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que les instruments y avaient été déposés la veille, tant ils étaient parfaitement conservés. Je ramassai là des couteaux et des grattoirs tailles dans un silex transpe rent avec une telle netteté qu'ils semblaient avoir été découpés dans une pâte moile; pas de pointes de flèches, du moins je n'en aperçus pas.

Le lendemain, lundi 29 octobre, je rentrais à Touggourt.

M. Grex, l'honorable négociant francais qui m'avait, å plusieurs reprises, rendu des services dont je lui sais le meilleur gré, n'était pas alors à Touggourt: rebuté pour mille et mille causes, il était allé se fixer à Biskra; mais il avait laissé pour le représenter un jeune indigène qu'il avait élevé et qui dirigeait sa petite maison avec intelligence. C'est à lui que j'allai demander l'hospitalité.

Le représentant de M. Grex mit à ma disposition une chambre assez vaste et très propre, où je fis transporter mes armes et mon grabat.

Quant à ma caravane, je l'installai sur la place mème, contre la grande mosquée; les chameaux furent entravés et agenouillés autour des bagages, avec deux hommes de garde armés.

On ne m'en vola pas moins, cette nuit même, une petite caisse dissimulée au fond d'un tellis et dans laquelle il y avait de l'argent et une montre qui m'était précieuse.

Le lendemain, mardi 30 octobre, je quittai Touggourt avant le lever du soleil pour m'acheminer vers Biskra, où j'arrivai le 4 novembre dans la soirée. Il était temps: mes forces étaient ébranlées par ce que j'avais souffert depuis dix mois et je craignais de tomber malade. Mon serviteur Thayeb était lui-même épuisé par la fièvre et la dysenterie, et mes autres compagnons se ressentaient aussi plus ou moins des effets de la mauvaise qualité des eaux que nous avions bues dans la vallée de l'oued Miyâ,

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Silex taillés de la vallée de l'oued Miyâ, rapportés par l'auteur.

1. Grattoir recourbé (1/2 grandeur).

2. Poinçon (1/2 grandeur).

3.

Grattoirs (1/2 grandeur).

5. Poinçon (1/2 grandeur).
6. Sorte de grattoir (1/2 grandeur).
7. Scie (1/2 grandeur).

8. Pointes de flèches ou de javelots
9.) (1/2 grandeur).

10. Grattoir ou racloir (1/3 grandeur.) 11. Petit couteau (1/2 grandeur).

12.

Pointes de flèches (1/2 grandeur).

13.

14.

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lesquelles avaient produit sur eux une sorte d'empoisonnement.

Quelques jours de repos et les bons soins que je trouvai au sein de l'excellente famille Médan me rendirent toutes mes forces; il n'en fut pas de même du pauvre Thayeb, qui ne voulut jamais entrer à l'hôpital et que je laissai à Biskra dans un état de faiblesse inquiétant.

M. le colonel Noëlat, le nouveau commandant supérieur du cercle de Biskra, me fit un de ces accueils qu'on n'oublie pas; je trouvai en lui un philosophe doublé d'un savant; sa parole riche et imagée tient ceux qui l'écoutent sous un charme inexprimable. Les instants que j'ai eu l'honneur de passer en sa compagnie, dans sa charmante famille, ont été trop courts à mon gré; jamais, non jamais, ils ne s'effaceront de mon souvenir !

Je n'oublierai pas non plus l'empressement que M. le capitaine Lefroid, chef du bureau arabe, a toujours mis à me rendre service dans nombre de petites circonstances difficiles; la droiture de son caractère, son esprit de justice, son grand désintéressement, si apprécié des colons et des indigènes, lui ont valu le respect et la considération de tous.

Enfin, je ne le tairai point, tous les colons de Biskra me témoignèrent de mille manières la joie qu'ils éprouvaient de me revoir sain et sauf au milieu d'eux et le chagrin qu'ils ressentaient de mon échec; ils me contèrent à ce sujet bien des choses que je passe en ce monient sous silence, mais que je ne puis oublier.

Que tous les Français de Biskra, qui m'ont entouré de sympathies, veuillent bien agréer mes remerciments : M. Médan, M. Béchu, M. Cazenave, les frères Sardon mes exellents amis, M. Dufour l'habile agriculteur, M. Grex, M. Brun, M. Lafont, M. Perrotet, M. Liagre et tous les autres. Leur souvenir me suivra toujours.

Je quittai Biskra le 5 décembre, à 2 heures du matin, pour me rendre à Alger, où j'arrivai le 10, par la voie de terre. Le 26, je m'embarquai pour Marseille où je débarquai le 28 après une heureuse traversée, et, le 4 janvier 1878, j'arrivai à Niort, ma ville natale, où la curiosité fut vivement excitée par le costume arabe dont j'étais revêtu.

Depuis lors j'ai rédigé ce livre qui, pour diverses raisons, n'est pas aussi étendu que celui que je comptais offrir au public français; j'ai dressé la carte qui l'accompagne; j'ai écrit un ouvrage scientifique, non encore publié, un Essai de grammaires et de dictionnaires des langues kouérétchini et magana (parlées à Tombouctou et dans le Haoussa, pays soudanien); enfin j'ai préparé une seconde édition du Sahara, corrigée et considérablement augmentée.

L'insuccès de mes efforts m'attriste. Il ne me décourage pas, puisque je ne l'ai point mérité. Je me sens le courage et la force de réussir. Et je compte m'adresser encore à la France, quand le moment sera venu d'organiser une nouvelle et grande expédition à travers ce SAHARA, infiniment précieux pour la France, quoi qu'en puisse dire ou penser le vulgaire.

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