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RECHERCHES

SUR

LES OSSEMENTS HUMAINS ANCIENS ET PRÉHISTORIQUES

EN VUE DE LA RECONSTITUTION DE LA TAILLE

ÉPOQUES QUATERNAIRE, NÉOLITHIQUE, PROTOHISTORIQUE

ET MOYEN AGE

Par le docteur J. RAHON.

AVANT-PROPOS.

Ce travail, que j'ai entrepris sur les indications de M. Manouvrier, a été exécuté presque en entier au Laboratoire d'anthropologie de l'École des Hautes Études et au musée Broca. Avec une bienveillance extrême, M. Manouvrier m'a puissamment aidé de ses conseils et de sa science. On ne saurait rencontrer nulle part un concours plus utile et plus spontané.

J'adresse aussi mes remerciements à M. Hamy, qui m'a ouvert très libéralement les galeries d'anthropologie du Muséum d'histoire naturelle; à M. Poirier, qui a bien voulu mettre à ma disposition la collection d'ossements de l'École pratique de la Faculté de médecine; à MM. G. et A. de Mortillet, dont j'ai mis à contribution la profonde érudition, en matière de paléoethnologie, pour le classement de mes séries.

Je dois une foule d'indications et de renseignements très précieux à mon maître très honoré, M. Roujou, dont l'appui m'a été très souvent fort utile en maintes circonstances. Je ne saurais trop le remercier de son extrême bienveillance. Qu'il me soit permis enfin de témoigner ici ma reconnaissance à

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mon éminent maître, M. Edmond Perrier, professeur au Muséum, pour l'intérêt qu'il m'a témoigné au cours de mes études zoologiques.

I

APERÇU HISTORIQUE.

La taille humaine a-t-elle varié depuis l'apparition de l'homme sur la terre ?

Cette question, de la plus haute importance, a été agitée à toutes les époques, témoin les récits et les opinions exprimées à ce sujet dans les ouvrages les plus anciens. M. le professeur Cesare Taruffi, de Bologne, dans un ouvrage plein de science et d'érudition (Della Macrosomia, Milano, 1878), a rapporté un grand nombre de passages empruntés aux historiens de tous les temps et parmi lesquels nous citerons les suivants :

Moïse raconte qu'ayant envoyé des explorateurs dans la terre promise, ceux-ci la trouvèrent peuplée de géants que le poète Amos compare à des chênes pour la force et à des cèdres pour la taille. Divers autres passages de l'Écriture font également allusion à des peuples de géants plus ou moins fabuleux. Telle l'histoire du géant Goliath, rapportée dans le livre des Rois, dont la taille mesurait 5,52.

Mais les écrivains qui suivirent se demandèrent comment ces peuples avaient disparu.

A cette occasion, Esdras répond que, dans la succession des générations, les formes perdent peu à peu de leur vigueur, de telle sorte que les formes colossales, existantes d'abord, disparaissent insensiblement et sont remplacées par des formes plus petites.

Les Grecs avaient absolument la même opinion quand ils décrivaient les actes de force de leurs héros. Homère se lamentait en considérant l'affaiblissement graduel que subissaient les hommes de son époque.

Hésiode regrettait que les corps des hommes de son temps. fussent déchus de la grandeur antique.

Cette conception est exprimée par Hérodote, Pausanias, Phi

lostrate; elle fut même exagérée plus tard par Plutarque et Pline.

Plutarque comparait ses contemporains à des nouveau-nés, relativement aux anciens. Pline assurait que ceux-ci dépassaient en hauteur la taille des cyprès, et pensait que la semence va en s'appauvrissant par une lente combustion qui s'effectue de génération en génération.

Dans son Histoire naturelle, il rapporte qu'une montagne s'étant ouverte subitement en Crête, on y vit un squelette debout, haut de 46 coudées (20,32), attribué à Orion par les uns, à Oties par les autres. Il rapporte également que le corps d'Oreste, dispersé par l'ordre de l'Oracle, atteignait 7 coudées (3TM,92).

Ces croyances au sujet de la taille humaine paraissaient corroborées par les découvertes de grands ossements faites en Macédoine, en Sicile, etc., que l'on attribuait à l'homme.

On connaît l'opinion de Virgile.: « Lorsque le laboureur découvre, avec sa charrue, les armes et les ossements de ses ancêtres, il est étonné et admire leur taille gigantesque. »

Saint Augustin, voulant justifier ce passage, raconte aux incrédules qu'il a vu lui-même, sur le littoral d'Utique, une dent humaine avec laquelle on aurait pu faire cent des nôtres.

Saint Bonaventure, ne pouvant admettre l'opinion de saint Augustin, considérait ces débris comme « une erreur de la nature » et les attribuait au démon!

Les récits de Magellan, après la découverte de la Terre de Feu, et la description qu'il fit des Patagons, représentant ceux-ci comme de véritables géants, firent accepter, comme moins improbables, les idées des anciens.

L'historien scandinave Olao Magno célébrait la taille gigantesque des anciens habitants de la Scandinavie. Enfin, on sait à quelle longue polémique donna lieu la découverte, faite en Dauphiné, au temps de Louis XIII, d'un squelette qu'on attribua à Teutobochus, le roi des Cimbres. Malgré les protestations d'un grand anatomiste, Riolan, qui les attribua à un éléphant, cette légende ne prit fin que lorsque de Blainville. vint confirmer l'idée de Riolan et déclarer à l'Institut, le 23 mai 1835, que les ossements de Teutobochus appartenaient à un mastodonte identique à ceux de l'Ohio.

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