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INSCRIPTIONS INÉDITES

RECUEILLIES

A CONSTANTINE ET DANS LA PROVINCE

PENDANT L'ANNÉE 1865–1866

INTRODUCTION

Fidèle à la mission qu'elle s'est imposée dès son origine, la Société Archéologique de la province de Constantine continue à RECUEILLIR, à CONSERVER et à DÉCRIRE, avec une louable persévérance, tous les monuments lapidaires des âges passés que le hasard ou de laborieuses recherches lui font découvrir. Ses investigations, qui ne se sont pas ralenties un instant jusqu'à ce jour, ne se bornent pas seulement au territoire de Constantine; elles s'opèrent, grâce à l'appui généreux que lui prêtent la municipalité et l'autorité supérieure, sur toute la surface

de l'ancienne Numidie, qui fut le théâtre de tant d'évènements mémorables, avant et pendant l'époque de la domination romaine. Chacun de ses membres, animé d'un zèle ardent pour tout ce qui a rapport aux intérêts, à la gloire et à la vitalité de la Société, apporte annuellement à l'œuvre commune le produit de ses travaux en matière d'histoire, de géographie et d'archéologie. Quelques uns de ses honorables correspondants, dont le nombre n'est que trop restreint, participent à ces labeurs avec une noble émulation, en envoyant régulièrement chaque année le résultat des découvertes épigraphiques qui sont faites dans la circonscription des centres où ils résident. Tous ces documents, réunis à ceux qui proviennent des fouilles exécutées au chef-lieu et dans ses environs, ont permis de livrer à la publicité, depuis la création de la Société, une dizaine de volumes extrêmement intéressants, qui renferment ensemble une série de plus de deux mille inscriptions latines et un nombre assez considérable d'autres appartenant aux différents idiômes des peuples autochthones. Mais qui dira le nombre de tous les autres monuments épigraphiques que d'illustres et savants explorateurs ont recueillis sur le sol entier de l'Algérie depuis qu'elle est en notre possession? On peut, sans trop d'exagération, en élever le nombre à huit ou neuf mille, car le grand ouvrage, l'Exploration scientifique de l'Algérie, de M. le commandant de La Marre, publié par M. L. Renier, sous les auspices du Gouvernement, en compte à lui seul près de cinq mille. Cette abondante moisson d'épigraphes, qui ont enrichi le domaine de la science d'une multitude de faits historiques dont l'écho lointain ne nous était pas parvenu, a été

ramassée en grande partie à la surface de la terre, dans l'enceinte des cités détruites et de leurs vieilles nécropoles.

Les anciennes provinces du gigantesque empire romain, sauf, peut-être, quelques lointaines contrées de l'Asie qui devinrent, assez tard, la proie de maints conquérants barbares, n'ont plus à transmettre aux siècles futurs que de rares vestiges du passé; car la marche incessante de la civilisation à travers les âges, les progrès croissants de l'agriculture et de l'industrie, ont dû faire sortir du sein de la terre la plus grande partie des richesses archéologiques que le temps et la main des hommes y avaient déposées.

Il n'en est pas ainsi des régions septentrionales de l'Afrique, notamment de la Numidie, où le sol est jonché de toutes parts de ruines imposantes, témoignages évidents d'un glorieux passé, et qui sont restées vierges de toute profanation pendant la durée entière de l'occupation musulmane. En effet, on connait l'apathie naturelle des indigènes et les préjugés héréditaires dont ils sont imbus au sujet des antiquités monumentales, qu'ils croient hantées par des génies malfaisants. Il y a donc lieu de supposer qu'ils n'ont jamais songé à fouiller ces décombres entassés pour y chercher des documents relatifs à leur splendeur évanouie. Les édifices que nous voyons encore debout, au milieu des ruines, attestent suffisamment que le temps, dans sa marche tranquille, a procédé seul à leur lente et fatale décomposition.

Malgré cette prodigieuse quantité d'inscriptions dédicatoires et sépulcrales que les récentes découvertes nous out fournies, le sol de l'Algérie est loin d'être complète

ment épuisé. Nous avons encore à exploiter de riches et précieux filons dans une foule de centres secondaires inexplorés et dans les antiques substructions des grandes villes, telles que Lambèse, Tebessa, Mila, Collo et tant d'autres, qui brillèrent jadis d'un vif éclat et dont il ne reste plus que les squelettes informes, couchés dans la poussière des siècles.

C'est avec ces lambeaux incohérents, souvent mutilés ou incomplets, que la pioche arrachera un jour des entrailles de ces vieilles cités, que l'on parviendra à connaître quelques particularités de leur existence antérieure et le secret inviolé de leur décadence et de leur destruction.

Recueillons donc avec un religieux empressement toutes les reliques séculaires qui s'offriront à nos regards. Ne dédaignons pas de ramasser l'humble stèle de l'esclave ou du prolétaire; l'une et l'autre peuvent quelquefois fournir des indications tout aussi utiles que la pompeuse épitaphe d'un haut fonctionnaire de l'État. Les grands travaux d'utilité publique qui, depuis quelque temps, s'exécutent dans la colonie avec une vigoureuse activité, et qui se continueront encore pendant plusieurs années, amèneront, nous en avons l'espoir, de nouvelles découvertes d'antiques et d'épigraphes qui viendront grossir la riche collection que nous possédons.

INSCRIPTIONS

Avant d'ouvrir la série des découvertes épigraphiques qui ont été faites à Constantine et dans les environs depuis la publication de notre dernier Recueil, qui a paru en août 1865, je dois, dans l'intérêt de la science, faire le rappel de deux inscriptions très-importantes, insérées sous les nos 89 et 109, que le temps et des circonstances indépendantes de ma volonté ne m'avaient pas permis d'étudier minutieusement comme elles méritent de l'être. La première de ces inscriptions est celle qui nous a été communiquée par M. Bouland, lieutenant attaché au bureau arabe de Biskra, qui l'avait copiée à la hâte, sous une température ardente, avant de se rendre à Bône où il avait été récemment appelé. Cette copie laissait tellement à désirer, sous le rapport de la symétrie et de l'exactitude, qu'il m'avait été impossible, malgré un travail opiniâtre, d'en détacher la moindre parcelle du sens général. Une nouvelle transcription, beaucoup plus heureuse, sans toutefois être exempte de quelques imperfections, ayant été faite dans le courant d'octobre par M. Boissonnet, sous-intendant militaire à Batna, qui a bien voulu la communiquer, m'a fourni les éléments nécessaires pour rétablir exactement le texte de l'original, qui semble avoir été gravement altéré par l'intempérie et le poids accablant des siècles.

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