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bagages et troupeaux. Dans cette rencontre, il tua beaucoup de monde et fit de nombreux prisonniers. Il délivra alors de leurs mains le cîd Abou- Zeid et rentra triomphant au camp qu'En-Nacer avait établi sous les murs d'El-Mehdia. La garnison de cette place fut atterrée en voyant arriver Abou-Mohammed avec tant de butin et de captifs, et, cédant au désespoir, elle s'empressa de capituler. Cette conquête achevée, En-Nacer repartit pour Tunis où il passa une année entière. Ce fut vers le milieu de l'an 603 (commencement de 1207) qu'il se décida à quitter cette ville. Pendant le séjour qu'il y avait fait, son frère, le cîd Abou-Ishac, qu'il avait chargé de poursuivre les rebelles et de mettre un terme à leurs dévastations, soumit les pays situés derrière Tripoli, châtia les Beni-Demmer, les Matmata et les Nefouça, menaça les territoires de Sort et de Barca et s'avança jusqu'à Soueica-Ibn-Metkoud. Ibn-Ghanîa s'enfuit dans le désert de Barca et, pendant quelque temps, il ne fit plus parler de lui. Le cîd reprit alors la route de Tunis.

En-Nacer, voyant enfin son autorité établie en Ifrîkïa, étendit sur les habitants de ce pays l'abri de sa protection et fit ses préparatifs pour rentrer en Maghreb. Convaincu qu'après son départ, Ibn-Ghanîa ne manquerait pas d'y faire irruption et que cette province ne pourrait jamais recevoir de prompts secours à cause de la distance qui la séparait de Maroc, il sentit la nécessité d'y laisser un homme habile en qualité de lieutenant et de viceroi. Son choix s'arrêta sur Abou-Mohammed, fils du cheikh AbouHafs, officier que la dynastie d'Abd-el-Moumen aurait difficilement négligé, vu la haute position qu'il occupait, ainsi que son père, dans l'empire des Almohades. Il s'était aussi rappelé que la cause de sa famille n'aurait jamais triomphée sans l'appui du cheikh Abou-Hafs, et que son propre père, El-Mansour, l'avait nonseulement recommandé, lui et ses frères, à la protection d'AbouMohammed, mais qu'il avait toujours chargé ce cheikh de présider à la prière du matin quand il se voyait lui-même empêché de remplir ce devoir. Mu par ces considérations, auxquelles d'autres circonstances venaient d'ajouter un nouveau poids, il fit prévenir Abou-Mohammed de ses intentions et eut ensuite un

entretetien avec lui afin de vaincre son hésitation et le décider à accepter la charge importante qu'il lui destinait. Dans cette confèrence, Abou-Mohammed pria avec instance d'être dispensé d'une telle mission; mais, ayant ensuite reçu la visite de Youçof, fils d'En-Nacer, qui vint le solliciter de la part de son père, il se considéra tellement honoré par cette marque de condescendance qu'il donna son consentement à ce qu'on lui demandait. Il y mit, cependant, les conditions suivantes : qu'au bout de trois ans, quand il aurait rétabli l'ordre dans l'Ifrîkïa, il lui serait permis de rentrer en Maghreb; qu'il choisirait lui-même ses officiers parmi les chefs almohades et qu'il devait exercer, sans contrôle, le droit de nommer et de destituer les fonctionnaires publics. Ces conditions ayant été acceptées, on le proclama gouverneur de l'Ifrikïa et l'on dressa, au milieu des Almohades, l'étendard de son antorité. En-Nacer partit alors pour le Maghreb, et Abou-Mohammed, qui l'avait accompagné jusqu'à Bedja, rentra à Tunis et y tint une séance solennelle en qualité de gouverneur. Cette céromonie eut lieu dans la citadelle, le samedi, 10 choual 603 (mai 1207). Il prit ainsi en main le haut commandement et choisit pour secrétaire d'état Abou-Abd-Allah-MohammedIbn-Ahmed-Ibn-Nakhîl.

Peu de temps après ces événements, Ibn-Ghanîa reparut dans les environs de Tripoli, rassembla ses amis et partisans, les Arabes soleimides et hilaliens, ainsi que les Douaouida commandés par Mohammed, fils de Masoud-el-Bolt, et reprit le cours de ses brigandages. En l'an 604 (1207-8), Abou-Mohammed marcha contre lui à la tête des troupes almohades, et, soutenu par les Mirdas et les Allac, tribus soleimides de la branche des Beni-Auf qu'il avait attirés dans son parti, il s'avança jusqu'à Chebrou et livra bataille aux insurgés. Dans cette journée, les deux armées déployèrent une grande bravoure ; mais, vers le soir, les troupes d'Ibn-Ghanîa reculèrent en désordre. Un riche butin devint la proie des Almohades et de leurs alliés arabes, qui s'étaient tous précipités à la poursuite des fuyards. Ibn-Ghanîa fut blessé dans ce conflit et courut se réfugier dans le fond du Désert, sa retraite ordinaire. Abou-Mohammed rapporta à Tunis le butin

qu'il venait d'enlever et, dans une dépêche qu'il écrivit à EnNacer pour lui annoncer cette victoire, il demanda la permission de quitter son commandement, ainsi que cela avait été convenu. Le prince lui répondit par des remercîments et lui déclara qu'étant préoccupé de la position des affaires dans le Maghreb, il ne pouvait pas lui donner un successeur, mais qu'il y penserait plus tard. Avec cet écrit, il lui envoya une somme d'argent, des chevaux et des robes pour être distribués aux plus dignes. Il y avait deux cent mille pièces d'or, mil huit cents robes, trois cents épées, cent chevaux et beaucoup d'autres objets qu'on lui avait expédié de Ceuta et de Bougie. Ce don fut accompagné de la promesse d'un autre. La lettre d'envoi portait la date de 605 (1208-9).

Abou-Mohammed resta donc à son poste et eut plusieurs rencontres avec Yahya[-Ibn-Ghanîa] le maïorcain, ainsi que nous allons le raconter.

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DÉFAITE DES ALMOHADES A TÈMERT. ABOU-MOHAMMED RÉPARE CET ÉCHEC ET REPREND LE BUTIN SUR l'ennemi.

Echappé de Chebroa, Ibn-Ghanîa prit le parti de se rendre au milieu des tribus zena tiennes de la province de Tlemcen, et il s'y présenta au moment même où le cîd Abou - Amran - Mouça ', fils de Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, était arrivé de Maroc pour y prendre le commandement. Le nouveau gouverneur venait de sortir de Tlemcen afin de rétablir l'ordre dans le pays des Zenata et faire rentrer leurs impôts et contributions quand il reçut une dépêche par laquelle le cheikh Abou-Mohammed lui annonçait qu'il s'était mis à la poursuite du chef almoravide et lui recommandait de se tenir sur ses gardes, tout en évitant de risquer un combat. Abou-Amran méprisa ce conseil et se rendit à Tèhert où il fut attaqué à l'improviste par Ibn-Ghania. Ses Almohades prirent la fuite, ses alliés zena tiens coururent s'enfermer dans

Les manuscrits et le texte imprimé portent, à tort, Ibn-Mouça.

T. H.

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leurs forteresses et il succomba lui-même sur le champ de bataille. La ville de Tèhert fut mise au pillage et, depuis cette époque, elle est restée sans habitants. Les vainqueurs reprirent alors la route de l'Ifrîkïa, chargés de butin et traînant à leur suite une foule de prisonniers; mais, ayant été attaqués à....1 par les troupes du cheikh Abou-Mohammed, ils perdirent tout ce qu'ils avaient enlevé. Beaucoup d'Almoravides périrent dans cette rencontre et le reste chercha un refuge dans la province de Tripoli. Nous dirons plus loin ce qui leur arriva.

DÉFAITE DES ARABES ET DES ALMORAVIDES A NEFOUÇA..

Après avoir essuyé une défaite à Chebrou et s'être laissé enlever Tèhert par Abou-Mohammed, Ibn-Ghanîa se réfugia dans la province de Tripoli où il parvint à rallier les débris de l'armée almoravide. L'arrivée de ses alliés arabes et la coopération des Douaouida et de leur chef, Mohammed-Ibn-Masoud, qui avaient toujours été au premier rang dans ses batailles 2, dissipèrent alors tous ses soucis. A la suite d'un conseil dans lequel on décida la reprise des hostilités, ses partisans firent serment de combattre les Almohades, sans fléchir ni reculer, et ses émissaires coururent de tous côtés pour rassembler les Arabes nomades. Une foule de guerriers appartenant à diverses tribus, telles que les Riah, les Zoghb, les Cherîd, les Auf, les Debbab et les Nefath vinrent le rejoindre, afin d'envahir l'Ifrîkïa. Voulant prévenir leur dessein, Abou-Mohammed quitta Tunis, l'an 606 (1209-10), et marcha rapidement à leur rencontre. Les deux armées en vinrent aux mains près du Mont-Nefouça et engagèrent le combat avec un acharnement extrême. Pendant que la bataille s'échauffait, Abou-Mohammed fit dresser ses tentes et

4 L'auteur a laissé en blanc le nom de la localité.

2 Dans le texte arabe, il faut lire mewakifihi à la place de mowakefeta. On effectue cette correction en supprimant les deux points qui couronnent la dernière lettre du mot.

pavillons. Quelques fractions de la tribu d'Auf- Ibn-Soleim passèrent alors de son côté, et, par cette défection, elles jetèrent le désordre dans les rangs d'Ibn-Ghanîa. Les Almohades chargèrent alors et poursuivirent l'ennemi jusqu'à ce que les ombres de la nuit l'eurent dérobé à la mort. Un butin immense et une foule de prisonniers tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Les Arabes avaient fait prendre les devants aux chameaux qui portaient leurs femmes, afin d'en faire un centre de ralliement et d'avoir sous leurs yeux les objets les plus chers à leur honneur ; mais toute cette caravane fut enlevée par les Almohades. Un nombre immense d'Almoravides, de Zenata et d'Arabes resta sur le champ de bataille, et parmi les morts on compta Abd-AllahIbn-Mohammed-Ibn-Masoud-el-Bolt, chef des Douaouida, son cousin Haracat-Ibn-Abi-'s-Cheikh-Ibn-Açaker, chef des Corra, Djerrar-Ibn-Ouîghern 2, chef des Maghraoua, Mohammed, fils de Ghazi-Ibn-Ghanîa, et plusieurs autres personnages distingués. Pendant que Yahya-Ibn-Ghanîa opérait sa retraite, le désespoir dans l'âme, après avoir vu la ruine de sa puissance et la destruction de son armée, Abou-Mohammed ramena à Tunis ses Almohades victorieux et triomphants. Par ce succès, il raffermit sa puissance en Ifrîkïa et fit disparaître jusqu'aux dernières semences de rebellion qui avaient germé dans ce pays. Dès lors, l'impôt sa paya régulièrement, les combats devinrent plus rares et aucun échec ne fit reculer ses drapeaux.

Youçof-el-Mostancer, fils et successeur d'En-Nacer, était encore si jeune que le grand conseil des cheikhs almohades dut se charger du gouvernement de l'empire, et l'on était alors tellement préoccupé du progrès des Mérinides en Maghreb qu'il fallut laisser aux soins d'Abou-Mohammed le commandement de l'Ifrîkïa. Plein de confiance dans l'habileté de chef, qui s'était également distingué comme administrateur et comme général, on lui conserva sa place et on lui envoya régulièrement assez d'argent pour subvenir à toutes ses dépenses et à la solde de l'armée.

1 Il voulut montrer son intention de ne pas reculer. V. p. 295, 1. 42. 2 Le texte arabe porte Ouighzen.

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