de sa forme extraordinaire dans laquelle on vit réunis les caractères et qualités de plusieurs animaux de différentes espèces.

En l'an 776 (1374-5), je rencontrai à Honein Abou-Abd-AllahMohammed-Ibn-Ouaçoul, natif de Sidjilmessa et homme d'une

Dans le texte arabe, il faut lire li-ahdihi.

* Variantes: Fenba, Canba.

véracité éprouvée qui, pendant quelque temps, avait habité le pays des Kaokao, chez les Noirs, où il s'était chargé des fonctions de cadi. Ce fut de lui que je tins la plupart des renseignements que je viens de rapporter. Parlant du sultan Djata, il me dit qu'il avait ruiné l'empire, épuisé le trésor royal et mit l'état à deux doigts de sa perte. « Il porta si loin, ajouta-t-il, sa manie de » dépenser, qu'il vendit la célèbre pierre d'or, regardée comme » un de leurs trésors les plus rares. Cette masse de métal » pesait vingt kintars; elle était telle qu'on l'avait retirée » de la mine, n'ayant jamais été travaillée ni soumise à l'action » du feu. Ce prince dissipateur la vendit à vil prix à des mar>> chands égyptiens qui avaient l'habitude de visiter son pays. Il » dépensa aussi en débauches et en folies de tous genres les ri>> chesses amassées par les rois, ses prédécesseurs. Il fut enfin >> atteint de léthargie, maladie très-commune dans ce pays et

qui attaque surtout les gens haut placés. Cette indisposition >> commence par des accès périodiques et réduit, enfin, le ma>> lade à un tel état, qu'à peine peut-on le tenir un instant éveillé. >> Alors elle se déclare d'une manière permanente et fait mourir >> sa victime. Pendant deux années, Djata eut à en subir les >> attaques, et il y succomba l'an 775 (1373-4). L'on déféra >> l'autorité à son fils Mouça. Ce prince évita de suivre les erre>>ments de son père et travailla à procurer au peuple les avan>> tages de la justice et d'une bonne administration. Il est >> renommé pour sa générosité, mais son vizir, Mari-Djata, s'est » emparé de la direction des affaires. » Le mot Mari veut dire vizir; quant à Djata, nous en avons déjà marqué la signification. Ce ministre tient maintenant le sultan Mouça en chartre privée et dispose de toute l'autorité. Il a levé des troupes, mis des armées en campagne et subjugué les parties orientales du pays des Noirs jusqu'au delà de Kaokao. Au commencement du règne de son maître, il envoya un corps d'armée contre Takedda, ville située dans la contrée des porteurs du litham, et il la fit bloquer si

1 Dans toutes les circonstances, cette maladie se termine fatalement, dit Winterbottom dans son Account of Sierra Leone.

étroitement qu'elle faillit succomber. Takedda est à soixante-dix stations au sud-ouest de Ouargla, sur la route suivie par les pèlerins nègres; elle est gouvernée par un chef lithamien qui prend le titre de sultan et entretient une correspondance amicale avec les émirs du Zab et de Ouargla. « La capitale du royaume de » Melli, dit ce même Ibn-Ouaçoul, s'appelle Beled-Beni...... >> elle est très-étendue, très-populeuse et très-commerçante. De >> nombreuses sources arrosent les terres cultivées qui l'envi>> ronnent. C'est maintenant un lieu de halte pour les cara

vanes de commerce provenant du Maghreb, de l'Ifrîkïa et » de l'Egypte. De tous côtés on y envoie des marchandises. >>

Nous venons d'apprendre que Mença-Mouça mourut en 789 (1387) et que son frère et successeur, Mença-Magha, fut tué environ une année plus tard. Le commandement passa alors à Sandaki, mari de la mère de Mouça. Sandaki veut dire vizir2. Quelques mois après son élévation au trône, un homme de la famille de Mari-Djata se jeta sur lui et le tua. Alors un nommé Mahmoud, qui se disait descendre de Mença-Gao, fils de MençaOuéli, fils de Mari-Djata l'ancien, arriva du pays des infidèles, région située derrière Melli, et s'empara du royaume. Devenu sultan en 792 (1390), il prit le surnom de Mença-Magha.

HISTOIRE DES LAMTA, DES GUEZOULA ET DES HESKOURA, TRIBUS DESCENDUES DE TISKI ET SOEURS DE CELLES DE SANHADJA ET

DE HOOUARA.

Nous avons dit que ces tribus sont sœurs de celles de Sanhadja [et de Hoouara], toutes les cinq ayant eu pour mère Tîski-el-Ardja, fille de Zahhik-Ibn-Madghis. Les Sanhadja descendent d'Amil, fils de Zéazâ; les Hoouara d'Aurigh, fils d'El

Le nom de la tribu est resté en blanc dans tous les manuscrits.

Selon M. Cooley, ce titre se compose des mots mandingues san ou sanon, haut, et adéqué, conseiller.

3 Voy. p. 3 de ce volume et p. 273 du tome 1.

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