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des bœufs et des moutons contre les objets dont ils avaient besoin. Cet état de choses décida Zîri à battre monnaie. Il fit alors à ses troupes des dons considérables et leur affecta une solde régulière, de sorte que les pièces d'or et d'argent abondaient dans le public. Les peuplades nomades qui fréquentaient les environs consentirent à travailler la terre, et, comme Zîri les protégea contre les Zenata, il entretint ainsi l'inimitié qui régna entre ceux-ci et les Sanhadja.

Ayant confié le commandement d'Achîr à son frère, MakcenIbn-Menad, il partit pour le Maghreb et se présenta devant Djeraoua. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, chef qui gouvernait dans cette ville au nom du prince oméïade, Abd-er-Rahman-[en-Nacer-] Ibn-Mohammed, souverain de Cordoue, vint au-devant de lui avec un riche cadeau, composé de belles esclaves et d'autres objets; puis, il lui adressa ces paroles : « Monseigneur! j'ai >> consenti à gouverner au nom des Oméïades dans le seul but » de me faire respecter des Zenata; et, puisque Dieu a amené >> cette rencontre en vous conduisant ici, je me déclare votre » allié et votre serviteur dévoué. D'ailleurs, vous êtes mon >> voisin et nous savons que l'épée du voisin est plus à >> redouter que celle de l'homme qui demeure au loin ! »> Zîri l'accueillit avec bienveillance et lui dit : « Si jamais un danger >> te menace, écris-moi et j'enverrai mes troupes à ton se

» cours.>>

Dans la suite, Mouça se plaignit à Zîri de la tribu de Ghomara: « C'est, disait-il, une race impie qui profane les choses les plus » sacrées. Il vient de s'élever chez elle un faux prophète qui y >> enseigne une doctrine abominable. » Ziri marcha donc avec lui contre les Ghomara et fit prisonnier l'homme qui se donnait pour prophète. Ce malheureux fut conduit à Achîr et interrogé par une commission de jurisconsultes : « Si tu es prophète, lui » dirent-ils, montre-nous la preuve de ta mission. » << Mon » nom, répondit-il, est écrit dans le Coran. » - « Et quel est >> ton nom? » — « Je m'appelle Ha-mim; mon père se nommait » Menn-Allahi (don de Dieu) et nous lisons dans le Coran : » Ha-mim (est) la révélation du livre de la part de Dieu

>>

» (min-Allahi), le puissant, le sage1. » Ces docteurs le déclarèrent digne de mort et le livrèrent au bourreau 2.

Une étroite amitié, dit notre historien, régna entre Zîri et [le khalife fatemide] El-Caïm. Elle cut pour cause la conduite de Zîri pendant que la ville d'El-Mehdïa fut bloquée par AbouYezîd. Ayant alors reçu d'El-Caïm une lettre dans laquelle ce prince lui exposa que les habitants souffraient toutes les horreurs. de la disette, il y expédia cent charges de blé, escortées par deux cents cavaliers sanhadjiens et cinq cents esclaves nègres. Ce convoi pénétra dans El-Mehdïa, et El-Caïm en ́témoigna sa gratitude à Zîri eu lui expédiant un cadeau dont la richesse surpassa toute idée et qui se composa, entr'autres choses, d'étoffes magnifiques, de chevaux de race et de selles ornées de pierreries.

▲ Coran, sourate, XL, verset 1.

• Comparez ceci avec le récit d'Ibn-Khaldoun, p. 143 de ce volume.

FIN DE L'EXTRAIT,

II.

HISTOIRE DES FATEMIDES.

Par Ibn-Khaldoun.

INTRODUCTION.

L'établissement de la dynastie des Fatemides fut le premier triomphe des Ismaïliens, l'une des nombreuses sectes hérétiques qui naquirent de bonne heure dans le sein de l'islamisme. Chiites, ou partisans, de la famille d'Ali, ils avaient pris les armes pour faire valoir le principe de l'hérédité du khalifat dans la descendance du gendre de Mahomet. Les chapitres suivants, renfermant une esquisse de l'histoire des quatre premiers khalifes fatemides, sont tirés de la partie encore inédite du grand ouvrage d'IbnKhaldoun et offrent de bons renseignements; mais, pour être lus avec avantage, ils exigent une certaine connaissance de la nature du khalifat et du caractère des sectes chïîtes. La notice que nous donnons ici, et dont nous avons emprunté les matériaux aux Prolégomènes de notre auteur et à d'autres ouvrages, fournira au lecteur les indications. dont il pourra sentir le besoin.

DU KHALIFAT ET DES SECTES CHÏÎTES.

Les empires, dit Ibn-Khaldoun dans ses Prolégomènes, naissent de la nécessité où se trouvent les hommes de vivre en société. Il y a trois espèces d'empires: le despotisme (molk), le gouvernement réglé par des lois (sïaça), et le khalifat (khilafa). Dans le premier, le peuple travaille pour accomplir les projets et satisfaire les caprices d'un seul individu; dans le second, il agit d'après certaines prescriptions établies par la raison humaine en vue des intérêts matériels seulement; dans le troisième, il obéit à une loi promulguée par un législateur ayant une mission. divine, loi par laquelle le bonheur des hommes est assuré dans la vie future ainsi que l'accessoire de ce bonheur, leur bienêtre dans ce monde-ci. Le droit de faire exécuter la loi révélée appartient au législateur et ensuite à ses successeurs ou khalifes.

Le mot khalifat signifie lieutenance; le khalife est lieutenant du législateur, revêtu de l'autorité spirituelle et temporelle; son devoir est de maintenir la religion et de l'employer pour gouverner le monde. Son titre est khalife du Prophète de Dieu; celui de khalife ou lieutenant de Dieu ayant été rejeté par AbouBekr et ne pouvant soutenir l'examen de la raison en effet, lieutenance suppose l'absence du chef; or, Dieu est présent par

tout et à tout instant.

Le titre d'Émir-el-Moumenin (commandant des croyants) appartient exclusivement au khalife. L'usage en fut introduit lors de l'avènement d'Omar : à l'exemple de son prédécesseur, Abou-Bekr, qui avait adopté le titre de khalife du Prophète de Dieu, Omar voulut d'abord prendre celui de khalife du khulife du Prophète de Dieu, mais, trouvant que cette formule renfermait une répétion incommode, répétition qui, avec l'avènement de chaque nouveau khalife, devrait s'augmenter par l'addition du même terme, il choisit pour lui et pour ses successeurs le titre d Emir-el-Moumenîn.

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