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mouda virent disparaître de chez eux les derniers restes dur pouvoir souverain et se soumirent au gouvernement des BeniMerîn. Cette dynastie leur donna alternativement pour chefs des membres de leurs grandes familles. Le sultan [que nous venons de nommer] fut à peine monté sur le trône qu'il choisit Mouça, fils d'Ali-Ibn-Mohammed, pour remplir, chez les Hintata, les fonctions de gouverneur et de collecteur de l'impôt, et, en lui expédiant les titres de cet office, il lui assigna pour résidence la ville de Maroc. Mouça remplit avec une grande habileté les devoirs de sa place et s'y établit de manière à pouvoir la transmettre en héritage à ses enfants. Par cette conduite habile, il procura à ses descendants une position dans l'empire qui leur permit de passer au rang de gouverneur de province et de

vizir.

Après la mort de Mouça, son frère Mohammed reçut du sultan le commandement des Hintata et continua, toute sa vie, à jouir des avantages concédés à son prédécesseur. Il mourut, laissant plusieurs enfants que le sultan attacha à son service et dont l'un, nommé Amer-Ibn-Mohammed, obtint du même prince le gouvernement de la tribu. Quand le sultan Abou-'l-Hacen partit pour envahir l'Ifrikïa, il emmena dans sa suite tous les grands officiers du royaume et, avec eux, Amer et les autres émirs masmoudiens. En 749 (1348), après le désastre de Cairouan, le sultan lui donna le commandement des gardes de police à Tunis, grade qui, d'après l'organisation de l'empire almohade, comportait avancement et augmentation de traitement. Jouissant, dans cette position, de toute la confiance du monarque, il en remplit les devoirs avec tant de zèle et d'intelligence que son maître n'eut plus à s'occuper des affaires de cette capitale. Abou-'lHacen, s'étant embarqué à Tunis avec sa famille, confia aux soins d'Amer la plus grande partie de son harem. Le même coup de vent qui fit échouer son navire, poussa celui d'Amer au port d'Almeria, ville forte de la péninsule espagnole. Le chef hintatien y débarqua avec ces femmes, et, lorqu'Abou-Einan, qui venait d'usurper l'autorité suprême en Maghreb au détriment de son père, le sultan Abou-'l-Hacen, les fit réclamer, il se montra

digne de la confiance que son souverain lui avait témoignée et refusa de les livrer. En 750, Abou-'l-Hacen, étant échappé du naufrage, arriva dans Alger d'où il marcha contre les Beni-Abdel-Ouad. Ses troupes furent mises en déroute, et il prit alors le chemin du Désert pour se rendre en Maghreb. Arrivé à Sidjilmessa, il apprit qu'Abou-Einan marchait contre lui, et, voulant éviter sa rencontre, il partit pour Maroc. Après avoir rallié à sa cause les Masmouda et les Arabes Djochem, il livra bataille à son fils, Abou-Einan, auprès de l'Omm-Rebiâ. Trahi encore par là fortune, il passa dans la montagne des Hintata et trouva asile au milieu de la tribu d'Abd-el-Azîz-Ibn-Mohammed, chef qui la gouvernait en l'absence de [son frère] Amer et qui, après avoir suivi le sultan dans cette dernière expédition l'avait accompagné dans sa fuite. Les Hintata et leur chef prirent la résolution de défendre Abou-'l-Hacen jusqu'à la dernière extrémité et se retranchèrent dans leur montagne pendant qu'Abou-Einan marchait sur Maroc à la tête des Mérinides. Abou-Einan resta quelques mois dans son camp, sous les murs de cette ville, pendant que les contingents fournis à son armée bloquaient la montagne, et, au bout de ce temps, Abou-'l-Hacen mourut, ainsi que nous le raconterons ailleurs. Les partisans de ce malheureux sultan placèrent son corps sur un brancard et le portèrent à AbouEinan auquel ils se rendirent à discrétion. Loin de les punir, ce prince les combla d'honneurs, témoignant ainsi la haute satisfaction que lui avait causé leur devouement envers son père; il accorda même à Abd-el-Azîz le commandement des Hintata.

Amer, le frère aîné d'Abd-el-Azîz, quitta alors la ville d'Alméria sur l'invitation d'Abou-Einan et se rendit auprès de lui avec les femmes que le feu sultan lui avait confiées. L'accueil le plus bienveillant et le plus honorable l'attendit à la cour; comblé de marques d'égards par le souverain mérinide, il obtint de nouveau le commandement de sa tribu, et, comme son frère sétait démis en sa faveur, il le choisit pour lieutenant.

En l'an 754 (1353), le sultan nomma Amer au commandement de toutes les tribus masmoudiennes et le chargea de percevoir les impôts que ces peuplades devaient fournir au gouvernement.

Amer s'acquitta avec une grande habileté des devoirs que lui imposait cet emploi et mérita les remercîments du sultan par le soin et le talent avec lesquels il dirigea, à lui seul, l'administration financière des provinces marocaines.

A la mort d'Abou-Einan et à l'avènement de son fils Es-Said, le vizir El-Hacen-Ibn-Omar-el-Foudoudi accapara toute l'autorité. Amer, dont la haute position avait excité la jalousie de ce ministre et qui en craignait le caractère violent, quitta Maroc avec El-Motamed, autre fils d'Abou-Einan, et se réfugia dans la montagne des Hintata. Ce fut très-peu de temps avant la mort d'Abou-Einan qu'El-Motamed, encore dans l'adolescence, reçut de lui l'autorisation de gouverner Maroc sous le contrôle et la surveillance d'Amer le hintatien.

En l'an 760 (1359), lorsque le sultan Abou-Salem, oncle d'ElMotamed, monta sur le trône du Maghreb, Amer se rendit auprès de lui, à la tête d'une députation, et lui présenta Mohammed-elMotamed. Accueilli avec une bienveillance extrême et comblé de remercîments à cause de sa fidélité, il passa quelque temps à la cour et obtint sa confirmation dans le commandement des Hintata. Appelé ensuite à faire partie de l'expédition contre Tlemcen, il amena au sultan un corps de troupes et se fixa à la cour. Peu de temps avant la mort d'Abou-Salem, il reçut l'ordre de s'en retourner à son poste. Quand Omar-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Ali s'empara de l'administration du Maghreb, Amer embrassa le parti de ce vizir qui lui avait toujours témoigné beaucoup d'amitié. Voulant alors reconnaître les prévenances dont ce ministre l'avait toujours comblé pendant son séjour auprès du sultan, il se chargea de maintenir l'ordre dans les provinces marocaines et d'empêcher toutes les tentatives que l'on pourrait essayer de ce côté contre la sûreté de l'empire. Son dévouement au vizir lui mérita le commandement de ces provinces et de toutes les contrées voisines jusqu'à l'Omm-Rebiâ, de sorte que le territoire de l'empire se trouva partagé entre ces deux chefs. Quelque temps après cet arrangement, Abd-el-Moumen, fils d'Abou-Ali, sultan [de Sidjilmessa], et Abou-'l-Fadl, fils du sultan Abou-Salem, passèrent chez Amer- Ibn-Mohammed. Le premier de ces princes

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y trouva une prison, mais Abou-'l-Fadl obtint du chef hintatien le gouvernement de Maroc, ainsi que nous aurons à le raconter plus tard. Une mésintelligence étant alors survenue entre Amer et le vizir, celui-ci rassembla les Mérinides et les autres troupes, afin de combattre son adversaire; mais, à peine eut-il quitté la ville de Fez, qu'Amer se jeta dans la montagne des Hintata, son lieu de retraite ordinaire, et y emmena les deux princes. Il mit alors Abd-el-Moumen en liberté et s'en fit un drapeau dans l'espoir d'attirer les Mérinides de son côté, car il croyait qu'ils étaient mécontents de voir leurs souverains exclus des affaires par des vizirs et qu'ils verraient avec plaisir ce prince monter sur le trône. Son espoir fut trompé : les Mérinides se tinrent à l'écart, sachant qu'Abd-el-Moumen n'était qu'un instrument entre ses mains. La paix se fit enfin, et chacun des deux chefs conserva une moitié de l'empire comme auparavant. Omar rentra dans son gouvernement et Amer reprit le commandement qu'il avait exercé à Maroc et dans les provinces qui en dépendent.

Quand Abd-el-Azîz, fils du sultan Abou-'l-Hacen, ôta la vie à [son vizir] Omar-Ibn-Abd-Allah, [son neveu] Abou-'l-Fadl, fils du sultan Abou-Salem, conçut la pensée de faire subir le même sort à son vizir Amer-Ibn-Mohammed. Celui-ci, averti du danger, partit avec ses femmes et atteignit sa maison dans la montagne des Hintata. Abou-'l-Fadl fit alors mourir son parent, Abd-elMoumen, que l'on retenait prisonnier à Maroc. Amer fut tellement indigné de ce forfait qu'il envoya une ambassade au sultan Abd-el-Azîz. Cette mission eut pour résultat que ce monarque partit de Fez, l'an 769 (1367-8), à la tête de ses troupes, qu'il poursuivit Abou-'l-Fadl jusqu'à Tedla, le fit prisonnier et lui ôta la vie. Nous parlerons ailleurs de ces événements. Amer fut alors invité à se présenter à la cour; mais, craignant les intentions du sultan, il resta dans sa montagne. Abd-el-Azîz, étant rentré à Fez, forma la résolution de faire attaquer ce chef et nomma Ali-Ibn-Addjana, un ancien serviteur de sa famille, au gouvernement de Maroc, lui ordonnant de le bloquer dans la montagne. Amer et ses Hintata repoussèrent le général d'Abd-el-Azîz à la

suite d'un combat dans lequel il fit prisonnier plusieurs Mérinides et quelques clients du sultan. Cette défaite piqua le monarque au vif et le décida à marcher en personne contre ce chef réfractaire. Soutenu par les Mérinides et les contingents maghrebins, il tint son adversaire cerné pendant une année entière et, en 771 (1370), il parvint à disperser les bandes hintatiennes et à envahir la montagne. Amer fut conduit prisonnier devant le sultan qui le fit mettre aux fers et amener à la capitale. La même année, au commencement du mois de Choual, Abd-el-Azîz célé– bra la fête de la rupture du jeûne, et, après avoir fait venir Amer en sa présence, il lui reprocha sa conduite et donna l'ordre de le traîner à la place des exécutions. Amer y fut déchiré à coups de fouet jusqu'à ce qu'il rendit le dernier soupir. Que Dieu lui fasse miséricorde!

Le sultan donna alors le commandement des Hintata, à Farès (fils d'Abd-el-Azîz et neveu d'Amer,) qui avait passé aux Mérinides un peu avant la mort de son oncle. Abou-Yahya, fils d'Amer, avait suivi le conseil de son père et fait sa soumission avant la prise de la montagne; aussi, obtint-il du vainqueur grâce entière et la permission d'entrer au service de l'empire. Farès mourut quelque temps après.

La mort du sultan Abd-el-Azîz, événement qui eut lieu en 774 (1372), ralluma la guerre civile en Maghreb, et la province de Maroc passa sous la domination du sultan Abd-er-Rahman, fils d'Abou-Ifelloucen-Ali et petit-fils du sultan Abou-Ali. A cette époque, Abou-Yahya, fils d'Amer, embrassa le parti de ce prince et obtint de lui le commandement des Hintata. Averti, quelque temps après, qu'on le soupçonnait d'avoir détourné, du vivant même de son père, plusieurs sommes provenant des impôts et que le sultan se disposait à lui faire rendre gorge, il se réfugia au milieu des tribus masmoudiennes de la province de Sous et y passa le reste de ses jours. Il mourut entre les années 780 (1378-9) et 790.

Les Guedmioua. Cette tribu prenait rang à la suite des Hintata et des Tînmelel. La montagne qu'elle habite est située

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