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Ayant ensuite appris que le fils d'Alphonse avait rompu la trève1 et envahi le territoire musulman, le khalife rassembla des troupes et envoya le cîd Abon-Hafs contre l'ennemi. Ce prince attaqua le roi chrétien dans le cœur même de ses états, lui enleva Alcantara et battit ses armées dans toutes les rencontres.

En 571, (1175), le khalife quitta Séville et reprit la route de Maroc, après avoir passé près de cinq années en Espagne. Avant de partir, il donna à son frère [Abou-Ali-]el-Hacen, le gouvernement de Cordoue et à [Abou-'l-Hacen-] Ali, un autre de ses frères, le gouvernement de Séville.

[Vers ce temps], la peste envahit la ville de Maroc et enleva les cîds Abou-Emran, Abou-Saîd et Abou-Zékérïa. Le cheikh Abou-Hafs, qui avait quitté Cordoue pour rentrer en Afrique, mourut en route et fut enterré à Salé.

Le khalife rappela alors ses frères Abou-Ali et Abou-'l-Hacen, pour confier, au premier, le gouvernement de Sidjilmessa et, au second, celui de Cordoue. Voulant accorder des commandements à ses neveux, Abou-Zeid et Abou-Mohammed - AbdAllah, tous les deux fils du cîd Abou-Hafs, il donna, au premier de ces princes, le gouvernement de Grenade, et, à l'autre, celui de Malaga.

En l'an 573 (1177-8), il châtia ses vizirs les Beni-Djamê et les bannit à Merida. En l'an 575, il nomma Ghanem, fils de Mohammed-Ibn-Merdenîch, au commandement de sa flotte, et l'envoya contre Lisbonne. Ghanem revint de cette expédition après avoir enlevé un butin considérable. La même année mourut le cîd Abou-Hafs, frère et vizir du khalife; il s'était distingué par sa bravoure dans la guerre sainte et par les maux qu'il avait causés à l'ennemi. Ses deux fils arrivèrent alors de l'Espagne pour informer le khalife le roi chrétien venait de rompre la trève. Abou-Yacoub se disposa aussitôt à recommencer la guerre sainte et invita les Arabes de l'Ifrikïa à venir y prendre part.

que

1 Après sa tentative contre Huéte, le sultan almohade conclut une trève de sept ans avec le roi chrétien. (El-Merrakchi.)

RÉVOLTE ET SOUMISSION DE CAFSA.

En l'an 557 (1162) Ali-Ibn-el-Ezz, surnommé Et-Touîl (te long), membre de la famille Rend, princes de Cafsa, s'empara du commandement de cette ville, ainsi que nous l'avons déjà raconté. Le khalife quitta Maroc pour marcher contre le rebelle et, arrivé à Bougie, il fit arrêter Ali, fils d'El-Motezz3 auquel Abd-el-Moumen avait autrefois enlevé le gouvernement de Cafsa. Les dénonciations qui lui étaient parvenues au sujet de ce chef portaient sur les liaisons qu'il entretenait avec son parent, Ibn-el-Ezz, et sur des proclamations qu'il aurait adressées aux Arabes. La découverte de plusieurs de ces écrits dans la maison du prisonnier ayant confirmé la vérité de l'accusation portée contre lui, le khalife confisqua tous ses biens et continua sa route. Arrivé devant Cafsa, il accueillit avec bienveillance les cheikhs des Arabes rîahides qui étaient venus lui offrir leur soumission, il maintint le siége de cette ville jusqu'à ce qu'Ibn-el-Ezz se rendit prisonnier, partit ensuite pour Tunis et envoya en Maghreb ses troupes arabes. Quelque temps après, il reprit le chemin de sa capitale, après avoir nommé son frère, le cîd AbouAli, gouverneur de l'Ifrîkïa et du Zab. Il accorda aussi au cîd Abou-Mouça le gouvernement de Bougie.

REPRISE DE LA GUERRE SAINTE.

Rentré dans sa capitale, l'an 577 (1184-2), après avoir pris la ville de Cafsa, le khalife reçut la visite de son frère, le cîd

↑ Variantes de date: 575, 557. La première est fausse; ce fut dans cette année-là que le khalife quitta Maroc pour attaquer Iba-el-Ezz lequel était déjà en possession de Cafsa depuis plus de douze ans. Voyez, ci-devant, p. 34.

* Voy. ci-devant, pp. 33 et 34.

Le texte imprimé et les manuscrits portent El-Montecer, mauvaise leçon du copişte.

Abou-Ishac, qui arrivait de Séville, et celle du cid Abou-Abder-Rahman-Yacoub qui venait de Murcie. Ces princes amenèrent dans leur suite les principaux Almohades et autres chefs qui commandaient en Espagne. Il accueillit avec bienveillance les félicitations que ces députés lui adressèrent sur son heureux retour et les renvoya très-honorablement. Il apprit alors que Mohammed-Ibn-Youçof-Ibn-Ouanoudîn, étant parti de Séville à la tête d'un corps almohade, venait d'y rentrer après avoir envahi le territoire de l'ennemi, assiégé Evora, pillé les environs de cette ville et enlevé d'assaut plusieurs châteaux du voisinage. On vint aussi lui annoncer qu'Abd-Allah-Ibn-Ishac-Ibn-Djamê, le commandant de la flotte de Séville, avait rencontré en pleine mer la flotte de Lisbonne et pris vingt navires, un grand nombre de prisonniers et un butin considérable. Ensuite, on lui apporta la nouvelle qu'Alphonse [III], fils de Sanche [III], avait mis le siége devant Cordoue; que les troupes de ce roi faisaient des incursions jusqu'aux environs de Malaga, de Ronda et de Grenade; qu'elles avaient attaqué la ville d'Ecija, installé une garnison dans Chenghîla, forteresse dont elles venaient de faire la conquête1, et qu'alors elles s'étaient retirées. On lui annonça aussi que le cîd Abou-Ishac avaient assiégé Chenghîla pendant quarante jours avec un corps de troupes réunies pour cet objet, et qu'il avait rebroussé chemin sur la nouvelle qu'Alphonse était parti de Tolède et marchait au secours de la forteresse. Il apprit aussi que Mohammed-Ibn-Youçof-Ibn-Ouanoudîn avaient quitté Séville, à la tête d'une armée almohade, dans le dessein d'assiéger Talavera et qu'il en avait rapporté une masse de butin, après avoir repoussé une sortie faite par la garnison.

Toutes ces circonstances décidèrent le khalife Abou-Yacoub à

recommencer la guerre sainte : il nomma ses fils à des commandements en Espagne et les y envoya avant lui pour lever des troupes. Le cîd Abou-Ishac reçut alors le gouvernement de Séville, comme auparavant; le cîd Abou-Yahya obtint le gou

1 Cette localité est inconnue. M. de Gayangos pense qu'il faut lire Sietefila.

vernement de Cordoue; le cîd Abou-Zeid-el-Hardani, celui de Grenade, et, le cîd Abou-Abd-Allah, celui de Murcie.

En l'an 579 (1183-4), le khalife partit pour Salé et y rencontra Abou - Mohammed - Ibn - Abi-Ishac-Ibn Djamê qui lui amenait de l'Ifrîkïa les contingents fournis par les Arabes. S'étant ensuite rendu à Fez, il se forma une avant-garde de troupes hintatiennes, tînmeleliennes et arabes; puis, dans le mois de Safer 580 (mai-juin 1184), il traversa le Détroit et débarqua à Gibraltar. De là, if se porta à Séville et, ayant réuni sous ses drapeaux les contingents espagnols, il relégua dans le château de Ghafec1 Mohammed-Ibn-Ouanoudîn qui lui avait donné sujet de mécontentement, et marcha ensuite contre Santarem. Pendant plusieurs jours, il fit le siége de cette place, puis il y renonça, et, le matin même du jour où il devait décamper, il trouva que ses troupes étaient déjà parties et qu'on l'avait laissé sans moyens de défense. Les chrétiens firent alors une sortie contre lui et ses compagnons; un combat acharné eut lieu dans lequel le monarqne almohade déploya la plus grande bravoure. Ils effectuèrent alors leur retraite et le khalife mourut le même jour. L'on dit qu'il fut atteint d'une flèche au plus fort de la mêlée; mais d'autres assurent qu'il fut emporté par une subite indisposition 2.

REGNE D'ABOU-YOUÇOF-] YACOUB-EL-MANSOUR, FILS D'ABOU-YACOUBYOUÇOF.

En l'an 580 (1184), le khalife Abou-Yacoub [-Youçof] mourut sous les murs de Santarem, et son fils Yacoub, ayant reçu de

1 Le géographe Idrîci place Ghafec à 64 milles au nord de Cordoue et le décrit comme une forteresse dont les habitants s'occupaient à faire des courses sur le territoire des chrétiens.

Ni les auteurs musulmans, ni les chroniqueurs chrétiens ne s'accordent sur la cause qui amena la retraite de l'armée almohade, à l'insu du souverain. Il y avait soit une trahison, soit un malentendu. Selon les meilleurs historiens arabes, ce fut d'un coup de lance ou de flèche en bas du nombril que le sultan mourut. L'auteur du Cartas dit que le sultan Abou-Yacoub-Youçof cessa de vivre le 2 Rebiâ second, 580 (13 juillet 1484).

l'armée le serment de fidélité, la ramena à Séville. Après la cérémonie de l'inauguration, le nouveau souverain prit pour vizir le cheikh Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, fils d'Abou-Hafs, et partit avec son frère, le cîd Abou-Yahya, pour envahir le pays de l'ennemi. Quand il eut porté le ravage dans le territoire des infidèles et pris quelques places fortes, il traversa le Détroit avec l'intention de se rendre à Maroc. Débarqué à Casr-Masmouda, il reçut les hommages du cîd Abou-Zékérïa, fils du cîd Abou-Hafs, qui y était venu de Tlemcen avec les cheikhs de la tribu de Zoghba. Arrivé à Maroc, il commença par remédier aux abus et présider en personne à l'administration de la justice; de sorte qu'il fit jouir tout l'empire d'une administration équitable. Parmi les graves événements qui marquèrent le commencement de son règne, on doit signaler particulièrement la révolte d'Ibn-Ghania.

RÉVOLTE D'IBN-GĦANÎA 1.

2

Mobescher, affranchi de Modjahed et gouverneur de Maïorque, se voyant assiégé par les chrétiens qui s'étaient emparés de l'île, avait imploré le secours du souverain almoravide, Ali, fils de Youçof-Ibn-Tachefin. La mort de Mobescher laissa les habitants sans chef, et l'ennemi put tout brûler et dévaster chez eux avant de mettre à la voile et de s'éloigner 3. Ali, fils de Youçof, y envoya alors comme gouverneur un personnage mar

1 Ci-devant, p. 86, se trouve un autre chapitre sur le même sujet. Abou-'l-Djoïouch-Medjahed, client de la famille d'Ibn-Abi-Amer-elMansour, le célèbre vizir du khalife oméïade Hicham 11, gouverna le royaume de Denia et des îles Baléares depuis l'an 406 (1016) jusqu'à l'an 436 (1045). Son successeur, El-Morteda, fut remplacé par Mobescher, qui régna jusqu'à l'an 508 (1114).

En l'an 1444, Don Raymond Beranger II, comte de Barcelone, Aymeri, vicomte de Narbonne, Guillaume, comte de Montpellier et d'autres seigneurs firent entre eux une ligue pour détruire les corsaires mahométans de Maïorque. Cette tentative échoua, mais deux années plus tard, ils s'emparèrent de l'île et l'évacuèrent bientôt après.- (Ferreras, tom. 1, pp. 330, 331 et note de M. d'Hermilly.)

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