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tenant à la tribu des Hoouara. Le roi qu'il détrôna se nommait Mohammed, fils de Khattab, fils d'Isliten, fils d'Abd-Allah, fils de Sanfel, fils de Khattab. Avec lui finit cette dynastie, mais Zouîla, l'ancienne capitale de son empire, porte encore le nom de Zouila des fils de Khattab. Caracoch l'ayant fait prisonnier, le laissa mourir dans les tourments, en essayant de lui faire déclarer le lieu où il avait caché ses trésors. Il passa ensuite auprès de Tripoli, rallia sous ses drapeaux les Arabes soleimides de la branche de Debbab, pénétra dans la montagne de Nefouça et y fit un grand butin qu'il abandonna à ses nouveaux alliés. Masoud-Ibn-Zemam, cheikh des Douaouida étant alors arrivé dans cette province, après avoir effectué son évasion du territoire du Maghreb ', réunit ses bandes à celles de Caracoch et l'aida à réduire la ville de Tripoli. Caracoch, qui avait pris à son service une foule de brigands arabes appartenant aux tribus de Hilal et de Soleim, établit sa domination dans cette forteresse et les pays voisins. Arménien de naissance, on lui avait donné les surnoms d'El-Modafferi et d'En-Naceri, parce qu'il était mamlouk d'ElModaffer et qu'il avait prononcé la prière du vendredi au nom d'El-Mélek-en-Nacer (le prince victorieux) Salah-ed-Dîn. Dans ses manifestes, il s'intitulait Ouélı amr il-Moumenîn (chargé d'affaires des vrais croyants 3). L'alama (paraphe) qu'il inscrivit de sa main au bas de ces documents renfermait les mots suivants : Ouathecto billahi ouahdahou (j'ai placé ma confiance en Dieu seul).

Son camarade, Ibrahîm-Ibn-Caratikîn, se dirigea sur Cafsa à la tête d'une troupe d'Arabes, et, en ayant occupé tous les alentours, il somma les Beni-'r-Rend qui y commandaient de faire leur

1 Voy. t. I, page 71.

2 El-Mélek-el-Modaffer (le prince victorieux), tel fut le titre honorifique de Taki-ed-Dîn, fils de Chahanchah.

3 Dans le texte arabe, les mots bi-sokoun il-mîm (avec un m quiescent) se rapportent au mot amr. L'intention de l'auteur était d'empêcher le lecteur de regarder amr comme une faute de copiste et amir comme la bonne leçon. En ce dernier cas, le titre porté par Caracoch aurait signifié ami du commandant des Croyants.

soumission. Cette famille portait une telle haine à la dynastie d'Abd-el-Moumen qu'elle ouvrit les portes de la ville et permit à Ibn-Caratikîn d'y faire célébrer la prière publique aux noms du khalife abbacide et de Salah-ed-Din. Officier dévoué, il maintint la suprématie de ces princes à Cafsa jusqu'à ce qu'il fut tué par El-Mansour [le souverain almohade] lors de la prise de cette ville.

Revenons maintenant à Ibn-Ghania. Quand Ali-Ibn-Ghanîa arriva à Tripoli, il y trouva Caracoch et prit avec lui l'engagement de se soutenir mutuellement contre les Almohades. Il rallia sous ses drapeaux tous les Arabes soleimides qui s'étaient cantonnés avec leurs troupeaux dans le territoire de Barca, et il eut toujours à se louer du dévouement que cette tribu lui témoigna. Plusieurs fractions de la tribu de Hilal, telles que les Djochem, les Rîah et les Athbedj, embrassèrent aussi sa cause, tant elles détestaient la domination des Almohades; mais les Zoghba se rangèrent du parti de cette dynastie et lui restèrent invariablement fidèles. Les débris des Lemtouna et des Messoufa accoururent de tous les côtés pour soutenir Ibn-Ghanîa et l'aider à consolider son autorité. Ayant établi dans ces contrées la domination de son peuple, il réorganisa l'empire almoravide dont il ressuscita tous les usages. Après avoir pris plusieurs villes du Djerîd et y avoir fait proclamer la suprématie des Abbacides, il envoya son fils auprès du khalife En-Nacer, fils d'El-Mostadi, en le faisant accompagner par son secrétaire, Abd-el-Berr-IbnFerçan, natif d'Espagne. L'objet de cette mission était de solliciter l'appui du khalife et de renouveler à la cour de Baghdad les assurances de fidélité et d'obéissance que les Almoravides du Maghreb n'avaient jamais cessé de lui donner. Le divan répondit à cette communication en accordant à Ibn-Ghanîa tous les priviléges dont ses prédécesseurs avaient joui et en adressant une lettre à Salah-ed-Dîn-Youçof, fils d'Aïoub-el-Ghozzi, souverain de l'Egypte et de la Syrie, qui lui ordonnait de porter secours au prince almoravide. Conformément à cette injonction, Salah-edDîn transmit à Caracoch la recommandation de travailler de concert avec Ibn-Ghanîa, afin de relever en Afrique la suprématie des

Abbacides. Secondé par son allié, Caracoch mit le siége devant Cabes, l'enleva à Saîd-Ibn-Abi-'l-Hacen et en confia le commandement à un de ses affranchis, après y avoir déposé ses trésors. Ayant ensuite appris que Cafsa s'était révolté contre Ibn-Ghanîa, il l'aida à emporter cette place d'assaut. De là, ils allèrent réduire la ville de Touzer.

Quand El-Mansour reçut la nouvelle de ces événements et de l'invasion du Djerîd, il quitta Maroc, l'an 583 (1187-8), afin d'y porter remède et de reprendre les villes que ces chefs avaient conquises. Arrivé à Tunis, où il établit son quartier-général, il envoya l'avant-garde de son armée contre Ibn-Ghania. Ce corps, qui était commandé par deux chefs, le cîd Abou-Youçof-Yacoub, (fils d'Abou-Hafs-Omer, fils d'Abd-el-Moumen) et Omar-IbnAbi-Zeid, personnage de haut rang parmi les Almohades, atteignit Ghomert et livra bataille aux troupes d'Ibn-Ghanîa qui s'étaient portées de ce côté. Dans cette rencontre, les Almohades. essuyèrent une défaite, Ibn-Abi-Zeid y perdit la vie avec beaucoup des siens, et Ali-Ibn-ez-Zoborteir tomba entre les mains de l'ennemi. Les vainqueurs firent un butin immense.

Déjà les avant-coureurs d'Ibn-Ghanîa se montraient aux environs de Tunis quand El-Mansour marcha contre les insurgés et, dans le mois de Châban 583 (oct.-nov. 1187), il les mit en déroute sous les murs d'El-Hamma. Ibn-Ghanîa et Caracoch échappèrent à grand'peine aux dangers qui les entouraient, et les habitants de Cabes, ville où Caracoch avait jusqu'alors commandé à l'exclusion d'Ibn-Ghanîa, s'empressèrent de faire leur soumission au vainqueur et de lui livrer tous les amis de leur ancien maître. El-Mansour envoya ces prisonniers à Maroc et marcha contre Touzer dont les habitants, voyant la déroute des partisans d'Ibn-Ghanîa, reconnurent sans difficulté l'autorité des Almohades. Il tourna ensuite ses armes contre Cafsa, et, l'ayant assiégé jusqu'à ce que la garnison se rendît à discrétion, il passa au fil de l'épée tous les contingents des tribus arabes qui s'y étaient enfermés. Il fit mourir aussi Ibrahîm-Ibn-Caratikîn, mais il pardonna aux autres Ghozz et les renvoya libres. Ayant autorisé les habitants à se gouverner eux-mêmes, il les laissa en

possession de leurs terres, mais à la condition de lui fournir une portion des récoltes Il attaqua ensuite les Arabes, livra au pillage leurs camps et leurs lieux de station, et les contraignit ainsi à faire leur soumission; mais telle fut sa colère contre les Djochem, les Riah et les Acem, tribus qui avaient figuré en prémière ligne pendant cette révolte, qui les déporta en Maghreb.

En l'an 584 (1188-9), El-Mansour reprit le chemin du Maghreb et Ibn-Ghanîa profita de son départ pour recommencer, avec Caracoch, ses courses dans le Djerîd. Il perdit la vie, cette même année, dans une rencontre avec les habitants de. Nefzaoua, ayant été atteint par une flèche lancée au hasard. On l'enterra de ce côté-là, tout en cachant l'emplacement de son tombeau. Selon un autre récit, son corps fut transporté à Maïorque pour y être enterré.

Yahya, fils d'Ishac-Ibn-Mohammed-Ibn-Ghanîa, prit alors le commandement du parti almoravide et maintint avec Caracoch l'alliance offensive et défensive qui avait subsisté entre son frère Ali et ce chef.

En 586 (1190), Caracoch passa aux Almohades et reçut, à Tunis, un très-bon accueil du cîd Abou-Zeid. Quelques jours plus tard, il s'évada furtivement et réussit, par de fausses représentations, à se faire ouvrir les portes de Cabes. A peine maître de cette ville, il en massacra une partie des habitants et, ayant alors invité les chefs des tribus soleimides, les Debbab et les Kaoub, à venir le voir dans le château d'El-Aroucïîn, il les fit mourir au nombre de soixante-dix individus. Parmi ses victimes se trouvèrent Abou-'l-Mehamed-Mahmoud-Ibn-Tauc et Abou-'lDjouari-Hamîd-Ibn-Djaria. Il alla ensuite s'emparer de la ville de Tripoli, et s'étant tourné de là vers le Djerîd, il en soumit la plus grande partie. Une mésintelligence ayant éclaté entre lui et Ibn-Ghania, celui-ci marcha à sa rencontre, mit ses troupes en déroute et le força à se réfugier dans les montagnes. De là, Caracoch s'enfuit vers le Désert et fixa son séjour dans Oueddan; mais, peu de temps après, Ibn-Ghanîa, secondé par un corps d'Arabes debbabiens qui brûlaient de venger la mort de leurs chefs, emporta cette place d'assaut et lui ôta la vie. Le fils de

Caracoch passa aux Almohades et, jusqu'au règne de [Youçof-] el-Mostancer, il continua à habiter la capitale de leur empire. Il s'enfuit alors à Oueddan d'où il fit des courses dans les pays voisins, jusqu'à ce qu'en 656 (1258), il fut assassiné émissaires du roi de Kanem.

par des Revenons encore à Ibn-Ghania et citons les renseignements fournis par Et-Tidjani dans son Rihla. Devenu maître du Djerîd, il força Yacout, affranchi de Caracoch, à lui livrer la forteresse de Torra. De là, Yacout se rendit à Tripoli et, pendant un temps considérable, il y fit une vigoureuse résistance. Ibn-Ghania eut alors recours à son frère Abd-Allah [souverain des Baléares], et ayant obtenu l'envoi de deux navires faisant partie de la flotte de Maïorque, il parvint à s'emparer de la ville. Yacout fut fait prisonnier et envoyé à Maïorque où il resta en détention jusqu'à la prise de cette île par les Almohades.

Nous allons maintenant reprendre l'histoire de Maïorque. Quand Ali-Ibn-Ghanîa partit pour s'emparer de Bougie, il laissa son frère Mohammed et Ali-Ibn-ez-Zoborteir prisonniers dans cette île. Ibn-ez-Zoborteir, sachant que les fils de Ghanîa avaient emmené la majeure partie de la garnison, se mit, du fond de sa prison, à entretenir une correspondance avec quelques habitants de l'île et réussit à les soulever en faveur de Mohammed. Les insurgés envahirent la citadelle et ne renoncèrent aux hostilités qu'après avoir fait mettre en liberté leur ancien émir ainsi qu'Ibn-ez-Zoborteir. Mohammed reprit alors le commandement de l'île et, comme il avait embrassé le parti des Almohades, il se rendit auprès de Yacoub-el-Mansour et emmena Ibn-ez-Zoborteir avec lui. Abd-Allah-Ibn-Ishac [-Ibn-Ghanîa] quitta alors l'Ifrîkïa et obtint, en Sicile, l'appui d'une flotte qui le rendit maître de Maïorque. Il y régnait encore quand son frère Ali lui fit demander des secours afin de pouvoir réduire la ville de Tripoli.

Quant à Yacout, il resta en captivité chez Abd-Allah-IbnIshac jusqu'à la défaite de cet émir par les Almohades en 599 (1202-3). Abd-Allah y perdit la vie et Yacout alla passer le reste de ses jours à Maroc.

Yahya-Ibn-Ghania s'étant emparé de Tripoli y laissa son cou

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