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plir [la terre] de justice autant qu'elle est maintenant remplie d'iniquités, etc.

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On lui attribua aussi les vers suivants :

Va dire aux enfants d'Abd-el-Moumen-Ibn-Ali de s'attendre à une grande catastrophe.

·Le seigneur, l'agent [de la tribu] de Cahtan, est venu! lui qui est l'accomplissement de la prédiction, le vainqueur des dynasties.

Les hommes obéissent à son bâton, pendant que lui, cet océan de science et d'action, les pousse devant lui par le pouvoir de commandement et de prohibition.

Hátez-vous d'embrasser sa cause; Dieu le soutient; Dieu qui renverse les projets des hommes égarés et des impies!

Un corps de troupes, envoyé par En-Nacer pour étouffer ce mouvement, dispersa les partisans du rebelle et lui ôta la vie. Sa tête fut envoyée à Maroc et exposée aux regards du public.

RÈGNE D'EL-MOSTANCER, FILS D'EN-NACER.

Au commencement de l'an 611 (1214), après la mort de Mohammed-en-Nacer, son fils Youçof fut proclamé souverain sous le titre d'El-Mostancer-Billah (qui compte sur le secours de Dieu). Comme il n'avait que seize ans, le vizir Ibn-Djamê et le corps des cheikhs almohades prirent sur lui un tel ascendant qu'ils s'emparèrent de la direction des affaires publiques. AbouMohammed le hafside, gouverneur de l'Ifrîkïa, refusa d'envoyer ses hommages à un khalife trop jeune, selon lui, pour régner, mais il céda aux instances d'Ibn-Djamê et d'Abd-el-Azîz-IbnAbi-Zeid, ministre des finances, et transmit, enfin, à la cour de Maroc l'assurance de son dévouement.

Entraîné par l'ardeur de la jeunesse, El-Mostancer se livra aux plaisirs et négligea tout-à-fait l'administration de l'état. Il confia aux princes de la famille royale le commandement de ses provinces; au cîd Abou-Ibrahîm [-Ishac-] Ed-Daher (le victorieux), frère d'El-Mansour et père d'El-Morteda, il donna le gouverne

ment de Fez, et, à son oncle, le cîd Abou-Ishac-el-Ahouel (le louche), celui de Séville.

Le roi Alphonse, après avoir enlevé aux Almohades les forteresses dont ils s'étaient emparés et culbuté les troupes qui gardaient la frontière musulmane, chargea Ibn-el-Fakkhar d'une mission pour la cour de Maroc. L'arrivée de cet envoyé procura à Ibn-Djamê l'occasion de négocier et de conclure avec le monarque chrétien un traité de paix.

La mort d'[Abd-el-Azîz-]Ibn-Abi-Zeid offrit à Abou-Zeid-IbnYouwoddjan le moyen de faire enlever le vizirat à Ibn-Djamê; on confia les fonctions de cet office à Abou-Yahya-el-Hezerdji, et on transféra l'administration des finances à Abou-Ali-IbnAchrefi. Quelque temps après, Ibn-Djamê rentra en faveur et recouvra sa place. Abou-Saîd, fils d'El-Mansour, reçut le commandement de Tlemcen en remplacement d'Abou-Zeid-IbnYouwoddjan, qui fut envoyé à Murcie pour y rester prisonnier.

Les jours d'El-Mostancer se passèrent dans la paix et la tranquillité jusqu'en l'an 613 (1216), quand les Beni-Merîn se montrèrent, aux environs de Fez, pour la première fois. Le cîd Abou-Ibrahim, gouverneur de cette ville, marcha contre eux, à la tête d'un corps almohade, et essuya une défaite. Il tomba luimême au pouvoir de ces nomades; mais, en ayant été reconnu, il fut remis en liberté.

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On reçut ensuite la nouvelle qu'Abou-Mohammed le hafside, gouverneur de l'Ifrikia, avait cessé de vivre. Le cfd Abou-'lOla, frère d'El-Mansour, ex-gouverneur de Séville, dut alors aux efforts d'Ibn-Mothenna, favori du sultan, son rappel de l'Espagne et sa nomination au gouvernement de l'Ifrîkïa. Il se rendit à sa nouvelle destination, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Hafsides.

[Vers cette époque], un membre de la famille d'Obeid-Allah [le fatemide], descendant d'El-Aded [le dernier khalife de cette dynastie], prit le titre de Mehdi et se montra dans la province de Fez; mais, ayant été trahi par ses partisans, auxquels le cîd Abou-Ibrahim, frère d'El-Mansour, avait fait passer de l'argent, il fut livré à ce prince et mis à mort.

En l'an 619 (1222), El-Mostancer transféra son oncle AbouMohammed-el-Adel du gouvernement de Grenade à celui de

Murcie.

Nous allons maintenant faire le récit des troubles qui eurent lieu dans l'empire des Almohades, après la mort d'El-Mostancer.

RÈGNE D'ABD-EL-OUAHED-EL-MAKHLOUÊ [LE DÉPOSÉ], FRÈRE

D'EL-MANSOUR.

Le 40 de dou-'l-hiddja 620 (janvier 1224) eut lieu la mort d'El-Mostancer. L'assemblée des cheikhs almohades, présidée par Ibn-Djamê, annonça alors l'avènement du cîd Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, frère d'El-Mansour, et lui prêta le serment de fidélité.

Le nouveau souverain commença son règne par faire rendre gorge à Ibn-Achrefi et par adresser à son frère, Abou-'l-Ola, un brevet de confirmation dans le gouvernement de l'Ifrîkïa, charge qu'El-Mostancer avait donné l'ordre de lui enlever. Quand ce document arriva à son adresse, Abou-'l-Ola venait de mourir, et ce fut son fils, Abou-Zeid-el-Mochemmer, qui prit le commandement. Nous parlerons encore de ceci dans la notice [des Hafsides] de l'Ifrîkïa.

Le sultan expédia ensuite à Murcie l'ordre de mettre en liberté Ibn-Youwoddjan, et quand Ibn-Djamê chercha à le détourner

1 Selon l'auteur du Cartas, El-Mostancer fut tué par une vache qui lui donna un coup de corne. Il se plaisait à élever des bœufs de race espagnole et des chevaux qu'il faisait paître dans une vaste prairie aux environs de Maroc. Ce fut en parcourant ce lieu que lui arriva l'accident dont il mourut.

Au commencement de son règne, il laissa gouverner l'état par ses parents et par les grands chefs almohades; mais, ensuite, il les remplaça par des gens qui ne jouissaient d'aucune considération, et s'abandonna entièrement aux plaisirs. Dès lors, chaque gouverneur de ville et de province agissait à sa fantaisie, sans avoir égard aux ordres du ministre, preuve évidente que la dynastie almohade entrait dans son déclin.

de ce projet, le prisonnier était déjà élargi. Le sultan El-Mostancer, avant de mourir, avait résolu de faire déporter IbnYouwoddjan en Maïorque, et Ibn-Djamê venait d'envoyer son frère, Abou-Ishac, avec la flotte pour exécuter cette commission quand il eut connaissance de la fausse démarche d'Abd-elOuahed.

Abou-Mohammed-Abd-Allah, fils d'El-Mansour et gouverneur de Murcie, commença alors à prêter l'oreille aux suggestions d'Ibn-Youwoddjan qui le poussait à s'emparer du trône, en lui représentant que rien ne lui serait plus facile. Il lui disait aussi qu'il l'avait entendu désigner par El-Mansour comme devant succéder au khalifat après En-Nacer; que le peuple était mal disposé pour Ibn-Djamê et que les gouverneurs des provinces espagnoles étaient tous fils d'El-Mansour [et peu satisfaits, par conséquent, du nouvel ordre des choses]. Comme ce prince avait hésité, jusqu'alors, de reconnaitre la souveraineté de son oncle, il écouta volontiers les conseils d'Ibn-Youwoddjan et se fit proclamer khalife sous le titre d'El-Adel (le juste). Déjà ses frères, Abou-'l-Ola, gouverneur de Cordoue, Abou-'l-Hacen, gouverneur de Grenade, et Abou-Mouça, gouverneur de Malaga, lui avaient prêté, en secret, le serment de fidélité. Un autre personnage éminent, qu'il rallia à son parti, fut le gouverneur de Jaen, Abou-Mohammed-el-Baïaci (natif de Baéça), fils d'AbouAbd - Allah - Mohammed, petit-fils d'Abou - Hafs et arrièrepetit-fils d'Abd-el-Moumen. El-Baïaci s'était décidé à cette démarche, en apprenant que son oncle, Abou-'r-Rebiâ-IbnAbi-Hafs, avait été nommé au gouvernement de Jaen par Abdel-Ouahed-el-Makhlouê. Après avoir effectué sa jonction avec Abou-'l-Ola, gouverneur de Cordoue, Abou-Mohammed-el-Baïaci marcha sur Séville où il gagna encore l'appui d'Abd-el-Azîz, frère d'El-Mansour et d'El-Makhlouê. Quant au cîd Abou-Zeid, fils d'Abou-Abd-Allah et frère d'El-Baïaci, il refusa de coopérer

Petit-fils de Youçof, selon le Cartas.

2 Dans le texte arabe, l'auteur a écrit, par erreur, akhi à la place d'akhou.

à la révolte et garda sa fidélité envers le souverain de Maroc. ElAdel partit alors de Murcie et fit, avec Ibn-Youwoddjan, son entrée à Séville.

Aussitôt que cette nouvelle fut connue à Maroc, les Almohades répudièrent l'autorité d'Abd-el-Ouahed et reléguèrent IbnDjamê dans le pays des Heskoura. Abou-Zékérïa-Yahya, fils d'Abou-Yahya-es-Chehîd, prit alors le commandement du pays des Hintata, et Youçof-Ibn-Ali s'empara de l'autorité à Tînmelel. Abd-el-Ouahed-el-Makhlouê avait transmis à Abou-Ishac-IbnDjamê [frère du vizir] l'ordre d'occuper le Détroit avec la flotte, afin d'empêcher les révoltés de passer en Afrique. Il avait même fait prévenir secrètement [le vizir] Ibn-Djamê d'agir en sa faveur aussitôt qu'il serait arrivé chez les Heskoura; mais il fut lui-même mis à mort dans un endroit caché, avant que ses plans eussent reçu leur exécution. Il mourut dans le mois de Rebiâ 624 (mars-avril-mai 1224)1. Les Almohades envoyèrent alors à El-Adel l'assurance de leur dévouement.

RÈGNE D'EL-ADEL, FILS D'EL-MANSOUR.

El-Adel venait de recevoir l'adhésion des Almohades et une lettre dans laquelle Abou-Zékérïa, fils du Chehîd 2 lui racontait le sort du prince détrôné, lorsqu'il apprit qu'El-Baïaci, contre lequel on l'avait indisposé, s'était fait proclamer khalife à Baéza, sous le titre d'Ed-Dafer (le triomphant). Vivement préoccupé de

↑ Les grands officiers almohades, séduits par les promesses d'ElAdel, menacèrent de mort le sultan Abd-el-Ouahed s'il n'abdiquait pas en faveur de son neveu, et, ne pouvant le faire plier à leur volonté, ils le déposèrent juridiquement, l'étranglèrent treize jours plus tard, s'emparèrent de ses richesses et laissèrent violer son harem. Ce fut ainsi, dit Ibn-Abi-Zerâ, l'auteur du Cartas, que le corps des Almohades commença une série de trahisons qui le rendirent aussi fatal à la dynastie d'Abd-el-Moumen que la milice turque de Baghdad l'avait été aux khalifes abbacides. El-Makhlouê mourut le 5 Ramadan (22 sep

tembre), selon le Cartas.

Voy. ci-devant p. 214.

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