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Hafs; mais, quelque temps après, il remplaça ce fonctionnaire par Abou-Mohammed, fils du même cheikh. Au cîd Abou-'lHacen, fils du cîd Abou-Hafs, il confia l'administration de Bougie. Ayant appris, l'an 596 (1199-20), que l'ennemi ravageait l'Ifrîkïa, que les Arabes y répandaient la dévastation et que le cîd Abou-'l-Hacen s'était enfui de Constantine1 devant les armes victorieuses d'Ibn-Ghanîa, il plaça le cîd Abou-Zeid, fils du [cid] Abou-Hafs, à la tête d'un corps de troupes almohades et lui ordonna d'aller tenir garnison à Tunis. Il y envoya aussi, comme lieutenant de ce prince, Abou-Saîd, fils du cheikh AbouHafs2. Pendant qu'il faisait ces dispositions, Ibn-Ghanîa soumit la forteresse d'El-Mehdïa et, en l'an 598, un membre de la tribu de Guezoula, appelé Abou-Cafsa, suscita une révolte dans le Sous. Une armée almohade, envoyée par En-Nacer contre les insurgés de cette province les dispersa et tua leur chef.

Ce fut sous le règne d'En-Nacer que s'effectua la conquête de Maïorque, ainsi que nous allons le raconter.

CONQUÊTE DE MAÏORQUE.

Quand Ali et Yahya, fils de Ghanîa, partirent pour l'Ifrîkïa après avoir confié à leur frère, Talha 3, le gouvernement de Maïorque, un autre de leurs frères, Mohammed-Ibn-Ishac [qu'ils avaient déposé], noua des intelligences avec quelques hommes de

1 On lit dans El-Merrakchi : « Abou-'l-Hacen rencontra le maïorcain » (Ibn-Ghanîa) entre Constantine et Bougie, dans le voisinage de la >> première de ces villes. Ses partisans, les Almohades, furent mis en » déroute et il dut rentrer à Bougie. »

Abou-Hafs-Omar, aïeul des Hafsides, portait chez les Almohades le titre honorifique de cheikh. Un des princes de la famille d'Abd-elMoumen et contemporain d'Abou-Hafs-Omar, portait le même nom que lui, mais avec le titre de cid. — Voy. ci-devant, p. 89, note.

En comparant ce chapitre avec l'autre sur le même sujet, p. 86 de ce vol., on pourra y remarquer quelques différences dans les détails et quelques contradictions. Comme elles ne sont pas très-importantes, nons ne les relèverons pas.

la basse classe et parvint à se faire tirer de prison. Aussitôt qu'il eut recouvré la liberté, il fit proclamer dans l'île la souveraineté d'El-Mansour et chargea Ali-Ibn-ez-Zoborteir, qui avait été élargi en même temps que lui, de porter à ce monarque un acte d'hommage et de fidélité. El-Mansour y répondit par l'envoi d'une flotte sous les ordres d'Abou-'l-Ola-Ibn-Djamê, auquel il avait donné l'ordre de s'emparer de l'île. Indigné d'un tel procédé, Mohammed - Ibn- Ishac demanda secours au prince chrétien qui commandait à Barcelone. Il offrit même de prendre à sa solde les troupes que ce monarque lui fournirait; mais les habitants de Maïorque, craignant la vengeance d'El-Mansour, expulsèrent Mohammed de chez eux et confièrent le gouvernement de l'île à son frère Tachefîn.

Ali-Ibn-Ghania apprit cette nouvelle pendant qu'il faisait le siége de Constantine, et il donna à ses frères, Abd-Allah et Ghazi, l'ordre de partir pour Maïorque. Ces deux princes, ayant gagné une partie des habitants, déposèrent Tachefin et donnèrent le commandement à Abd-Allah. El-Mansour mit alors Abou'l-Ola-Ibn-Djamê à la tête d'une flotte et l'envoya contre l'île; d'autres expéditions s'y firent ensuite sous la conduite du même officier, et, plus tard, sous celle de Yahya, fils du cheikh AbouIbrahim-el-Hezerdji; mais les habitants leur opposèrent, chaque fois, une résistance vigoureuse et leur tuèrent beaucoup de monde. Il en résulta que, vers l'année 583 (1187), Abd-Allah avait parfaitement raffermi son autorité.

Après la mort d'El-Mansour, En-Nacer fit envahir Maïorque par une flotte sous les ordres de son oncle, le cid Abou-'l-Ola, et du cheikh Abou-Said, fils d'Abou-Hafs. Ces chefs, ayant assiégé Abd-Allah, qui s'était vu abandonner par le peuple et par son frère Tacheffn, emportèrent la ville d'assaut et en massacrèrent les habitants.

Après cette conquête, le cîd Abou-'l-Ola donna le commandement de l'île à Abd-Allah-Ibn-Tâ-Allah-el-Koumi et partit pour Maroc. Plus tard, En-Nacer y envoya comme gouverneur le cîd Abou-Zeid et nomma Ibn-Tâ-Allah chef de son armée de mer. Le cîd Abou-Zeid eut pour successeur le cîd Abou-Abd-Allah, fils

d'Abou-Hafs et petit-fils d'Abd-el-Moumen, qui fut lui-même remplacé par Abou-Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Abi-Amran de Tînmelel. Ce fut à celui-ci que les chrétiens [d'Arragon] enlevèrent Maïorque, l'an 627 (1230).

CONQUÊTE DE L'IFRIKÏA PAR IBN-GHANIA.

NOMINATION D'ABOU

MOHAMMED LE HAFSIDE AU GOUVERNEMENT DE CETTE PROVINCE.

Après la mort d'El-Mansour, son successeur, En-Nacer, confia au cîd Abou-Zeid et au cheikh Abou-Saîd, fils d'Abou-Hafs, le soin de gouverner l'Ifrîkïa, province dans laquelle la puissance d'Ibn-Ghanîa avait pris un grand accroissement. Selon un autre récit, ces deux officiers tinrent leur nomination d'El-Mansour.

Pendant qu'Ibn-Ghanîa disputait aux Almohades la possession de ce pays, l'esprit de la révolte s'y manifesta partout, et Mohammed-Ibn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui, qui s'était emparé d'ElMehdïa, lutta contre les deux partis. Ce chef prit le titre de Saheb-cobba-t-el-adim (Seigneur de la tente de peau), et, en l'an 596 (1199-1200), il mit le siége devant Tunis et dévasta les villages des environs. Ensuite, il assiégea Ibn-Ghanîa dans Cabes; mais, ayant perdu l'appui d'un de ses principaux partisans, Mohammed-Ibn-Masoud-el-Bolt, cheikh de la tribu de Rîah, qui passa du côté d'Ibn-Ghanîa, il se laissa battre par celui-ci, sous les murs de Cafsa. Le vainqueur poursuivit les fuyards jusqu'à El-Mehdïa, et, après avoir obtenu du gouverneur de Tunis le secours d'une flotte, il resserra son adversaire si étroitement qu'il l'obligea à capituler. Ibn-Abd-el-Kerîm sortit de la ville sur la foi d'une amnistie; mais il fut arrêté à l'instant même et mis à mort1.

2

Ce fut en l'an 597 (4200-4) qu'El-Mehdïa tomba au pouvoir d'Ibn-Ghania. Quelque temps auparavant, En-Nacer y avait

1 Voy. ci-devant, pp. 97 et 98.

3 Le texte arabe des manuscrits et de l'édition imprimée porte, à tort, la date de 599.

envoyé une flotte sous les ordres de son oncle Abou-'l-Ola, et une armée almohade commandée par le cîd Abou-'l-Hacen-IbnAbi-Hafs, petit-fils d'Abd-el-Moumen. Ces deux officiers y assiégèrent Ibn-Abd-el-Kerîm; mais le cîd Abou-'l-Hacen, ayant reçu de cet aventurier l'assurance qu'il garderait la ville contre l'ennemi commun et qu'il ne la remettrait qu'à un plénipotentiaire du khalife, partit pour Bougie, siége de son gouvernement, et mit la moitié de son armée aux ordres de son frère AbouZeid, gouverneur de Tunis.

La paix s'était ainsi rétablie quand Ibn-Ghanîa s'empara d'ElMehdĩa, vainquit Caracoch-el-Ghozzi, seigneur de Tripoli, et soumit le Belad-el-Djerîd; puis, en l'an 599 (1202-3), il emporta d'assaut la ville de Tunis et fit prisonnier le cîd Abou-Zeid. Il exigea alors des habitants le remboursement des frais de la guerre et employa la torture pour leur arracher l'argent dont il avait besoin. Son secrétaire, Ibn-Asfour, qui s'était chargé de percevoir cette contribution forcée, y mit tant de rigueur et de cruauté que plusieurs personnes, appartenant aux premières familles de la ville, moururent entre les mains des bourreaux.

A la suite de cette victoire, Ibn-Ghaniâ rallia à sa cause les habitans de Bône, de Benzert, de Sicca-Veneria, de Laribus, de Cairouan, de Tebessa, de Sfax, de Cabes et de Tripoli. Réunissant ainsi, sous son autorité, tous les districts de l'Ifrîkïa, il y établit des gouverneurs de son choix, et fit célébrer la prière du vendredi au nom du khalife abbacide. Ayant alors confié à son frère El-Ghazi le gouvernement de Tunis, il pénétra dans les montagnes de Tripoli et y préleva deux contributions forcées d'un million de dinars chacune. Après cet exploit, il rentra à Tunis.

Quand En-Nacer apprit que l'Ifrîkïa, déchirée par l'esprit de la révolte, était tombée au pouvour d'Ibn-Ghanîa, et que ce chef venait de faire prisonnier le cîd Abou-Zeid, il consulta les principaux chefs almohades sur les mesures qu'il fallait adopter dans cette grave conjoncture. Tous lui recommandèrent de conclure une paix avec Ibn-Ghanîa, mais Abou-Mohammed, fils du cheikh Abou-Hafs, lui conseilla d'y faire une nouvelle expédi

tion et d'en expulser le rebelle. Ce dernier avis lui paraissant le meilleur, il partit de Maroc, l'an 601 (1204-5), et fit prendre la mer à une flotte commandée par Abou-Yahya, fils d'Abou-Zékérïa-el-Hezerdji. Ibn-Ghanîa, prévoyant le danger qui le menaçait, envoya ses trésors et son harem à El-Mehdia, sous l'escorte de son neveu, Ali-Ibn-Ghazi-Ibn-Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Ghanîa. Apprenant alors que les Tripolitains s'étaient révoltés et avaient chassé leur gouverneur, Tachefîn-Ibn-Ghazi-Ibn-MohammedIbn-Ali-Ibn-Ghanîa, il marcha contre eux, pénétra dans leur ville et la détruisit de fond en comble.

La flotte d'En-Nacer étant arrivée devant Tunis, y débarqua assez de troupes almohades pour occuper la ville et massacrer les partisans d'Ibn-Ghanîa. En-Nacer lui-même marcha à la poursuite de ce chef; mais, voyant qu'il ne pouvait pas l'atteindre, il alla assiéger El-Mehdïa. Abou-Mohammed le hafside courut alors après les insurgés et, les ayant rejoints à Tadjora, il les mit en déroute, tua Djobara', frère d'Ibn-Ghanîa, Ibn-elLamti, son secrétaire, et un de ses gouverneurs de province, nommé El-Feth-Ibn-Mohammed. « Le butin, dit Ibn-Nakhil, » que l'armée d'Ibn-Ghanîa abandonna aux Almohades formait >> la charge de dix-huit mille chameaux et se composait d'or et » d'argent, d'étoffes précieuses et de meubles.» Pendant qu'IbnGhanîa s'échappait avec sa famille, le cîd Abou-Zeid recouvra la liberté, bien qu'au moment de la déroute, ses gardes eussent voulu lui ôter la vie. Le gouverneur d'El-Mehdîa, Ali-IbnGhazi, surnommé El-Haddj-el-Kafi2, remit alors cette ville à EnNacer, après avoir obtenu de lui l'autorisation d'aller rejoindre son cousin Ibn-Ghanîa. Il partit, en effet, pour le trouver; mais,

1 Dans les manuscrits et le texte arabe imprimé, ce nom est presque toujours écrit Haïara.

Ali-Ibn-Ghazi avait fait le pèlerinage de la Mecque et portait, en conséquence, le titre de Haddj. Comme il déploya une grande habileté dans la défense d'El-Mehdïa, les Almohades, qui assiégeaient la place, le nommèrent le pèlerin infidèle (El-Haddj-el-Kafer); mais, quand il rendit la forteresse à En-Nacer, ce prince fut si content de lui qu'il changea ce sobriquet en El-Haddj-el-Kafi (le pèlerin serviable).

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